Incroyants, encore un effort

Montée de la délinquance

Songez à l’insécurité et aux violences croissantes dans les villes, les banlieues et les campagnes. Les médias en général et la télévision en particulier ont une bonne part de responsabilité dans cette banalisation. Mon père changeait de chaîne chaque fois qu’il voyait un révolver apparaître à l’écran ! Autant que d’un refus de la violence, il s’agissait pour lui, je suppose, d’un refus de la facilité. Les seules professions d’avenir sont-elles celles de policier, de gendarme, de CRS, d’agent de sécurité, de vigile, de juge, d’avocat, de geôlier, de poseur ou d’écouteur de micros espion et de bretelles téléphoniques, d’installateur ou d’observateur de caméras de surveillance ? On installe désormais des caméras pour surveiller les radars cinémomètres de peur qu’ils ne soient vandalisés et les policiers au travail de peur des « bavures ». Il faudra bientôt installer suffisamment de caméras pour qu’elles puissent se protéger mutuellement comme les bastions des fortifications à la Vauban ! On devine aisément ce que deviendrait un pays où ces moyens seraient utilisés à des fins personnelles ou partisanes : un état fasciste au service des plus riches. La police et la gendarmerie sont certes de bons auxiliaires des surmoi défaillants, mais une société dans laquelle les activités d’espionnage, de coercition et de répression apparaissent comme le seul recours possible contre les désordres peut-elle se dire sur la bonne voie ? C’est plutôt remplacer par des traitements coûteux une bonne hygiène de vie. Faut-il indéfiniment augmenter le nombre et la taille des prisons, car le nombre de prisonniers est directement proportionnel à la pression sociale qui s’exerce à l’intérieur d’une société ? Y verrons-nous un jour une moitié de la population gardée par l’autre moitié ? La plupart admettront qu’il faut utiliser pour lutter contre la délinquance répression et prévention. Tout est question de dosage. Souhaitons-nous 400.000 détenus dans les prisons françaises (équivalents proportionnellement aux 2.000.000 de détenus des prisons américaines) et une violence omniprésente, ce qui serait le cas si nous suivions la même politique du tout répressif ? Les prisons sont des garages financés par la collectivité dont les pensionnaires, victimes d’une panne de surmoi, devraient au moins sortir réparés. Aujourd’hui on se contente de faire quelques bosses supplémentaires à des voitures déjà déglinguées. Ce qui est fait est fait, malheureusement. Les mesures correctives ne doivent pas être prises en fonction du passé que rien ne pourra changer, mais en fonction de l’avenir. Il doit exister une justice réparatrice comme il existe une chirurgie réparatrice. Il faudrait selon moi dire au prisonnier : « Monsieur, il n’est plus possible de vous laisser aller où bon vous semble car vous faites trop de bêtises. Nous allons nous occuper de vous pour vous remettre d’aplomb afin que vous cessiez d’être un danger pour vous-même et pour les autres ». Les centres de détention devraient ainsi être transformés en centres de remise en forme physique et mentale. Il faudrait proposer aux prisonniers des travaux assez exigeants physiquement, au dessous toutefois du seuil de pénibilité car il ne faut pas dégoûter de l’effort. Quelle que soit la rentabilité réelle de ces travaux leur bon accomplissement permettrait aux prisonniers, selon une convention préétablie, de bénéficier d’une libération anticipée. Un jour travaillé efficacement vaudrait par exemple un jour de liberté. Ceci donnerait aux personnes enfermées un but tout à fait clair et les réhabituerait à l’effort. On ne voit pas pourquoi le dicton selon lequel l’oisiveté est mère de tous les vices ne s’appliquerait pas aussi en prison. Alain cite le cas de ces prisonniers russes complètement démoralisés et retrouvant soudain toute leur énergie quand on leur demande de déblayer la neige, travail utile à tous et d’abord à eux-mêmes. Le « julot » entretenu par ces dames et tous ceux qui croient déchoir en travaillant, s’ils veulent sortir plus tôt, seraient obligés de trimer comme les copains au lieu de rouler des mécaniques. Sans compter que l’effort physique qui active la circulation du sang est bon pour le cerveau aussi et que la fatigue physique a un effet calmant certain. Celui-là qui travaillerait de bon cœur et élaborerait un projet de vie tenant la route pour le moment de sa sortie serait sauvé. Bien entendu, le condamné resterait sous contrôle judiciaire jusqu’au terme nominal de sa peine et même au-delà. La victime d’une maladie grave subit longtemps des contrôles réguliers, même si elle a été déclarée guérie... Quant aux crimes sexuels, ils sont probablement trop sévèrement punis. Nous devons cela à l’influence conjointe des pères-la-pudeur et des chiennes de garde. Qui plus est leur répression entraîne des erreurs judiciaires grandioses du fait que des inculpations et des condamnations peuvent être prononcées en l’absence de preuves matérielles suffisantes. Un viol est un vol avec violence commis sous l’empire d’une drogue naturelle, testostérone ou autre, dont la sécrétion échappe à tout contrôle. La victime d’un viol court plus de risques aujourd’hui du fait de l’alourdissement des sanctions exercées à l’encontre des violeurs. Un violeur conséquent supprimera le seul témoin d’une voie de fait qui par la-même devient un crime. L’utilisation d’un préservatif devrait être une circonstance atténuante reconnue. Mieux vaut cent femmes violées avec préservatif qu’une seule assassinée. Un indice corporel minime abandonné sur le lieu de l’offense peut suffire à confondre le coupable. Il est à la portée du premier venu d’instituer des châtiments toujours plus rigoureux et c’est toujours populaire. Ceci ne constitue pas cependant le début du commencement d’une solution aux problèmes de délinquance et ne sert qu’à donner au bon peuple l’illusion que ceux qui ont décidé ces aggravations ont agi. Les hommes politiques laissent ensuite aux magistrats le soin de se débrouiller avec une législation mal adaptée et des infrastructures insuffisantes. Ils ne manquent pas de les critiquer dés que se présente une difficulté.
Ce qui vient d’être dit sur le traitement de la criminalité peut surprendre et choquer, mais d’autres évolutions sont déjà intervenues dans la façon d’évaluer les comportements individuels. Il n’y a pas si longtemps, les déficients mentaux faisaient l’objet de toutes les moqueries. Maintenant que l’on sait que leur comportement résulte le plus souvent d’une maladie génétique, on ne rit plus du tout, mais on essaie de les aider et de les soigner, espérant que, dans un avenir plus ou moins proche, la thérapie génique aura raison de leur handicap. Ce n’est pas en refusant de regarder la réalité en face et en gardant obstinément les mêmes schémas de pensée qu’on a une chance de faire avancer la solution du problème de la criminalité ou celui de l’indépendance de la magistrature qui ne peut pourtant, si elle ne dépend que d’elle-même, rester éternellement en état d’apesanteur.
Songez à l’ubiquité de la corruption et des pratiques mafieuses. Songez à l’argent de provenance douteuse qui s’investit dans les activités les plus respectables. Dire de quelqu’un qu’il est honnête, c’est presque dire qu’il est inapte à exercer de hautes fonctions. Parmi tous les postulants qui ont l’équipement intellectuel nécessaire, ce sont souvent ceux qui bénéficient d’un sens moral à géométrie variable qui parviennent aux premières places et s’y maintiennent. Qui utiliser ? Qui écarter ? Qui tromper ? Qui calomnier ? Qui trahir ? Voilà les questions qu’ils se posent. Les religions voudraient que nous soyons honnêtes par calcul, alors que c’est la générosité de notre cœur qui le demande et que c’est la société qui nous en dissuade.
Songez à la concentration du pouvoir économique dans des sociétés multinationales aux mains de quelques-uns. Songez aux paradis fiscaux qui permettent de dissimuler les transactions les plus condamnables et tarissent les ressources des états. Il est permis de penser que si l’existence de ces paradis fiscaux n’est pas davantage remise en cause, c’est parce qu’ils abritent la cagnotte et les trafics d’un grand nombre de personnages influents et d’organisations puissantes. A cause d’eux, l’investissement dans l’ingénierie fiscale est certainement plus rentable que tout autre. Les salaires extravagants qui sont accordés à certains dirigeants et auxquels s’ajoutent encore des avantages multiples et conséquents font apparaître ces dirigeants comme des loups prédateurs plus que comme des bergers. Que ne dirait-on pas si des conditions analogues étaient faites aux hommes politiques dans nos pays démocratiques ? La chute du communisme soviétique a fait oublier toute pudeur (mais pas le goût du secret) aux détenteurs du capital et à leurs mandataires. Certains vous diront que la Loi du Marché justifie ces inégalités qui existent aussi pour les artistes et pour les sportifs. S’il est vrai que plusieurs poètes associés n’écriront pas forcément un meilleur poème, il est certain que vingt deux bons footballeurs amateurs, simplement défrayés de leurs déplacements, disposeront aisément de onze vedettes surpayées. Or, dans les affaires, le nombre de joueurs n’est pas limité. Admettrait-on que le commandant en chef d’une grande armée touche une solde exorbitante et des primes de destruction vertigineuses pendant que ses soldats se feraient trouer la peau pour pas un rond ? Les fonctions suprêmes exigent une certaine éthique. Le seul argument qui pourrait justifier de tels avantages, c’est que leurs bénéficiaires soient capables d’y renoncer.

Montée des conflits armés

La professionnalisation des armées s’est généralisée dans les pays occidentaux. Il faut se réjouir bien entendu de ce que la perspective d’un conflit Est-Ouest se soit éloignée, mais on peut se demander si cette professionnalisation n’a pas aussi pour conséquence, sinon comme objectif inavoué, de retirer au citoyen ordinaire la possibilité de faire valoir ses droits. Le fait que cette réforme, ô combien fondamentale, ait été décidée en France d’un trait de plume, sans même un véritable débat parlementaire, laisse perplexe. ..Pourquoi a-t-on institué le procédé du référendum sinon pour trancher ce genre de questions qui intéressent la vie de chacun ? Il y a un siècle la France, moins peuplée et infiniment moins riche qu’aujourd’hui, était capable de mettre des millions d’hommes sur le terrain. Il faut de nos jours racler les fonds de tiroirs pour envoyer quelques milliers d’hommes ici ou là. La marine nationale dispose d’un seul porte-avions qui nécessite de longues révisions périodiques. La France doit-elle faire la guerre les années impaires exclusivement ? Les militaires ont aujourd’hui le rôle mieux qu’honorable d’assurer l’inviolabilité du territoire national et, dans les cas de guerres étrangères, civiles ou non, de séparer les belligérants et de protéger l’aide humanitaire internationale. S’en contenteront-ils indéfiniment ? Des armées de métier devenues une sorte de police internationale comportant pour ses membres peu de risques personnels majeurs pourraient attirer un certain type d’hommes rebutés par les difficultés de la vie civile, peu représentatifs pour mille raisons de l’opinion moyenne des citoyens, mais non insensibles à certaines tentations et susceptibles d’être noyautés. La tradition démocratique et le respect de la Loi ne sont pas partout aussi solidement ancrés qu’ils le sont en Grande-Bretagne. Il y a un risque objectif que ce qui doit rester l’armée du peuple ne devienne l’armée d’une faction, et vous pouvez parier en toute tranquillité que cette faction ne sera pas celle des nécessiteux et des laissés pour compte. Il en fut ainsi partout pendant des millénaires et c’est encore vrai en de multiples endroits. La défense de la nation, garante de la liberté de chacun, est une tâche qui ne devrait jamais être sous-traitée. On peut concevoir qu’il soit indispensable que la force de frappe soit servie par des professionnels, encore qu’il existe certainement des fonctions subalternes qui pourraient y être tenues par des non spécialistes. Les armes classiques quant à elles peuvent être sans inconvénients servies par des amateurs. L’utilisation des armes classiques dans les pays les moins développés n’a pas l’air de poser le moindre problème. Une sorte de droit de veto est potentiellement donné aux militaires de carrière, seuls détenteurs des armes les plus puissantes, sur toute évolution de la société qui n’aurait pas leur agrément de sorte que le choix des citoyens s’exercerait dans un périmètre de plus en plus étroit. Voyez ce qui a été évité de justesse à la fin de la guerre d’Algérie grâce à la présence du contingent sur le terrain et à la présence à la tête de l’Etat d’un homme providentiel, donc rare, qui fut d’ailleurs en cette occasion, il faut malheureusement le dire, un pompier quelque peu pyromane. Les diatribes incendiaires de « Michou la Colère », son exécuteur des hautes et basses œuvres, les dérives « questionnantes » qui n’ont pas cessé ainsi que les abandons qui ont suivi sont restés en travers de la gorge de plus d’un. Le grand homme a vu clair plus tôt que beaucoup dans cette affaire de décolonisation, mais moins que certains. S’il avait été durablement fait confiance à Pierre Mendés France, bien des choses auraient changé et pas forcément pour le pire. L’Algérie serait certainement devenue indépendante mais il n’est pas dit que nos compatriotes auraient été contraints de rembarquer. L’Afrique du Sud nous a montré l’exemple d’un autre dénouement beaucoup plus économe en vies humaines et souffrances de toutes sortes. Des valeurs conservatrices, voire réactionnaires, ainsi que l’affairisme se sont abrités sous le vaste manteau du Général, désorientant les intellectuels et artistes français et rognant leur audience internationale. La nation qui était la valeur suprême pour les générations qui nous ont précédés est attaquée du haut par la construction européenne et du bas par la régionalisation. L’œuvre centralisatrice poursuivie par les monarchies comme par les républiques est mise au rancart, jusqu’à débaptiser, ultime sacrilège, la Nationale 7 ! Le fait que cette régionalisation ait été décidée en circuit fermé par le monde politique désigne les vrais bénéficiaires de l’opération : ceux qui en sont les auteurs, pour lesquels elle multiplie les places, les pouvoirs discrétionnaires et les tentations. Le pouvoir central y trouve aussi le moyen de se débarrasser de problèmes gênants. Où sont les programmes qui doivent prendre le relais de ceux d’Airbus, d’Ariane, du TGV, du nucléaire civil que le centralisme avait permis de mener à bien et grâce auxquels la France tient encore debout ? La source en est tarie et ce n’est pas l’Europe qui paraît aujourd’hui en mesure de la réalimenter. Estimons-nous heureux si elle ne finit pas de casser les programmes qui existent.
Caste des financiers, caste des militaires, il ne manquerait plus qu’une caste ecclésiastique pour que soient effacées les conquêtes politiques et sociales des deux ou trois derniers siècles ! Les Etats-Unis, précédant comme toujours de quelques longueurs les autres pays développés, dérivent insensiblement dans cette direction. Ce qui se passe à Guantanamo et dans d’autres lieux de détention sous leur contrôle est la première manifestation évidente de cette dérive totalitaire. A quand le prochain épisode de « Dallas », celui ou JR s’installe à la Maison Blanche ?
Songez à la montée en puissance d’immenses pays, avides comme nous de produire et de consommer, et pas plus préoccupés que nous des conséquences. Songez aux innombrables pays où règnent la famine, les maladies épidémiques et endémiques, l’oppression et la concussion, les guerres tribales et religieuses, les guerres extérieures ou intestines et les exactions de toutes sortes ; ces pays qui ont été distancés dans la course au progrès et que l’usage de la violence aveugle peut tenter. Ce sont leurs ressortissants à bout d’espoir qui viennent buter sur les barrières de fils barbelés édifiées à la hâte aux frontières du monde développé. Le problème qu’ils posent ne comporte pas de solution vraiment satisfaisante à court ou moyen terme. Vous remarquerez que ceux qui supportent le moins bien l’arrivée d’étrangers sont souvent, contrairement à toute logique, des personnes seules ou des ménages sans enfants. Certes aucun pays ne peut accueillir toute la misère du monde, malheureusement. La sainteté ne peut être rendue obligatoire. La plupart d’entre nous répugnent à expulser des familles immigrées déjà installées, mais peu souhaitent un fort accroissement de leur présence. La générosité de notre accueil dépend d'un équilibre entre notre désir de résoudre leurs difficultés et celui de ne pas nous en créer à nous-mêmes de trop importantes. Le point d’équilibre dépend de l’appréciation de chacun et il faut en la matière éviter les anathèmes. Il faut sans doute empêcher les employeurs d’utiliser les travailleurs immigrés démunis de permis de séjour, mais s’il s’agit de familles déjà insérées dans le tissu social, accueillons-les pleinement. Elles ont fait la preuve de leur motivation et de leur ingéniosité. L’immigration choisie n’est tolérable que si les permis de séjour sont limités dans le temps de manière que les personnes qui en bénéficient puissent à leur retour dans leur pays d’origine valoriser l’expérience qu’ils ont acquise chez nous. Attendons que l’accroissement du coût de l’énergie rende les pays du Sud plus attrayants économiquement parlant. L’énergie solaire, sauf à la stocker pendant des mois, ne peut guère contribuer en effet au chauffage nécessaire sous nos climats car elle est la moins abondante au moment ou elle serait la plus nécessaire alors qu’il y a une certaine concomitance dans ces pays entre l’énergie solaire disponible et les besoins de rafraichissement et de force motrice.
Songez aux haines accumulées dont celles dues à des religions différentes ne sont pas les moindres. Si les intégristes religieux des deux camps qui se disputent la Palestine ne peuvent être muselés, est-il possible d’arriver à un état stable de cette région sans avoir recours à l’une des deux solutions suivantes :

- Réserver aux Palestiniens le sort des indiens d’Amérique parqués dans des réserves minuscules ? C’est peu ou prou ce qui est en train de se produire sous nos yeux. Israël en gardera une tache indélébile
- Financer grâce à l’argent du pétrole le retour volontaire des Israéliens dans le pays de leur choix au moyen d’une indemnisation des biens abandonnés et d’un revenu suffisamment généreux servi pendant une période suffisamment longue? Une taxe de quelques dollars par baril, qu’il faudra instituer de toute façon pour des raisons de préservation de l’environnement et de conservation de la ressource, suffirait à alimenter le fonds correspondant. Ainsi serait réparé un siècle d’errements de la communauté internationale, qui s’est défaussée des conséquences des drames éprouvés par les citoyens de confession juive dans certains pays d’Europe sur un peuple palestinien qui n’avait rien à voir avec cette histoire et qui ne demandait rien à personne. Ces errements qui ont mis toute la région du Proche et du Moyen-Orient à feu et à sang depuis des décennies. En même temps la concentration de la manne pétrolière en un trop petit nombre de mains serait quelque peu réduite et le levain que constitue la population israélienne cesserait d’être gaspillé là où il y a si peu de pâte à faire lever. Cette population serait d’ailleurs plus en sécurité dans la plupart des pays développés qu’en Israël même où elle est à la merci du terrorisme et d’un retour du balancier, et rien ne s’oppose aux solidarités transfrontalières. Ce processus devrait être poursuivi au moins jusqu’à l’évacuation totale des colonies de Cisjordanie. On ne voit pas que l’existence de ces colonies puisse jamais être acceptée par la communauté internationale alors que la décolonisation s’est partout ailleurs imposée. Le seul risque de cette politique serait de mécontenter certains groupes de pression politico-militaro-industriels pour lesquels la principale préoccupation n’est pas de trouver de l’argent mais de trouver des ennemis à pourfendre et des motifs d’intervention dans les zones sensibles transformées ainsi en autant de terrains d’exercice pour les forces militaires. Sans perdre de vue que, d’un point de vue général, il faut ajouter aux dépenses propres des militaires le coût de tout ce qu’ils cassent ! Il semble anormal que la question israélo-palestinienne n’ait pas encore reçu de solution et qu’elle continue, malgré son importance quantitativement limitée, d’obnubiler l’attention d’une opinion mondiale qui commence à se lasser.

Apaisement possible des conflits

Si ces intégristes étaient réduits au silence, l’Union Européenne élargie pourrait fournir un cadre propice au développement des deux peuples et éviter qu’ils ne restent en tête-à-tête. Il faut auparavant que les Israéliens aient pris conscience des droits des Palestiniens sur leur sol et qu’ils fassent l’effort de s’y faire accepter, effort auquel ils risquent de ne jamais consentir tant que les forces en présence seront aussi déséquilibrées. Il faut aussi que les Palestiniens considèrent les Israéliens comme des parents qui ont eu de grands malheurs et réalisent qu’ils peuvent contribuer à les réparer. Encore faut-il qu’on le leur demande poliment et qu’on leur fournisse des compensations sonnantes et trébuchantes. Il est plus que probable que la solution du problème israélo-palestinien ramènerait la paix au Proche et au Moyen-Orient, ferait disparaître presque instantanément l’essentiel de ce qui reste de terrorisme ( il n’y aurait sans doute jamais eu de 11 septembre si la position américaine dans le conflit israélo-palestinien avait été dés le départ plus équilibrée) et supprimerait les dernières tensions qui peuvent encore subsister entre chrétiens, juifs et musulmans dont les leaders religieux, par réflexe corporatiste, ne demandent qu’à s’entendre pour faire front commun contre les sceptiques et les blasphémateurs ! Il serait démontré ainsi que le pétrole qui peut déclencher des conflits dévastateurs peut également favoriser la paix. Les pêcheurs en eaux troubles en seraient pour leurs frais. Cet accomplissement mérite bien qu’on lui consacre quelque argent !
De même l’Union Européenne pourrait contribuer à apaiser les rancunes multiséculaires qui règnent dans les Balkans. Le véritable critère d’appartenance à cette Union ne devrait pas être d’ordre géographique (les progrès techniques réalisés dans le transport des personnes, des biens et surtout de l’information rendent ce critère de moins en moins pertinent et des territoires situés au-delà des océans lui appartiennent déjà sans problème), mais traduire seulement la volonté d’en faire partie et celle d’en respecter les règles. Car cette union qui a vocation à s’étendre à toute la planète s’appellerait plus justement Union des Démocraties Pacifiées, pacifiées à l’intérieur comme à l’extérieur. Plutôt que de suggérer l’entrée de la Suisse dans l’Union Européenne, il vaudrait mieux demander l’admission des nations européennes dans la Confédération Helvétique, qui est pacifique certes, mais bien décidée également à se faire respecter par l’action conjointe de tous ses citoyens ! Il ne serait pas mauvais que cette Union ait une frontière commune avec les états riches en pétrole pour qu’elle ait autant que d’autres son mot à dire sur ce qui s’y passe et qu’elle assure ainsi davantage la sécurité de ses approvisionnements aussi longtemps qu’existeront les ressources.


Apocalypse now ?

Songez aux armes nucléaires qui se multiplient un peu partout. Au nom de quoi, sinon du droit du plus fort, en dénier la possession à certaines nations ? Pourquoi certains états devraient-ils être privés de ce moyen de pression alors que leurs plus proches voisins en disposent ? Que les plus puissants commencent par se débarrasser de leur arsenal avant de réclamer que d’autres y renoncent ! Qui se permet de qualifier certains états de voyous doit commencer par balayer devant sa porte ! Les armes nucléaires peuvent être déclenchées à tout moment par des irresponsables avec les conséquences apocalyptiques que chacun connaît, et la force n’est pas un gage certain de responsabilité. Comment tenir les excités à l’écart du bouton fatal ? Qui va décider que tel ou tel est un excité ? Une paix fragile s’est instaurée entre les grandes puissances depuis la dernière guerre mondiale parce que toutes les catégories de la population sont menacées, y compris les plus fortunées et les plus proches du pouvoir. Le temps semble passé du « armons-nous et partez !». D’ailleurs les survivants d’un échange nucléaire, compte tenu des conditions qui régneraient alors, regretteraient de ne pas être morts… Des intégristes se sentant menacés de perdre de leur influence et se croyant à l’abri des représailles peuvent néanmoins être tentés de vitrifier un ou deux continents rétifs pour faire triompher leur « vérité » sur celui qu’ils occupent et régner sans partage. Soyons conscients de cette menace. L’intégrisme chrétien est de loin le plus redoutable en raison de la puissance des armes dont il pourrait disposer. Un fou à Washington ou à Moscou est de ce point de vue beaucoup plus inquiétant qu’un fou à Téhéran ! Qu’importe que le reste de l’humanité périsse pourvu que les peuples élus en réchappent ! Il faut se dire qu’avec le temps tout ce qui peut arriver finit un jour ou l’autre par arriver. L’existence de la vie elle-même en est la meilleure preuve. Imaginez que toute la sauvagerie dont l’homme est capable se déchaîne à nouveau et utilise tous les moyens désormais à sa disposition. Les conditions actuelles conduiront tôt ou tard si rien n’est fait à une guerre d’extermination qui marquera le départ dune nouvelle ère géologique. Qui se sent capable aujourd’hui d’évaluer l’espérance de vie de notre civilisation? Qui prendrait le pari qu’elle aura à se préoccuper un jour de l’agonie du soleil ?

Exhortation finale


N’avons nous pas honte d’en être arrivés à faire cet ensemble de constats désolants ? Allons nous rester là à nous disputer la meilleure cabine d’un navire en train de sombrer alors que nous avons encore, peut-être plus pour très longtemps, les moyens d’échapper au naufrage ? N’est-il pas nécessaire que nous prenions le temps de faire le point et que nous arrêtions les décisions qui s’imposent ? L’humanité surpuissante mais menacée n’a plus le choix. Elle doit supprimer les guerres et la délinquance sous toutes leurs formes afin de préserver les êtres vivants et leur environnement. Les vertus désuètes d’humilité, d’intégrité, de générosité, de respect de la parole donnée doivent être remises à l’honneur et pratiquées par le plus grand nombre. L’écologie est une préoccupation acceptable par tous à condition de la débarrasser de ses tendances dogmatiques, passéistes et sectaires selon lesquelles l’énergie nucléaire et les organismes génétiquement modifiés représentent le diable en personne. Si l’écologie n’est pas toute la politique elle en est la caution morale, le surmoi en quelque sorte. Un socialisme écologique est capable de réaliser les ambitions de toutes les religions en leur donnant un fondement scientifique. Les siècles à venir seront vertueux ou ne seront plus.

Il serait contraire au principe de précaution et au simple bon sens d’espérer que les progrès scientifiques et techniques à venir vont régler tous ces problèmes. Ces progrès peuvent très bien ne pas se produire, ou pas là où ils sont attendus. Les problèmes actuels doivent pouvoir être résolus avec les moyens actuels. Si des progrès futurs permettent d’alléger les efforts, tant mieux, mais ne comptons pas sur eux prématurément. Il faut donc imaginer dés maintenant les processus qui permettront de passer de la situation existante, intenable à moyen terme, à une situation nouvelle plus satisfaisante, plus stable et plus durable, avec un minimum de heurts, de drames, d’injustices. Il faut ce faisant agir avec prudence, et de façon réversible, car dans le domaine politico-économique les résultats des actions entreprises sont souvent imprévisibles, et les experts se trompent plus souvent qu’à leur tour. Comme a dit je crois le président Giscard d’Estaing, une économie, une société modernes ne se conduisent pas à grands coups de volant. « Continuer, ensuite commencer » (Alain). On peut penser que le marché conservera encore longtemps son rôle indispensable dans l’optimisation des décisions banales. La politique commence là où le marché doit se déclarer incompétent. Le bonheur des citoyens doit être désormais recherché dans la simplicité et l’économie des moyens, ce qui n’est pas une mauvaise définition de l’élégance. Le collectivisme sobre doit être préféré chaque fois que c’est possible à l’individualisme dispendieux en argent et en ressources. Ceci va complètement à rebours de l’état d’esprit des citoyens américains dont la mentalité s’est forgée dans des espaces vierges, quasi illimités et aux ressources abondantes. Ils souhaitent, comme c’est assez naturel, persévérer dans leur être, mais ceci a un coût, pour eux-mêmes et pour les autres. L’histoire a toutefois démontré qu’il ne fallait jamais désespérer du pragmatisme américain et rien n’empêche, si l’échec des politiques menées aujourd’hui déclenche une crise majeure, qu’un nouveau « New Deal » ne replace la société américaine dans un courant opposé aux tendances actuelles, courant dont elle prendrait assez naturellement la direction. Malgré cela plusieurs générations ne seront pas de trop pour sortir du trou où nous nous trouvons actuellement et nous ouvrir vers l’espace, espoir et refuge. Cette sortie par le haut sera rendue encore plus difficile, sinon impossible, si les décisions douloureuses à prendre sont différées parce que trop d’attention et d’efforts auront été dilapidés à traiter (mal) des problèmes artificiellement gonflés comme le terrorisme ou de faux problèmes comme les préférences religieuses. Pour résoudre les vrais problèmes et restaurer la confiance en l’avenir l’union de tous les hommes de bonne volonté est plus que jamais nécessaire. Les incroyants ne doivent pas être absents de cette union, mais au contraire y jouer un rôle moteur.
Incroyants, encore un effort si vous voulez que la race des hommes soit sauvée.

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Norbert Croûton
Rédigé par Norbert Croûton le 24/11/2006 à 00:21