Incroyants, encore un effort

avantage évolutif dés que ceux-ci ont bénéficié d’un certain choix des actions qu’ils exercent sur leur environnement. Il est néanmoins naturel de penser que la conscience d’un mammifère évolué contient plus de “ pixels ” que celle d’un vermisseau
- La conscience d’un chien ou celle d’un cheval ne doivent pas être fondamentalement différentes de celle d’un représentant de l’espèce humaine, pas plus que ne le sont par exemple leurs sens visuels ou auditifs respectifs car, sur l’arbre de l’évolution, les branches sur lesquelles ces différents êtres vivants sont perchés sont voisines. On reconnaît trop bien chez un chien la faim, la soif, le froid, le chaud, la peur, la douleur, la colère, la honte mais aussi la joie, l’affection, le sens du jeu pour qu’il n’en soit pas ainsi. Quand le lion s’approche de la lionne, les coups de patte et les feulements de cette dernière ne signifient-ils pas clairement à son compagnon : “ Dis donc, grand fainéant, tu crois que je n’ai que ça à faire ? On voit bien que ça n’est pas toi qui t’occupes des enfants ! ”. Ce qui distingue la conscience d’un homme qui discourre de celle d’un âne, c’est ce qui la traverse et qui dépend de ce qui se situe en amont, dans l’inconscient. La conscience d’un âne associée à un inconscient d’homme pourrait se mettre à parler, justifiant ainsi les inventions des fabulistes. Verrait-t-on même la différence ? Est-ce que le cri nocturne de la chouette ne s’adresse pas à l’homme également ? Le chien n’ignore pas le concept de chat puisqu’il poursuit indifféremment chat persan et chat de gouttière. L’aboiement qui traduit son état émotionnel est une forme élémentaire de langage. Ce qui se passe dans le cerveau d’un lion poursuivant une antilope ne doit pas être très différent de ce qui se passe dans le cerveau d’un joueur de rugby essayant de rattraper et de plaquer au sol son adversaire. Dans les deux cas, il s’agit d’un comportement non verbalisé. N’est-ce pas d’ailleurs la caractéristique de tout sport de reposer le pratiquant d’une verbalisation envahissante qui ne pourrait que nuire à la qualité de son jeu ? Je soupçonne que les pensées de l’homme de science, du peintre ou du musicien sont principalement non verbales quand ils exercent leurs activités à leur plus haut niveau. Si leur monologue intérieur s’enclenche, je crois que c’est plus celui du commentateur que celui du créateur. Il n’est pas rare d’éprouver de l’affection pour un animal domestique qui est très généralement un mammifère. C’est beaucoup plus inhabituel à l’égard d’un insecte. Pourtant, de la matière inanimée à l’homme, la mouche a peut-être déjà, en matière « d’inventions », effectué 90% du chemin. Le programme de fabrication d’un homme est très proche de celui d’un rat d’égout. Quel est l’homme contemporain qui serait capable de survivre dans la jungle ? Pourtant le chimpanzé y vit à l’aise sachant s’y défendre, s’y nourrir et s’y soigner. La différenciation de l’homme actuel par rapport aux autres primates n’a pris que quelques pour mille de la durée totale qui s’est écoulée depuis l’apparition de la vie. Il n’est donc pas étonnant que ces espèces soient encore si proches. A supposer que tous les « brevets » concernant la fabrication des animaux soient tombés dans le domaine public, quel est le brevet que l’inventeur supposé de l’homme pourrait déposer qui ne puisse être contesté ? Un tel brevet ne pourrait couvrir ni l’outillage ni le langage, ni le symbolisme si on se réfère aux dernières expérimentations effectuées sur les animaux les plus évolués. L’augmentation de la masse du cerveau à elle seule ne saurait faire l’objet d’un brevet car l’idée est à la portée de n’importe quel ingénieur. Il n’y a donc aucune discontinuité de l’animal à l’homme, à ceci près qu’un beau jour la masse du cerveau de ce dernier a atteint la valeur critique et que la divergence des savoirs et des savoir-faire commencée à petit bruit, mais de caractère exponentiel, continue de se produire actuellement à une vitesse accélérée. Une telle réaction en chaîne ne s’achève que par l’épuisement du combustible (le connaissable et le faisable) ou sa dispersion par suite d’une explosion. L’option entre ces deux futurs reste aujourd’hui ouverte. Laissez à certaines espèces le temps et l’espace vital nécessaire et elles pourront éventuellement s’aventurer sur le même chemin, au cas où l’humanité disparaitrait. Certains mammifères marins semblent disposer de moyens intellectuels comparables à ceux de l’homme, mais la vie des habitants des eaux est trop facile. Ils n’ont pas besoin de membres pour lutter contre la pesanteur, ni de mains pour grimper aux arbres et se soustraire aux prédateurs. Les plus favorisés d’entre eux jouissent tranquillement de l’existence sans donner un coup de nageoire de trop.
- Les bonnes âmes veulent que la vie humaine soit considérée comme une valeur absolue. C’est louable, mais inapplicable dans la pratique, car les sommes à dépenser pour la préserver n’auraient pas de limite. Un chant nait, se prolonge un moment et s’éteint. Seule la musique est éternelle. Qu’importe qu’une mémoire soit détruite s’il en existe une copie. Compte tenu de la relative facilité avec laquelle on peut le fabriquer, l’être humain n’a que la valeur qu’on veut bien lui reconnaître par contrat. D’où, pour les individus et pour la société toute entière, l’extraordinaire importance que de tels contrats existent et qu’ils soient respectés scrupuleusement. Ces contrats devraient stipuler que tout homme a droit au bonheur et qu’il a le devoir de concourir au bonheur de ses semblables. De tels contrats devraient être signés lors des principales étapes de la vie d’un individu ainsi que lors de l’acceptation de certaines fonctions, et préciser à chaque fois les nouveaux droits et les nouveaux devoirs, les récompenses et les sanctions prévues. Il s’agit au fond de l’application à la vie des citoyens des principes de l’Assurance Qualité. Cependant, si l’individu n’a qu’une valeur contractuelle, l’espèce humaine doit avoir pour nous une valeur intrinsèque supérieure à toute autre tant que n’aura pas été décelée dans l’univers la trace d’une espèce équivalente. Préserver la vie quoi qu’il arrive est une responsabilité qu’on aimerait pouvoir partager, mais ça n’est pas d’actualité.

- Nous pourrions imaginer que, profitant de la présence simultanée en un même lieu des informations et des décisions, un système voisin de l’écran dont nous avons parlé exerce un contrôle sommaire de cohérence, comme le fait un commandant en chef sur les propositions de son état-major et qu’un contrôle satisfaisant suscite le sentiment d’évidence, mais c’est une pure hypothèse.

Certains objecteront que l’utilisation de l’expression « vu de l’intérieur » ne constitue pas une explication satisfaisante dans la mesure où elle ne fait que déplacer le problème si la signification physique de cette expression n’est pas précisée. L’identification de l’entité physique qui est vue de l’intérieur permet toutefois de franchir une étape importante. Certains comme le professeur Koch déjà nommé soupçonnent qu’il ne sera pas possible d’aller plus loin. De façon analogue, on peut observer que Newton explique la pesanteur par une force d’attraction dont il ignore l’origine. Einstein fait un pas de plus en l’expliquant par une déformation de l’espace-temps due aux masses qui y sont présentes, mais sait on vraiment ce que sont et l’espace et la masse et le temps ? Comprend-on vraiment comment un champ agit sur une particule ? A un moment ou à un autre, on bute sur un constat qu’il est impossible de dépasser. Rien ne prouve que le cerveau humain soit apte à tout comprendre et nul n’a jamais vu sans artifices le fond de son œil, ni un contenu contenir son contenant. La compréhension est un processus logique qui peut être modélisé informatiquement. Or il existe des programmes informatiques dont on constate que l’exécution, qui est un processus physique, ne se termine jamais sans qu’on soit capable ni de le prévoir avec certitude, ni de dire pourquoi. La raison raisonnante comporte donc des limitations. Il n’est pas impossible que l’homme, par construction, soit pour toujours dans l’incapacité de se comprendre lui-même et de comprendre la raison ultime de ce qui l’entoure.
Après cette belle explication de l’aspect subjectif du phénomène de la conscience dont le seul but était de montrer qu’une telle explication dans un cadre rationnel n’est pas plus impossible par principe que celle d’autres phénomènes considérés comme élucidés, nous pouvons entreprendre l’examen du texte de Diderot, section par section.

Norbert Croûton
Rédigé par Norbert Croûton le 24/11/2006 à 00:41