Incroyants, encore un effort

24/11/2006
3. LA CONSCIENCE


Juger, décider, agir, voilà la fonction de l’âme ». Alain, Propos

« Un point vivant… Non, je me trompe. Rien d’abord, puis un point vivant… A ce point vivant, il s’en applique un autre, encore un autre ; et par ces applications successives il résulte un être un, car je suis bien un, je n’en saurais douter… Mais comment cette unité s’est-elle faite ? Tenez, philosophe, je vois bien un agrégat, un tissu de petits êtres sensibles, mais un animal !... un tout ! Un système un, lui, ayant la conscience de son unité ! Je ne le vois pas, non, je ne le vois pas… » Diderot, Rêve de d’Alembert.

Même s’il adopte le ton de la comédie - Molière et Marivaux ne sont pas loin – le dialogue que vous venez de lire traite du sujet réputé le plus grave et le plus tragique qui soit puisqu’il s’agit du sort de l’âme après la mort. Qu’est-il possible de dire de plus au sujet de l’âme que ce que les auteurs classiques nous en ont dit, à la lumière des progrès scientifiques récents ?
Revenant à l’origine du concept d’âme il faut remarquer qu’en français et dans d’autres langues latines le mot animal et le mot animé, c’est à dire doué de mouvement, sont issus de la même racine : anima : l’âme. Dans la conception populaire, l’animal est donc doué d’une âme, ce qui lui permet d’avoir un comportement autonome se traduisant en particulier par le fait qu’il est capable de se mouvoir, qu’il est animé. La loi reconnaît une âme aux animaux, au moins à certains d’entre eux, puisqu’il est fort heureusement interdit de les maltraiter. Dans la conception traditionnelle qui est celle de la plupart des philosophies classiques et celle de presque toutes les religions l’âme, en particulier l’âme humaine, et le corps sont de natures différentes. L’âme appartient à un monde spirituel, éternel et immuable, situé en dehors de l’espace matériel dans lequel les corps évoluent. Les corps appartiennent eux, sans ambiguïté à l’espace matériel, périssable et changeant. D’une manière générale les hommes de science rejettent cette conception “ dualiste ” qui impose une barrière infranchissable à leurs investigations. Ils ne comprennent pas comment deux domaines étrangers l’un à l’autre peuvent mutuellement s’influencer. Malgré tous les moyens techniques dont ils disposent, ils ne trouvent pas trace de manière évidente, dans le cerveau ou ailleurs, d’une antenne émettrice et réceptrice qui permettrait de faire communiquer ces deux espaces qui ne s’intersectent pas et qui, pourtant, si l’on inclut le contenu changeant de l’âme, partagent le temps comme dimension commune. Consciente de cette difficulté, la doctrine chrétienne, pour rendre plausible la survie éternelle de l’âme, parle d’une “ résurrection de la chair ”. Le bouddhisme qui, selon de bons esprits, est une philosophie proche de la sagesse antique associée à des rites et à une pratique spirituelle plutôt qu’une religion, parle de réincarnations successives de la même âme. Aucune de ces traditions ne s’aventure d’ailleurs à décrire le détail des processus correspondants PlutôtleshommesàchacunverslequelconvergentlesPlutôtquePlutôtquePlutôtqued’âme,leshommesdesciencede Plutôt Plutôt que d’âme, les hommes de science préfèrent parler de conscience, monde intérieur propre à chacun vers lequel convergent les informations principales fournies par les sens et où paraissent s’effectuer les choix stratégiques entre les diverses actions physiquement possibles Ils peinent cependant à expliquer le rapport qui existe entre le monde extérieur sur lequel leurs différents sens leur transmettent des informations, sur lequel il leur est possible d’agir par l’intermédiaire de leur corps, et leur propre monde intérieur dont ils supposent assez raisonnablement qu’il est plus ou moins identique à celui des autres représentants de leur espèce. Sur la question du rapport entre le corps et l’âme, les hommes de religion ne s’aventurent guère, mais font comme s’ils savaient. Les hommes de science confessent pour la plupart leurs incertitudes ou leur ignorance, dans l’incapacité où ils se trouvent de transformer ce problème de métaphysique en problème de physique. Comprendre le fonctionnement du cerveau, automate de chair auto-programmable, est concevable en dépit de sa folle complexité. Mais qui va attribuer spontanément une conscience à un automate ? Comprendre le phénomène de la conscience comporte une difficulté conceptuelle que la science n’a pas encore surmontée. La tentation est alors grande de renvoyer dos à dos religieux et savants sur cette question fondamentale. Chacun serait libre dés lors de choisir à sa guise l’explication qui lui paraît la plus plausible, la plus confortable, la plus rassurante ou bien encore de se reposer sur le mol oreiller du doute. Pour aller dans le sens de mon propos je vais, après avoir résumé l’état actuel de la réflexion scientifique, proposer avec d’autres une solution à cette difficulté réputée insoluble, solution dont il me semble qu’elle est logique et cohérente, même si elle n’est pas exempte d’hypothèses et d’extrapolations que certains trouveront certainement discutables.
La conscience a un aspect objectif, observable par tous avec les moyens usuels de la science et de la technologie, et un aspect subjectif et personnel auquel seule l’introspection donne accès. Les techniques modernes d’imagerie médicale appliquées à l’encéphale permettent d’établir une corrélation entre l’aspect objectif (les circuits neuronaux dont l’excitation est révélée par les images) et l’aspect subjectif qui est rapporté verbalement par les sujets soumis à l’expérimentation. Des hommes de science comme Jean-Pierre Changeux en France, Francis Crick ou Christoff Koch aux Etats-Unis, donnent du phénomène objectif une description que je m’autorise à résumer ainsi :
La fonction de la conscience est d’assurer la survie de l’individu et de l’espèce à laquelle il appartient en exerçant les meilleurs choix possibles, et en déclenchant leur mise en œuvre. La sélection naturelle éliminerait en effet l’individu dépourvu de conscience, garante de l’unité d’action de l’individu, pour les mêmes raisons qu’une armée sans commandant en chef ne saurait remporter durablement de victoires. Cette image guerrière traduit la situation de l’homme ou de l’animal dans la nature, placés constamment en situation d’agresseur ou d’agressé. La sélection naturelle éliminerait également les espèces où les individus qui la composent seraient incapables de faire au profit de leur propre espèce les sacrifices nécessaires. Pourquoi avons-nous subjectivement conscience des états successifs de notre conscience objective ? L’origine de cette particularité est mystérieuse au point qu’on a pu l’attribuer à une péripétie non nécessaire de l’évolution, à une facétie du Créateur ou à son désir de compagnie. Il est plausible que le comportement d’un automate inconscient suffisamment perfectionné ne puisse être distingué de celui d’un être conscient. Pour jouer aux échecs, pour calculer, pour effectuer des opérations logiques ou pour réaliser certaines tâches matérielles très précises et très rapides, c’est déjà le cas. D’où le terme d’épiphénomène, phénomène surajouté, presque superfétatoire, souvent associé à celui de conscience.
Un autre mystère de choix est l’incroyable complexité et perfection des êtres vivants. Celui qui a essayé de construire un dispositif destiné à assurer un service ou une fonction quelconque, aussi simples soient-ils, sait bien que rien ne peut être laissé au hasard. Le darwinisme explique cette complexité et cette perfection par des variations génétiques spontanées et aléatoires et la survie et la reproduction préférentielle des individus possédant les gênes les plus performants. Faut-il croire que la fonction copier utilisée dans le volume de tous les océans et sur toute la surface de la terre pendant quelques milliards d’années est assez puissante à elle seule, et à cause de ses erreurs, pour expliquer cette réussite ? Les êtres vivants ne sont-ils que des cristaux d’un genre particulier, apparus et se perpétuant là où les conditions nécessaires sont réunies pendant un temps suffisant ? Comme la chimie organique est beaucoup plus complexe que la chimie minérale, on conçoit que ces cristaux organiques soient beaucoup plus nombreux et diversifiés que les cristaux minéraux et qu’ils possèdent quelques propriétés nouvelles, comme celle de se reproduire. Comment des systèmes aussi fantastiquement improbables que des êtres vivants peuvent-ils n’être que les fruits du hasard passés au crible de la nécessité ? La nécessité inclut du reste non seulement la capacité à survivre dans un monde hostile, mais également la capacité à séduire ou à forcer les partenaires du sexe opposé. Peut-on dire sérieusement que si les femmes courent en général moins vite que ceux qui les poursuivent, c’est parce que celles qui courraient aussi vite n’ont pas eu de descendance !? Qui peut croire qu’une jeune beauté suédoise soit une lointaine cousine d’une femelle Bonobo sans qu’il y’ait eu application obstinée de critères esthétiques dans la lignée qui nous en a fait cadeau ? Mais est-ce toute l’explication, et Mr. Bonobo est-il du même avis ? Prenez une statue médiocre et copiez la en autant d’exemplaires que nécessaire. Donnez à chacune de ces copies un coup de ciseau au hasard. Retenez celle qui paraît la plus réussie après cette opération et répétez sur elle copies et coups de ciseaux. Combien faudra-t-il de coups de ciseaux et de statues cassées avant de produire un chef d’œuvre de la sculpture ? Or, la complexité d’une statue est inférieure par plusieurs ordres de grandeur à celle d’un organisme vivant. L’observateur non prévenu ne peut se défendre d’une certaine perplexité. Même en « aidant » le hasard, nul n’a été, pour le moment, capable de synthétiser un organisme vivant à partir de ses composants atomiques élémentaires, encore moins un organisme pensant et conscient. Hasard et nécessité jouent un rôle à n’en pas douter. Faut-il en plus, comme le pensent les neocréationnistes, invoquer l’intervention d’une main divine donnant les coups de pouce nécessaires ou, comme le pensent certains scientifiques, celle d’une loi naturelle, source d’entropie négative génératrice d’ordre, ayant échappé jusqu’ici à leur sagacité? Aucun calcul ni aucune expérience ne semble pouvoir apporter la réponse dans un avenir prévisible. Seule l’exploration spatiale détaillée de notre galaxie peut nous mettre sur la voie en nous permettant, du moins pouvons-nous l’espérer, d’examiner de près différents stades de l’évolution. Autant dire que la réponse n’est pas pour demain, à moins que quelque savant inspiré ne fasse surgir un jour la vie de ses cornues en répétant un processus qui a pu se dérouler jadis dans la nature ! Sur cette planète, un poisson sort de l’élément liquide et commence à ramper sur la terre. Nous voyons ses nageoires devenir pattes et ses branchies devenir poumons. Devenu fringant quadrupède il se laisse glisser dans l’eau qui a du lui sembler bonne. Ses pattes redeviennent nageoires et son corps redevient poisson. Peut-être découvrirons nous à la fin que notre perplexité n’était due qu’à une illusion d’optique et que Darwin n’avait pas besoin d’auxiliaire. Il est difficile d’assurer que le développement du monde vivant est dorénavant expliqué de façon totalement complète et satisfaisante. Cependant l’explication fournie par les néocréationnistes n’en est pas une. C’est encore expliquer le mouvement et la chaleur du soleil par l’activité du Dieu Phébus. Dans l’histoire du genre humain, beaucoup d’inventions importantes ont été le fait du hasard. La recherche scientifique n’a fait que multiplier les occasions de mettre au jour quelque chose d’intéressant. Il s’agit d’identifier les différentes étapes conduisant à l’apparition de la vie et de montrer que le passage d’une étape à la suivante selon le processus imaginé dispose d’une probabilité non nulle. L’étude reste à faire des propriétés d’auto organisation spontanée des systèmes complexes, qu’ils soient minéraux ou organiques. La surface lisse d’un étang se couvre d’un ensemble organisé de vaguelettes lorsqu’elle est parcourue par la brise. Du magma, substance homogène, lorsqu’il est lentement refroidi, donne naissance au granit, ensemble de cristaux juxtaposés de compositions différentes. Une société livrée à l’anarchie finit toujours par se réorganiser.
Comme chacun peut l’observer pour son propre compte, les représentations mentales qui se succèdent dans la conscience peuvent correspondre aux données fournies par les différents sens, vue, ouie, odorat, goût, toucher, sensibilité interne, après un traitement de ces données qui en précise la signification. Lorsqu’une table est visuellement perçue par l’esprit conscient, sa forme et sa couleur sont en effet interprétées et associées au concept de table avant que l’ensemble de ces éléments n’accède à la conscience. Le lien existant entre ces éléments hétérogènes est matérialisé par la synchronisation et le renforcement des oscillations électriques des différents groupements neuronaux qui représentent dans le cerveau chacun de ces éléments de façon explicite. Ce renforcement, obtenu par effet feed-back entre neurones (l’augmentation progressive du niveau sonore d’une discussion entre deux personnes de caractère difficile donne une image de l’effet feed-back), et cette synchronisation prennent un certain temps pour s’établir, de l’ordre de la demi-seconde. Pour cette raison, toute action nécessitant que la conscience joue un rôle actif est nécessairement ralentie. Le cerveau réalise ainsi à chaque instant une véritable modélisation d’une fraction du monde extérieur, ce monde extérieur incluant du reste le corps de l’individu dont ce cerveau fait partie. C’est de la même façon qu’un ordinateur programmé à cet effet modélise un processus physique quelconque. Le langage associe des phonèmes à ces groupements neuronaux et permet les échanges verbaux d’informations entre individus. Utilisé dans le monologue intérieur, il permet de suivre à la trace sa propre pensée. Tous les habitants de la planète ont un neurone dédié à Georges Bush, qui s’illumine chaque fois qu’il est question de ce président. Le renforcement et la synchronisation des oscillations (d’une fréquence de l’ordre de 40 cycles par seconde) sont provoqués, selon des mécanismes à élucider, par l’attention que l’esprit porte à cet instant à cette fraction du monde extérieur que constitue la table. Des substances chimiques produites par l’organisme, ou introduites par diverses voies influencent tous ces processus, pour les exciter ou les modérer. Admirons au passage la prescience du langage populaire qui parle depuis toujours de bonne ou de mauvaise humeur. Conviendrait-il mieux de dire de bonne ou de mauvaise hormone ? D’autres circuits nerveux situés dans l’inconscient, ceux de la mémoire en particulier, bénéficient de l’information prioritaire que contient la modélisation. Rien ne serait dans la mémoire qui n’ait été auparavant dans la conscience. A l’arrière plan, toutes les idées, souvenirs et sensations qui peuvent être associés à la table modélisée sont pour ainsi dire présélectionnés de façon à pouvoir être utilisés rapidement si nécessaire. Les performances intellectuelles d’un individu sont certainement grandement liées à ces associations permanentes en même temps qu’à l’ampleur et la fidélité de la mémoire et à la vitesse de traitement des informations. Diderot, faisant preuve d’une remarquable capacité d’introspection et d’une admirable intuition, écrit ainsi :
« Je le pense; ce qui m´a fait quelquefois comparer les fibres de nos organes à des cordes vibrantes sensibles. La corde vibrante sensible oscille, résonne longtemps encore après qu´on l´a pincée. C´est cette oscillation, cette espèce de résonance nécessaire qui tient l´objet présent, tandis que l´entendement s´occupe de la qualité qui lui convient. Mais les cordes vibrantes ont encore une autre propriété, c´est d´en faire frémir d´autres; et c´est ainsi qu´une première idée en rappelle une seconde, ces deux-là une troisième, toutes les trois une quatrième, et ainsi de suite, sans qu´on puisse fixer la limite des idées réveillées, enchaînées, du philosophe qui médite ou qui s´écoute dans le silence et l´obscurité. Cet instrument a des sauts étonnants, et une idée réveillée va faire quelquefois frémir une harmonique qui en est à un intervalle incompréhensible. Si le phénomène s´observe entre des cordes sonores, inertes et séparées, comment n´aurait-il pas lieu entre des points vivants et liés, entre des fibres continues et sensibles ? » (Entretien entre d’Alembert et Diderot).
Ces associations peuvent demeurer longtemps ignorées et se manifester de manière soudaine et inattendue comme l’atteste l’exemple célèbre de la madeleine de Proust. Croquez une châtaigne et vous convoquez du même coup la forêt, l’automne, la rentrée des classes, l’odeur d’un cartable neuf, et toute votre enfance. Une bonne poésie enfile adroitement des mots simples et des locutions usuelles, car, représentés par des groupements neuronaux richement connectés, ceux-ci vont pouvoir activer une grande partie du cerveau. Des mots plus recherchés et des locutions rares peuvent être utilisés pour obtenir un effet de contraste, de la même manière que, dans les comtes et les histoires saintes, des évènements prodigieux peuvent alterner avec les faits les plus prosaïques. Si les circuits neuronaux d’un individu se mettent à osciller de manière incontrôlée, c’est que ce malheureux est en proie à une crise d’épilepsie. Quand des chirurgiens, pour des raisons thérapeutiques, ont sectionné par le milieu le cerveau de patients épileptiques, ils ont constaté un dédoublement de la conscience des patients, seule celle correspondant au demi-cerveau gauche ayant droit à la parole, car c’est dans cet hémisphère que se situe le centre du langage. Descartes situait l’âme dans la « glande pinéale », car il n’y en a qu’une seule située à la base du cerveau, comme il n’y a généralement qu’une seule conscience, et non pas une dans la moitié gauche et une autre dans la moitié droite. Son intuition n’était apparemment pas la bonne ; ou du moins n’était-elle pas suffisamment précise. Dr Jeckill et Mr Hide sont peut-être représentatifs d’une lutte indécise des deux hémisphères pour le pouvoir. Chez un individu normal les deux consciences doivent se synchroniser et se confondre.
En plus des modélisations déduites des données fournies par les différents sens les représentations mentales peuvent correspondre à des modélisations élaborées à partir des données stockées en mémoire. Elles peuvent correspondre également, au moins dans notre espèce, à des fragments de discours, intérieur ou prononcé. Dans ce cas, la conscience à accès au discours, mais en aucune manière aux processus d’élaboration de ce discours. Comment voudriez-vous suivre pas à pas et en temps réel l’épouvantable complexité d’un processus qui consiste à aller chercher dans un vaste dictionnaire les mots qui conviennent à l’idée, de les assembler suivant les règles de la grammaire et de la syntaxe, et de transformer le tout en mouvements coordonnés de la mâchoire, des lèvres, de la langue, des poumons, du larynx ? Et je ne parle pas de l’élaboration de l’idée elle-même, tâche d’une difficulté qui dépasserait l’imagination si nous devions l’effectuer avec des machines. Comme les représentations mentales d’origine visuelle paraissent chez l’homme les plus omniprésentes, on peut donner le nom d’images à toutes les représentations mentales conscientes quelle que soit la catégorie à laquelle ces représentations appartiennent. Ces images sont fixes et se succèdent à une cadence élevée, voisine de la cadence des images du cinématographe. Les mouvements font l’objet d’indications portées lorsqu’il y a lieu sur ces images fixes (un peu à la manière des bandes dessinées). Les zones de couleurs ou de luminosités différentes font l’objet d’un traitement particulier qui identifie le dessin des lignes séparant ces différentes zones. C’est probablement pourquoi les dessins et les caricatures sont si évocateurs pour nous. L’ennui naît lorsque les images se répètent trop souvent identiques à elles-mêmes. Ces images sont en 2D1/2 au moins puisque nous percevons la profondeur de champ. Elles ne semblent pas être en 3D puisque nous sommes obligés de faire un effort de réflexion pour faire tourner mentalement une figure géométrique dans l’espace.
Le travail d’introspection est difficile car, comme dans d’autres domaines de la science, l’observation modifie la chose observée. Il semble portant qu’à un instant donné une image ne puisse contenir simultanément plus de deux catégories de représentations mentales, peut-être trois (perception visuelle ou sonore ou olfactive, discours, etc.), l’une dans la zone ou se concentre l’attention, l’autre ou les deux autres à l’arrière plan. Les autres catégories sont exclues, provisoirement. Pendant que vous lisez vous ne vous rendez pas compte de la pression que votre main exerce sur votre livre ou sur votre souris. N’est-il pas exact que vous venez juste d’en prendre conscience ? C’est le même écran, comportant donc deux ou trois zones, qui reçoit toutes les informations dont l’individu est conscient à l’instant t. Chaque zone est susceptible de recevoir toutes les catégories de représentations mentales qui se trouvent ainsi placées dans une situation permanente de compétition. Les images qui sortent victorieuses de la compétition, celles qui montent sur le podium de la conscience, sont normalement désignées par l’inconscient, à moins qu’une variation rapide des données fournies par l’un des sens n’appelle l’attention sur le phénomène responsable de cette variation. Les images conscientes qui ne sont pas fréquemment sur la première marche du podium sont des images d’humeur ou d’ambiance. Elles ne participent pas directement aux décisions. Se concentrer, c’est refuser de voir les images qui ne sont pas sur la première marche.
Observez par exemple un virtuose : si vous vous intéressez à l’alliance qu’il porte au doigt, la ligne mélodique s’estompe et si vous vous intéressez à la ligne mélodique, l’image du musicien devient floue (ce qui est la façon normale d’écouter de la musique). Si vous avez trop chaud ou si vous étés mal assis, vous oubliez la musique le temps de cette constatation. Un mathématicien ami de Diderot pris de maux d’oreille épouvantables s’abîma pour oublier la douleur dans un difficile problème. Le problème résolu sa douleur le rattrapa avec une violence redoublée. Installez-vous près d’un torrent : le roulement de l’eau sur les cailloux, pourtant parfaitement audible, disparaîtra rapidement de votre conscience au bénéfice de vos fantaisies et vous vous endormirez comme jamais. On peut multiplier les exemples de ce type.
Une image peut également contenir une proposition d’action, une volition, formulée par l’inconscient, associée à des grandeurs positives traduisant les différents désirs qu’elle inspire et des grandeurs négatives traduisant les différentes répulsions qu’elle suscite. Ne sont retenues et mises en œuvre que les volitions ou la grandeur résultante est suffisamment positive. Lorsqu’elle est voisine de zéro, il faut prévoir de nombreux et pénibles allers et retours entre conscient et inconscient. Lorsque la décision prise modifie la grandeur résultante dans le mauvais sens le système devient instable. L’homme est un irrésolu. La conscience n’a cependant aucun accès au processus d’élaboration de la notation et prend sa décision de confiance.
Suivant cette description il apparaît que la conscience est essentiellement passive et que le gros du travail s’effectue dans l’inconscient. Prenons trois exemples, du reste fort éloignés les uns des autres, pour illustrer ce propos :

- Quand un joueur de tennis de haut niveau vient au filet et tente d’intercepter le passing-shot de son adversaire, il dispose d’environ une demie seconde pour (a) reconstituer la trajectoire de la balle qui vient vers lui en utilisant les informations données par sa vision binoculaire et les informations spatiales concernant la position et l’orientation de sa propre tète, pour (b) déterminer la trajectoire qu’il veut donner à cette balle, pour (c) se déplacer et placer sa raquette au bon endroit en bonne position et au bon moment en agissant (d) sur un système compliqué de leviers osseux et de vérins musculaires, tout en tenant compte (e) de la position initiale de ses principaux segments et en maintenant si possible (f) l’équilibre de l’ensemble. La puissance de calcul nécessaire pour mener cette tâche à bien est tout à fait impressionnante et serait très difficile à égaler par les meilleurs automates actuels, pourtant spécialisés, qui ont du mal à aller cueillir une pomme dans un arbre. Or ce calcul désigné du nom de réflexe se déroule entièrement en dehors de la conscience qui ne fait qu’observer le résultat de sa mise en œuvre. Pour le joueur débutant qui essaie de “ réfléchir ”, la balle est passée depuis longtemps avant que sa raquette ait esquissé le moindre mouvement. Il apparaît donc sur cet exemple que les tâches requérant une grande habileté ou une grande célérité d’exécution sont déléguées à des automatismes acquis par l’entraînement. Ces automatismes sont, dans une large mesure, inconscients. Ils ne nécessitent pas, et c’est un de leurs intérêts, d’effort de volonté. Lorsqu’une automobile que vous dépassez sur l’autoroute fait un écart imprévu, vous vous retrouvez frôlant la glissière de sécurité avec le pied sur le frein avant de réaliser exactement ce qui s’est passé. Cette réaction réflexe a consommé paradoxalement beaucoup de votre énergie mentale, et il peut ne plus vous en rester suffisamment pour faire connaître votre façon de penser au conducteur fautif. L’analyse de la succession de nos actions journalières montre que notre corps est le plus souvent en pilotage automatique sous le contrôle de la conscience prête à reprendre les commandes en cas de problème. La conscience hérite ainsi de tous les problèmes qui n’ont pu être traités efficacement par les automatismes existants. Même lorsqu’un mouvement est volontaire, la volonté consciente n’agit pas sur chaque muscle individuellement, mais les commande par l’intermédiaire d’un système d’interprétation et de coordination inconscient.
- Si vous n’arrivez pas à retrouver un nom, ce qui avec l’age vous arrivera de plus en plus fréquemment, le processus selon lequel s’effectue la recherche, quelquefois fructueuse, vous échappe complètement. S’il vous vient spontanément à l’esprit, vous n’en savez d’ailleurs pas davantage la raison. Les mécanismes de recherche et de reconnaissance sont très largement, sinon totalement, inconscients.
- La plupart des récits de découvertes font état d’un long et pénible travail de rassemblement des données et de tentatives d’explication avortées. Un jour la solution surgit de façon tout à fait inopinée et comme miraculeuse. Pendant toute cette période d’incubation l’inconscient a tourné et retourné le problème dans tous les sens jusqu’à ce que les données pertinentes se raccrochent entre elles et avec les structures d’explication existantes de façon à constituer une extension logique et cohérente de ces structures. Archimède a pu pousser son fameux eurêka à propos de la poussée hydrostatique parce que les notions géométriques concernant les volumes, les notions physiques concernant le poids et la densité avaient été préalablement éclaircies. Il apparaît donc sur cet exemple que les tâches requérant le plus haut niveau d’abstraction, les opérations logiques les plus compliquées peuvent se dérouler sans que la conscience soit tenue au courant en temps réel. L’inconscient, c’est l’état-major auquel la conscience - commandant en chef fait passer toutes les informations dont elle dispose. L’inconscient- état-major (et non pas l’état-major inconscient) réalise toutes les simulations nécessaires à la préparation des décisions. C’est également lui qui écrit les discours du commandant en chef qui se surprend ensuite à les prononcer. La conscience ignore tout du détail du travail de son état-major et n’a accès qu’aux résultats de ses analyses. Le travail de fermentation de l’inconscient produit pour ainsi dire les bulles de pensées qui éclatent de temps en temps à la surface de la conscience. Si vous ne notez pas les plus intéressantes d’entre elles vous risquez de ne jamais les revoir tant elles sont fugaces ! S’il arrive que l’une se soit égarée, votre seule chance de la retrouver est de cesser de la chercher. Elle se situe en effet trop loin dans la file d’attente des idées qui veulent accéder à votre conscience. Il faut attendre que celles qui crient plus fort qu’elle, ou d’une voix plus aigue, soient passées. La chercher en essayant de retrouver les chemins qui vous y ont conduit ne fait généralement qu’immobiliser la file. J’ai pour ma part la nette impression que mon inconscient est plus intelligent que moi, qu’il galope plus vite et plus loin quand il a la bride sur le cou que lorsque ma conscience reprend les rênes. Les meilleures idées se récoltent au petit matin, comme les œufs des poules ! Qui ne s’est endormi avec un problème et réveillé avec une solution ? C’est ainsi que les employeurs peuvent bénéficier d’un travail directement productif effectué en heures supplémentaires de nuit non rémunérées !



Et le monde intérieur dans tout ça, me direz-vous, il n’en a pas été question ! Vous n’avez encore rien dit de l’aspect subjectif de la conscience ! Pourtant c’est lui que vous avez, avec beaucoup de présomption, proposé d’expliquer. J’y viens et pour essayer de tenir cette gageure, il est nécessaire de quitter le domaine de la science respectable et d’entrer dans le domaine de la spéculation. Avant d’entrer dans ce domaine il faut rappeler les postulats suivants :
- L’état du cerveau est une image significative de l’état d’une fraction du monde extérieur
- L’état de la conscience est une image significative de l’état du cerveau
- Il existe une pluralité de consciences
- Le même monde extérieur est commun à toutes les consciences
La vision qui est proposée est suggérée par le fait que le cerveau est le siège d’une intense activité électrique dont témoignent entre autres les électroencéphalogrammes enregistrant les différences de potentiel à l’extérieur de la boite crânienne, et également par le fait que des excitations électriques ou magnétiques appliquées au cortex ou même à l’ensemble du cerveau peuvent induire des sensations conscientes, alors que le cerveau est dépourvu de récepteurs sensoriels. Cette vision est la suivante : la conscience subjective, entité essentiellement passive semble assister à un spectacle. La salle de spectacle, c’est l’écran où défilent les images, un espace particulier situé à un instant donné dans une certaine partie de mon cerveau, celle où se situent les circuits neuronaux oscillants dont il a été question plus haut. Dans cet espace des particules électrisées en mouvement engendrent un champ électromagnétique qui contient des signaux selon un code déterminé. Ce dont je suis conscient à un instant donné est, selon la vision proposée, en rapport direct avec l’état à cet instant du champ électromagnétique diffusé à partir de l’écran. On ne voit pas bien la nécessité qu’il y aurait de renforcer les signaux correspondant aux sensations conscientes si les traitements effectués sur ces signaux étaient de logique pure. Ce renforcement et cette synchronisation prennent un sens si ces signaux doivent provoquer l’émission d’un champ électromagnétique. Les différentes catégories de perception sont différenciées sans ambiguïté par les codes utilisés pour les représenter. Une dérive dans cette codification peut produire la confusion des sens qui est parfois observée. Certains voient un son comme une couleur : « A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu » (Arthur Rimbaud, « Voyelles »). De nombreuses objections peuvent être formulées à l’encontre de cette hypothèse : le transformateur d’un poste électrique a-t-il conscience de tous les défauts qui se produisent sur les réseaux auxquels il est connecté, même s’il n’a bien entendu aucun moyen de faire part de ses impressions ? Si la fréquence du courant industriel était de 40 Hz et non de 50 Hz comme en Europe ou 60 Hz comme en Amérique, la communication avec un cerveau humain serait-elle facilitée ? 400 000 Volts, ça doit faire mal ! À moins que cela ne procure un sentiment de puissance hautement jouissif ! Néanmoins l’hypothèse rend compte de cette constatation essentielle qu’est l’unicité du flot de la conscience, car manifestement les états successifs de la conscience, les différentes « images » passent dans un seul et même canal dont l’imagerie cérébrale n’a révélé jusqu’à présent ni l’existence ni l’emplacement. Or le champ électromagnétique a la propriété d’être quasi insensible à l’emplacement des différents circuits élémentaires qui le génèrent, les distances mutuelles de ces différents circuits (quelques centimètres) ne pouvant créer de décalages temporels importants eu égard à la vitesse de propagation de 300.000 kilomètres par seconde du champ électromagnétique. L’information portée par le champ est indépendante de la distance à la source, sans aucun décalage temporel, pour un observateur se déplaçant à la même vitesse que les ondes. La montre au poignet de cet observateur marque en effet la même heure au moment où l’onde est émise et au moment où elle est absorbée, quelle que soit la distance entre les points où ces évènements se sont produits. Le champ électromagnétique constitue donc une entité authentiquement indivisible. Ainsi est préservée l’unité de la conscience, fonction qui ne dépend que du temps C = C(t), tout comme la musique. Ainsi est préservé également le caractère traditionnellement immatériel de “ l’âme ”, car les champs ne sont que des modifications des propriétés d’un espace qui pourrait être vide. Vu de l’extérieur, ce champ possède toutes les propriétés usuelles d’un champ électromagnétique. Eprouvé pour ainsi dire de l’intérieur, c’est ce dont j’ai conscience à cet instant. Ma douleur et mon plaisir sont des états particuliers du champ en question que l’évolution poursuivie pendant quelques milliards d’années a rendus tels que les sensations plaisantes ou douloureuses correspondent respectivement à des situations favorables ou défavorables à ma personne ou à l’espèce à laquelle j’appartiens. Le plaisir peut être vu comme une harmonie de la variation du champ électromagnétique et la douleur comme une dissonance. D’ailleurs l’homme, le plus souvent, ne recherche pas vraiment le plaisir, mais un état neutre. Le plaisir pour lui n’est que la disparition d’une douleur ou d’une tension. Le plaisir de manger est celui de faire cesser la faim et celui de se gratter, de supprimer la démangeaison. Cet état d’équilibre s’appelle le bonheur. Il signifie que toutes les fonctions physiques et mentales s’effectuent harmonieusement sous le contrôle de la conscience. Les récompenses et les punitions liées à des sensations plaisantes ou douloureuses incitent l’individu porteur de la conscience à se maintenir dans des conditions qui préservent son intégrité. C’est la seconde vertu de la conscience qui s’ajoute à celle de garantir l’unité d’action de l’individu. L’aspect subjectif de la conscience doit donc avoir des conséquences objectives. Il faut pour cela que les variations du champ émis, caractéristiques du plaisir ou de la douleur, puissent être détectées par des récepteurs appropriés et amplifiées pour que ces informations soient réintégrées dans l’ensemble des circuits neuronaux. Une autre possibilité d’interaction entre champ et circuits neuronaux est que ce qui exprime la force de ma volonté, quand elle s’exerce, soit l’intensité d’une certaine fraction de ce champ engendrée par les charges électriques matérialisant les volitions de l’inconscient. Cette fraction du champ agirait sur d’autres charges électriques qui initient les actions du système neuromusculaire, traduisant ainsi les volitions en actions. L’intensité de cette fraction du champ peut être ressentie comme douloureuse quand ma volonté est tendue à l’extrême. Si la douleur et le plaisir ne sont que l’excitation de circuits nerveux spécialisés prenant leur origine dans les diverses parties du corps, comment expliquer la douleur morale ou le plaisir intellectuel ? Comment expliquer que le plaisir donné soit souvent plus gratifiant que le plaisir reçu ? Au-delà des interactions qu’occasionnent douleur et volonté, certains ont proposé que les populations neuronales vivent dans une sorte de symbiose avec le champ électromagnétique qu’elles émettent. C’est la théorie du « cemi field ». Elle professe que les automates fabriqués par l’homme seront toujours beaucoup moins performants que les cerveaux des êtres vivants car il leur manque une conscience capable de faire la synthèse de leur activité continue de traitement de l’information et, à l’aide de cette synthèse, orienter l’activité elle-même. A la question « objets inanimés, avez-vous donc une âme ?», elle répond non sans hésitation.
Remarquons que le double aspect qu’il a fallu attribuer au champ électromagnétique, selon qu’on le considère de l’extérieur ou de l’intérieur constitue une sorte de dualisme dont il paraît impossible de faire l’économie. Ce dualisme matérialiste, ou pour mieux dire naturaliste ou physicaliste, consiste à attribuer une dimension supplémentaire, la sensibilité, à des entités physiques, les champs ou à la modulation de ces champs. Le dualisme de l’esprit et de la matière des philosophes serait donc en relation directe avec le dualisme des champs et des particules des physiciens. Cependant, les champs n’ont pas moins de réalité physique que les particules qui constituent la matière. Dame Nature qui n’en est pas avare aurait ainsi un tour de plus dans son sac. Chassez le dualisme par la porte, il revient par la fenêtre… Comment pourrait-il en être autrement ? Nul ne peut nier l’existence de sa propre conscience, et l’existence d’un monde extérieur indépendant de la conscience subjective que l’on en a semble par ailleurs un pari raisonnable. Nier ce dernier conduit en tout cas à bien des déboires. Diderot a eu nettement l’intuition d’une explication de cette nature (Si un esprit fait de la matière, pourquoi de la matière ne ferait-elle pas un esprit ?), mais les connaissances disponibles à son époque ne lui ont pas permis d’expliciter davantage sa pensée. Dans ces conditions la conscience, dans son aspect subjectif est bien, pour l’essentiel, un épiphénomène, encore que la détection de la douleur et du plaisir éprouvés ou l’action de la volonté ou l’alimentation de la mémoire par exemple puissent lui conserver un rôle actif, mais cet épiphénomène est la conséquence nécessaire de l’utilisation de processus de nature électrique ou électromagnétique dans le fonctionnement du cerveau, à la façon dont le bruit d’un moteur accompagne nécessairement son fonctionnement. Une oreille un tant soit peu exercée y décèle aisément un bruit anormal s’il y a quelque chose qui cloche... Quant à la conscience dans son aspect objectif, elle peut être considérée comme le système d’exploitation de l’automate très particulier que constitue un cerveau. C’est elle qui met de l’ordre, lorsque le sujet est éveillé, dans le fonctionnement des cent milliards de neurones qui le constituent, sachant que chaque neurone entretient des liaisons avec des milliers d’autres neurones proches ou lointains par l’intermédiaire d’axones et de synapses selon une structure de communication hiérarchisée. Cet automate de chair comporte donc comme un ordinateur une unité centrale. Bien que cet automate fonctionne par pas successifs, au rythme des ondes qui le parcourent, il est donc organisé de façon très différente de celle des ordinateurs de silicium fabriqués par l’ingénieux bipède. C’est un automate qu’on peut dire analogique, c'est-à-dire manipulant des quantités exprimées physiquement en vraie grandeur et non issues d’une combinatoire d’unités. Pour les opérations logiques, il est très lent et facilement fautif, mais il excelle par contre dans les jugements synthétiques et intuitifs, les raisonnements flous. Ordinateur de chair et ordinateur de silicium se complètent donc admirablement. Le sommeil est réservé à la maintenance du système. La conscience subjective aurait de son côté un statut analogue à celui d’une émission de télévision (« enrichie » toutefois au point de vue sensoriel et conceptuel), qui serait émise dans la boite crânienne et qui diffuserait le reportage des évènements les plus importants et les plus significatifs pour l’individu. Différentes émissions peuvent coexister sans s’influencer mutuellement, dans la mesure où leurs codifications sont suffisamment distinctes. Des exceptions peuvent exister dans les cas de transmission de pensée, très rares assurément, mais peut-être possibles selon mon expérience, entre personnes très proches génétiquement ou affectivement. Ne dit on pas de deux personnes qui s’entendent bien qu’elles sont sur la même longueur d’onde ? J’ai même cru déceler certaines connivences que j’aurais avec mon PC ainsi qu’avec mon téléphone portable utilisé comme réveille-matin ! Le seul véritable téléspectateur, le seul conscient en tout cas, serait cependant l’émission elle-même. La musique qui peut faire rire ou pleurer, aimer ou combattre a, dit-on, des vertus curatives, elle « adoucit les mœurs ». Elle serait le plus émouvant de tous les arts et le plus fréquemment mis à contribution, en dépit de son caractère éminemment abstrait, parce que sa codification serait pour ainsi dire en prise directe avec la codification des sentiments et des émotions utilisée par l’esprit conscient (Cf. l’importance des chants et de la musique dans les cérémonies religieuses, Cf. également la place de la musique de film, rarement sur la première marche du podium, parfois ignorée, mais pourtant indispensable).


La conscience dans ses aspects subjectifs et objectifs est ainsi expliquée avec des notions de la physique du 19éme siècle. D’autres comme l’Anglais Roger Penrose qui a renouvelé l’intérêt pour le sujet l’ont expliquée avec des notions de la physique du 20éme siècle. L’explication définitive résidera peut-être dans la physique du 21éme siècle. Les théories physiques actuelles, pour être formulées avec simplicité, font appel aux nombres complexes comportant une partie réelle et une partie imaginaire et suggèrent ainsi que quelque chose qui aujourd’hui nous échappe, se passe derrière le rideau, dans une autre dimension, et dont nous devons nous contenter de mesurer les effets. C’est ainsi également que les destinées de deux photons d’origine commune demeurent indissolublement liées alors que leur distance mutuelle peut se compter en années-lumière (c’est l’intrigant phénomène d’intrication). Il paraît raisonnable d’en conclure que le monde physique comporte plus de dimensions que les dimensions usuelles de l’espace et du temps et que c’est dans une ou plusieurs de ces dimensions que les deux photons sont restés liés. Certaines de ces dimensions pourraient-elles être spirituelles, de sorte qu’on pourrait dire, sans que ce soit un abus de langage que tel objet, tel lieu, tel événement, ont une dimension spirituelle ? Existerait-t-il parmi tous les univers possibles un univers platonicien où les sensations et les sentiments susceptibles de faire vibrer les esprits à l’unisson se promèneraient dans des Idées de rues en se tenant par des Idées de main ? Si l’existence de tels univers pouvait être prouvée, les esprits religieux y trouveraient certainement une forme de revanche ! La théorie du tout à laquelle travaillent les physiciens avec tant d’ardeur et qui doit rendre compte de tous les aspects de la réalité observée, se doit d’expliquer aussi le phénomène de la conscience. Les bonnes idées sont rares, malheureusement. Ce ne sont pas des chiennes bien dressées qui viennent quand on les siffle ! L’explication attendue, quelle qu’elle soit, ne devra-t-elle pas suivre un cheminement voisin de celui qu’après d’autres je viens d’esquisser ? Ne devra-t-elle pas identifier le contenu de la conscience tel que chacun peut l’éprouver pour son propre compte avec un phénomène physique déterminé vu de l’intérieur, quelle que soit la nature de ce phénomène ?

Si la réponse est oui, cette vision des choses a de nombreuses conséquences :

- La conscience subjective ou l’âme si vous préférez n’est pas immortelle. Comment survivrait-elle à la disparition totale du processus matériel qui l’engendre, l’oscillation des circuits neuronaux, alors que le sommeil, diverses substances chimiques, une vive douleur, une vive émotion, un malaise ou un coup sur la tête un peu appuyé suffisent à la faire disparaître ?
- Du point de vue de la logique, rien ne s’oppose à ce que deux personnes se mettent d’accord pour dire que telle étoffe est rouge même si les sensations subjectives qu’elles ont l’une et l’autre de cette couleur sont totalement différentes. Telle qu’elle a été décrite, la manière dont ces sensations sont élaborées par des processus universels et invariants à partir d’une même réalité physique objective écarte cette éventualité, sauf dysfonctionnement toujours possible. La communication entre les personnes présente de ce fait une certaine garantie d’authenticité.
- La conscience subjective est en rapport direct avec la conscience objective (les circuits neuronaux oscillants). Elle évolue donc comme elle au fil du temps et elle est malheureusement soumise aux mêmes vicissitudes.
- La pondération associée aux différentes volitions acheminées jusqu’à la conscience constitue une sorte de monnaie de la conscience puisqu’elle permet de rendre comparables des motivations complètement hétérogènes, de la même façon que la monnaie usuelle permet d’acheter toute espèce de bien ou de service. De sérieuses difficultés éthiques surviennent quand on commence à confondre les deux monnaies, quand on achète les consciences ou qu’on vend son âme ! A titre d’illustration, voyez comment se décide la part de vos revenus que vous choisissez d’affecter à des œuvres caritatives. Aucun raisonnement ne conduit à la fixer. Elle résulte d’un équilibre entre votre désir d’aider et celui de ne pas vous appauvrir. La façon dont s’effectue cet arbitrage vous échappe entièrement. Une fois que la pesée des différentes motivations a été faite, la motivation gagnante, même d’une courte majorité, rafle toute la mise. Ceci démontre que la démocratie est un mécanisme extraordinairement efficace, puisque ce mécanisme a été retenu par la sélection naturelle ! La Nature a reconnu bien longtemps avant le vieux Winston que ce mécanisme était le pire à l’exclusion de tous les autres et ce n’est probablement pas un hasard si l’esprit scientifique est né dans les premières cités à avoir adopté un régime s’inspirant de principes authentiquement démocratiques. Les idées fleurissent dés que les mâles dominants cessent d’exercer leur dictature ! Les populations neuronales votent en quelque sorte au scrutin uninominal à un tour. La proposition victorieuse est renforcée par effet feed-back et c’est à ce moment qu’elle devient décision consciente. Une légère brèche dans une digue en terre laisse passer un filet d’eau, mais l’érosion agrandit la brèche et le filet d’eau devient torrent. Quand la crue est terminée, le lit du torrent en perpétue la mémoire.
- Une monnaie analogue permet de sélectionner les données accédant à la conscience parmi un nombre quasi infini de possibilités. C’est l’idée qui a crié le plus fort qui s’empare du micro. La valeur dans cette monnaie d’un sujet qui a capté l’attention à un certain moment s’érode au fil du temps.
- Le libre-arbitre est une illusion puisque la conscience n’intervient pas dans le processus qui fixe la valeur des différentes motivations, se borne à faire les additions et entérine leurs résultats. Il a d’ailleurs été prouvé expérimentalement (expériences de Benjamin Libet) que les décisions ne sont pas initiées par la conscience subjective. La décision objective précède de quelques dixièmes de seconde la prise de conscience subjective de cette décision. La science semble ainsi donner raison aux jansénistes tenants de la prédestination, c’est à dire au fond du déterminisme de nos pensées et de nos conduites, contre les jésuites tenants du libre arbitre. Le chat choisit d’aller vers son coussin ou vers son écuelle. S’il a plus faim que sommeil il ira vers l’écuelle et vers le coussin dans le cas contraire. Au nom de quel libre-arbitre irait-il ce vers quoi il a le moins d’inclination ? Certes il peut calculer que, bien qu’ayant plus sommeil que faim, il pourrait rapidement manger un morceau pour être débarrassé de sa faim avant d’aller dormir. Dans ce cas son inclination prépondérante est la combinaison casse-croûte rapide et sommeil. Ce calcul d’optimisation a-t-il un rapport quelconque avec le libre-arbitre ? Bien sûr, dans sa fierté de chat, il peut proclamer qu’il est lui aussi doté de libre arbitre et, pour le prouver, faire un choix apparemment contraire à son inclination la plus immédiate, mais c’est qu’alors son inclination à la fierté se sera révélée plus forte qu’aucune des deux autres. Il n’y a pas d’effet sans cause… On peut regretter après coup un geste déplacé ou une parole malheureuse mais, au moment où ils ont été faits ou prononcés, ces gestes ou ces paroles étaient ressentis comme s’imposant majoritairement, c'est-à-dire absolument selon le mode de fonctionnement du cerveau. La liberté d’un individu, c’est autre chose. Elle consiste pour lui dans la possibilité de satisfaire ses aspirations les plus profondes sans avoir à souffrir de contraintes inutiles ou arbitraires. Mon professeur de philosophie, homme excellent et qui se disait bon catholique, augurait déjà il y a un demi-siècle que l’existentialisme alors à la mode, qui proclame que l’homme construit librement son destin, se casserait les dents sur les enseignements de la science…C’est le même qui demandait à ses élèves pourquoi il était très invraisemblable qu’il assassine tel ou tel d’entre eux et ses élèves répliquaient en invoquant la crainte du gendarme, celle d’un châtiment éternel, l’opprobre publique, ou le remords. Il leur faisait voir qu’ils étaient dans l’erreur la plus complète et que leur principale garantie résidait dans sa conscience à lui, entité intangible. De fait, l’idée que je pourrais prendre une décision qui ne découle pas de ma propre personnalité et des circonstances dans lesquelles je dois la prendre ne parvient pas jusqu’à mon cortex. Or je ne me suis pas choisi, comme vous vous en doutiez, pas plus que je n’ai choisi les circonstances où j’ai à prendre cette décision. Même si, pure hypothèse, le moi d’aujourd’hui choisit le moi de demain, qui choisit le moi d’après demain etc.… le dernier moi de la série dépendra encore des inclinations du moi d’aujourd’hui et de circonstances fortuites. Penser autrement est faire fi du principe de causalité. Bien entendu, parmi mes motivations, certaines sont altruistes et d’autres sont égoïstes, mais leurs forces relatives sont inscrites dans les replis de mon cerveau au moment où j’ai à décider, et vais-je décider contre la motivation la plus forte, que celle-ci soit égoïste ou altruiste, peureuse ou courageuse, prudente ou audacieuse, morale ou immorale, louable ou condamnable, raisonnable ou déraisonnable ? le vrai de l’existentialisme est que la personnalité d’un individu se construit progressivement par ces choix successifs mais contraints et qu’un souffle peut faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. Un homme frais et un homme fatigué ne prendront pas forcément la même décision. Une décision a des conséquences immédiates, mais aussi des conséquences à long terme en modifiant la réponse future de l’instrument. Chaque événement laisse une trace, un chemin préférentiel pour l’influx nerveux invitant à la répétition des mêmes comportements. Si je trace un sillon dans le sable dans un sens ou dans un autre, les écoulements futurs en seront influencés. Le bouddhiste parle d’impermanence et le sage antique assure qu’on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, ce qui est vrai aussi. Le seul correctif concevable à ce déterminisme absolu serait l’introduction dans le circuit de ma décision d’un élément aléatoire, mais ceci est fort éloigné de ce que l’on veut signifier quand on parle de libre arbitre. Certains ont imaginé que le caractère aléatoire de la physique quantique pouvait introduire, sinon le libre-arbitre du moins une indétermination dans le processus de décision, mais ce ne peut être à priori que très marginal compte tenu que les processus mentaux semblent mettre en œuvre des collections importantes d’atomes et non des atomes individuels. Deux coups tirés avec la même bouche à feu, la même munition, la même charge de poudre et les mêmes angles ne font pas le même trou près de l’objectif visé. Parlera-t-on pour autant du libre arbitre du canon ? Un obus de mortier a explosé au dessus de la porte du local où se tenait le philosophe. Eut-il été plus court de quelques décimètres qu’il entrait directement dans la pièce et que c’en était fait du philosophe et de sa philosophie. Le philosophe sait cependant que l’exacte trajectoire du projectile a été déterminée par une myriade de facteurs physiques tels que la température de la poudre, la densité de l’air, la direction et la force du vent aux différentes altitudes, etc. Ces différents facteurs n’avaient aucune intention bonne ou mauvaise à son égard. Il se trouve qu’à la fin du processus le philosophe est toujours vivant, ce qui doit lui suffire et ne mérite pas d’autres commentaires de sa part. Placé dans les mêmes circonstances un esprit religieux remercierait les dieux d’avoir été épargné et le philosophe a quelque difficulté à se défendre contre cette même pensée. C’est pendant l’été 1944 dans un village d’Ile de France. L’occupant qui se replie est furieux parce que des résistants mal inspirés ont kidnappé quelques uns de ses soldats. Il ordonne que personne dans le village ne sorte de sa maison. Ceux qui le peuvent courent se cacher. Le philosophe en herbe, inconscient du danger, joue dans le jardin de ses parents avec une bicyclette empruntée à sa grande sœur. Un coup de feu claque et des feuilles tombent du pommier qui se trouve à quelques mètres de lui. Il file se mettre à l’abri sans demander son reste, vous pensez bien. L’héritier de ces deux anecdotes préfère croire aujourd’hui qu’il ne doit pas la vie à la maladresse du soldat qui l’a visé depuis la rue mais plutôt à un sentiment humain et responsable de sa part qui aurait pris le pas sur la consigne militaire. L’obus et le soldat ont tous deux épargné le philosophe (Alléluia !) mais contrairement aux apparences le soldat n’en pensait pas plus long que l’obus. il n’avait que quelques secondes pour se décider, peut-être moins. La machinerie de son cerveau s’est mise en route et sa conscience objective a rendu son verdict : « vise un peu à gauche ! ». St Augustin lui-même est obligé d’invoquer la grâce divine pour faire une place au libre-arbitre. Toutes les créatures ne bénéficient pas de cette grâce de la même façon. Dieu a ses têtes, il faut le savoir ! Il s’est déplacé en personne pour le petit peuple juif mais il a abandonné à des imposteurs la multitude innombrable des autres peuples d’Europe, d’Asie, d’Afrique, d’Amérique et d’Océanie !! « Cornet de rois, cornet de catins », les sorts sont distribués selon sa fantaisie. Remplacer l’incompris par l’incompréhensible et l’arbitraire comme le fait St Augustin est toutefois le contraire d’un progrès du point de vue de la connaissance et de l’éthique. St Augustin a supposé le problème résolu et il en a conclu que le problème était résolu ! Or, le problème ne sera jamais résolu car c’est typiquement un faux problème. Personne n’est capable de dire au juste ce qu’il entend par libre arbitre. Comme un juge du siège, la conscience se détermine en fonction des dossiers qu’on lui présente et de ses dispositions du moment. Il y a de bonnes et de méchantes gens (bonnes gens ayant des passions mauvaises) comme il y a de bonnes et de mauvaises voitures (bonnes voitures ayant un défaut de fabrication, ou accidentées ou usées à l’excès), ni plus, ni moins. Tous les travaux psychologiques et psychanalytiques sont implicitement fondés sur l’hypothèse d’un déterminisme de nos conduites. Les grands auteurs de leur côté ont toujours invoqué ou illustré la force du destin, leurs héros allant irrésistiblement vers leur salut ou vers leur perte selon leurs ressorts intérieurs et les circonstances qu’ils rencontraient. Le titre d’un des romans de Diderot n’est-il pas « Jacques le Fataliste » ? De la sensation physique à l’action physique, en passant par le traitement de l’information dans le cerveau, aucun hiatus ne semble exister par lequel pourrait s’introduire quoi que ce soit qui ressemble de près ou de loin au libre arbitre. « Madame la maréchale, ces Corozaïnois et ces Betzaïdains furent des hommes comme il n'y en eut jamais que là, s'ils furent maîtres de croire ou de ne pas croire ». La contradiction entre ce fatalisme affiché et le volontarisme qu’exprime le titre du présent essai n’est qu’apparente, comme le montreront des développements ultérieurs selon lesquels, étant programmés pour se préoccuper du sort de leur espèce, les hommes déroulent leur programme et s’en préoccupent effectivement
- Il est absurde en soi de faire souffrir un délinquant, on ne fait qu’ajouter un nouveau malheur au malheur existant. Le responsable n’est pas le corps du délinquant. Il n’a été que l’instrument du forfait ; inutile de lui couper la main. C’est la conscience du délinquant qui souffre du châtiment. Or, elle n’a fait qu’apprécier correctement les sollicitations auxquelles elle était soumise, elle n’est qu’un instrument de mesure. Va-t-on punir un thermomètre pour avoir indiqué la bonne température ? Le responsable, car il en faut bien un, c’est l’inconscient qui a pondéré les volitions. Or l’inconscient lui-même résulte de l’interaction d’un système génétiquement programmé avec un environnement physique, économique et social déterminé, toutes données sur lesquelles l’inconscient est évidemment dépourvu de moyens d’action. L’inconscient est donc responsable mais pas coupable. L’acceptation de ce mécanisme exclut toute condamnation morale. Entre comprendre et condamner, il faut choisir. Les raisons objectives des châtiments infligés sont la protection de la société par mise à l’écart du délinquant, l’effet dissuasif sur lui-même et sur ses émules, si possible le traitement et la guérison (?) de son inconscient malade avant qu’il ne sorte de prison et, ce n’est pas le plus joli, la satisfaction donnée à la victime, à ses proches et à la société d’avoir été vengés. Le criminel le plus endurci se comporte comme vous et moi la plupart du temps : il laisse passer les dames et dit bonjour à sa concierge. Landru, bon époux et bon père était, paraît-il, d’une exquise urbanité. La soi-disant responsabilité du délinquant n’est autre chose que le prétexte commode invoqué pour exercer sur lui, en toute bonne conscience, une vengeance. La suppression de la peine de mort est un premier pas important vers la reconnaissance de cette réalité. Tout crime est la manifestation d’un désordre mental qui peut être selon les cas durable ou momentané et je ne voudrais pas être à la place des experts qui ont à décider de la catégorie à laquelle appartient un désordre particulier. Il semble curieux que la démence soit une circonstance atténuante : la justice punit celui qui a des crises passagères et elle épargne celui chez qui ces crises sont permanentes. Les sommes consacrées à traiter tous les délinquants comme des malades et non comme des coupables afin de ne pas les laisser dans une désespérance amère et revancharde ne seraient-elles pas inférieures aux coûts de toute nature des récidives et du renforcement sans limites des systèmes policier, judiciaire et carcéral ? Une conclusion qui se dégagerait d’une telle entreprise serait probablement qu’il faut commencer par soigner la société. Les investissements à réaliser dans cette hypothèse en matière de répartition des richesses et d’éducation sont-ils hors de portée d’une société moderne ? Il est certain que les investissements les plus rentables dans ce domaine sont ceux qui sont effectués très tôt. C’est avec une fermeté empreinte de douceur et d’affection que les enfants doivent être maintenus sur le bon chemin. Il faut bien entendu ne leur fournir que de bons principes et de bons exemples. Le rôle des parents, des grands-parents et des éducateurs est à cet égard essentiel. Dans un age plus avancé ce rôle incombera aux dirigeants…
- La conscience ne comprend pas, elle n’a que le sentiment d’avoir compris. La compréhension consiste dans l’établissement de liaisons nouvelles et permanentes entre certains neurones libres, de façon à créer de nouveaux concepts et de relier ces concepts avec les concepts préexistants. Ces liaisons respectent les règles de la logique. Est-ce simplement parce qu’elles sont de nature physique et que le monde physique est logique, ou bien s’agit-il d’un apprentissage de l’enfant qui généralise les leçons de l’expérience, ou bien d’un instinct déjà programmé à la naissance, ou bien d’un peu de tout cela ? Beau débat en perspective ! Sa nature physique implique en tout cas que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Dans le processus de compréhension, le seul rôle de la conscience est de valider la proposition de l’inconscient de se mettre au travail et de le stimuler tant que le sentiment d’avoir compris n’est pas atteint.

Norbert Croûton
Rédigé par Norbert Croûton le 24/11/2006 à 00:42