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Nicolas Maury Militant PCF Istres






 



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C'est par un amendement déposé par le communiste Fernand Grenier, le 24 mars 1944 à l'Assemblée consultative d'Alger, que le droit de vote des femmes est enfin reconnu. Cet amendement disait : « Les femmes seront éligibles dans les mêmes conditions que les hommes »




M. le Président. - Je donne lecture de l'article 16 :

« Les femmes seront éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».

J'ai été saisi d'un amendement de M. Grenier ainsi conçu :

« Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».

M. Grenier. - Je ne reviendrai pas pour défendre mon amendement sur ce que j'ai déjà dit au sujet du vote des femmes.

Ce sont les mêmes considérations qui m'ont inspiré. Je pense que l'amendement de M. Prigent ayant été adopté par l'Assemblée, les femmes doivent voter, non seulement aux élections qui aboutiront à la Constituante, mais également à toutes les élections qui auront lieu dès la libération.

M. le Président de la Commission. - Je dois rappeler que c'est à l'unanimité moins une voix que la Commission avait adopté le principe du vote des femmes, et que c'est à l'unanimité qu'elle avait estimé que les femmes ne voteraient pas aux élections provisoires qui auraient lieu en cours de libération.

Il ne s'agit pas d'apprécier les capacités, les mérites et les droits de la femme à voter, mais uniquement d'examiner les conditions de fait dans lesquelles elle va être amenée à exercer ce droit pour la première fois. N'oubliez pas que le délai de trois mois que nous avons prévu pour la reconstitution des listes électorales est extrêmement court, même pour des élections ordinaires. Or, le travail sera encore compliqué par l'absence des réfugiés, prisonniers et déportés. Si l'on doit ajouter les femmes sur ces listes les difficultés seront encore accrues. D'autre part, il est établi qu'en temps normal les femmes sont déjà plus nombreuses que les hommes. Que sera-ce à un moment où prisonniers et déportés ne seront pas encore rentrés ? Quels que soient les mérites des femmes, est-il bien indiqué de remplacer le suffrage universel masculin par le suffrage universel féminin ?

Enfin, je pense que la confection matérielle des listes électorales où, pour la première fois, figureront les femmes, donc des listes nouvelles, demandera beaucoup de temps. Si donc l'on admet les femmes à voter aux premières élections qui suivront la libération, on ouvre la porte à toutes sortes de fraudes et d'irrégularités dans cette période incertaine qui accompagnera les premières consultations populaires. Autant je considère que l'amendement de M. Prigent était fondé, autant j'estime qu'il n'y a pas lieu de retenir celui de M. Grenier. La Commission en demande donc le rejet.

M. Antier. - Je ne partage pas l'avis de la Commission. Je considère que la France, hommes et femmes réunis, résiste dans son ensemble. Il serait donc injuste d'écarter les femmes des premières élections, d'autant plus que ces élections se dérouleront à l'échelon communal et départemental. La confection des listes est donc possible.

M. Poimbœuf. - J'avais, à la Commission, soutenu le vote des femmes dès les premières élections, et c'est uniquement parce qu'il apparaissait pratiquement impossible de dresser les listes dans le délai légal de trois mois que, par la suite, je m'y étais opposé. J'insiste sur le terme « pratiquement ». On pourrait donc, peut-être, envisager une prorogation de ce délai de trois mois, ce qui permettrait de concilier tous les points de vue.

M. Grenier. - Je dois avouer qu'aucun des arguments exposés ne m'a convaincu. L'éloignement de leurs foyers de nombreux prisonniers et déportés qui ont été remplacés dans leurs tâches par leurs femmes, confère à ces dernières un droit encore plus fort de voter dès les premières élections. Quant à la confection matérielle des listes électorales, j'estime qu'il s'agit d'une question de bonne volonté et d'organisation dans chaque mairie. Il suffirait d'y employer un personnel suffisamment nombreux. On l'a bien fait pour les cartes de vêtements ou d'alimentation.

Je ne comprends pas non plus qu'on puisse supposer que nous demandons le vote féminin dès les premières élections pour faciliter je ne sais quelles irrégularités. Nous demandons simplement que toute la Nation soit appelée à se prononcer sur ceux qui la dirigeront, que ce soit à l'échelon municipal, départemental ou national.

Je dois d'ailleurs vous mettre en garde contre une réaction éventuelle de l'opinion publique. À la suite de nos derniers débats, le presse et la radio ont annoncé que le suffrage des femmes était décidé, et l'on n'a pas précisé s'il s'agissait d'élections suivant immédiatement la libération ou plus tardives. Si mon amendement n'est pas retenu, nous donnerons l'impression de nous être déjugés. (Applaudissements)

M. Hauriou. - C'est le groupe des indépendants de la Résistance qui a proposé d'ajouter à l'article 1er du projet d'ordonnance sur les élections à l'Assemblée constituante, une disposition prévoyant le vote des femmes. Nous ne pouvons donc être suspectés d'hostilité à cet égard. Je voudrais cependant présenter quelques observations.

En premier lieu, je dois souligner que sous le biais des élections municipales, c'est en réalité tout le problème des élections provisoires qui suivront que nous abordons. Car si nous admettons les femmes à voter aux premières élections qui suivront la libération, il sera impossible de ne pas les admettre aux élections pour l'Assemblée nationale provisoire. Il faut bien savoir dans quelle voie nous nous engageons. Le groupe des résistants indépendants a admis que, s'agissant d'élections pour une représentation provisoire, il ne saurait être question de faire voter les femmes, car ceci ne manquerait pas de provoquer un déséquilibre dans le corps électoral.

Par contre nous ne formulons aucune réserve au suffrage féminin quand les conditions seront redevenues normales.

Il y a dans notre position une seconde raison. Nous souhaitons que le vote féminin réussisse. Or, si nous suivions M. Grenier dans son amendement, il serait à redouter que les femmes n'encourent des responsabilités et des reproches immérités, dans une consultation populaire où elles auraient eu la majorité.

Nous estimons que le premier essai de vote des femmes doit avoir lieu dans des conditions normales, et c'est pourquoi nous voterons contre l'amendement de M. Grenier.



M. Antier. - La participation des femmes au suffrage universel est un droit qui n'est pas discutable.

M. le Président de la Commission. - Je voudrais répondre d'un mot à M. Grenier quant aux irrégularités et aux fraudes qui risquent de se produire si les femmes sont admises à voter tout de suite. Il sera matériellement et techniquement impossible, étant donnés les délais restreints, de procéder à une constitution régulière des listes électorales. J'insiste donc pour le rejet de l'amendement.

M. Ribière. - Au point de vue de la constitution de listes, je ne vois vraiment pas d'obstacles sérieux à l'admission des femmes. Notre collègue Grenier a judicieusement fait observer qu'il avait été possible, sans grandes difficultés, d'établir les cartes d'alimentation.

D'autre part, il faut reconnaître que les femmes qui sont en France et dont les maris sont prisonniers en Allemagne voteront dans le même esprit qu'auraient voté leurs maris. Refuser le droit de vote aux femmes pour ce premier suffrage serait à mon avis une injure pour les femmes.

M. Grenier. - Il semble que l'argument décisif contre mon amendement soit celui de la difficulté d'établir des listes électorales complètes. Je fais observer que, même pour les électeurs masculins, il sera impossible d'obtenir des listes complètes. Si l'on annonçait dans les communes que toutes les femmes doivent se présenter à la mairie, munies de leurs pièces d'identité, les femmes se feraient elles-mêmes inscrire. Si certaines ne se dérangent pas, tant pis pour elles, elles ne voteront pas. De toute façon, j'estime qu'il vaut mieux une participation des femmes à 80 ou 90 % que pas de participation du tout. Il faut qu'ici chacun se prononce par oui ou par non.

M. Vallon. - Je retrouve dans ce débat les traditions de l'ancien Parlement français dans ce qu'elles avaient de plus détestable. À maintes reprises, le Parlement s'est prononcé à la quasi unanimité pour le principe du vote des femmes, mais, chaque fois, l'on s'est arrangé par des arguments de procédure pour que la réforme n'aboutisse pas.

Ces petits subterfuges doivent cesser (Applaudissements) ; il faut parfois savoir prendre des risques.

M. Bissagnet. - L'amendement Grenier amènera un déséquilibre très net, car il y aura deux fois plus de femmes que d'hommes qui prendront part au vote. Aurons-nous donc une image vraie de l'idée du pays ? En raison de ce déséquilibre, je préfère que le suffrage des femmes soit ajourné jusqu'à ce que tous les hommes soient rentrés dans leurs foyers, et c'est pourquoi je voterai contre l'amendement.

M. Charles Laurent. - Je tiens à préciser que ce n'est pas du tout la question des difficultés d'établissement des listes électorales, qui m'a amené à voter contre l'amendement, à la Commission. Le véritable argument est celui tiré du déséquilibre auquel M. Bissagnet vient de faire allusion.

Au moment où la population sera appelée à aller aux urnes, il y aura cinq millions d'absents, et les femmes seront, en France, deux fois et demi plus nombreuses que les hommes. Il est impossible d'envisager le suffrage dans ces conditions. Aussi voterai-je dans le sens demandé par la Commission.

M. Darnal. - Je m'étonne pour ma part qu'on ait soulevé cet argument de déséquilibre. Est-ce à dire que les femmes françaises sont des déséquilibrées ? S'il peut y avoir déséquilibre, pourquoi alors a-t-on admis le vote des femmes lorsqu'il s'agit de questions aussi importantes que celles qui feront l'objet des élections à l'Assemblée nationale ? Devons-nous oui ou non légiférer pour sortir la France du marasme et de sa misère présente, et devons-nous nous attacher à des questions de procédure ?

La Résistance a dit, par la voix de M. Prigent, que nous avions résisté avec nos femmes et nos filles. Pourquoi alors les femmes n'apporteraient-elles pas leur concours intellectuel comme elles ont donné leur concours physique ?

M. Valentino. - Jusqu'à présent, on a semblé approuver l'octroi du vote aux femmes au moment des élections à l'Assemblée constituante et refusé ce même droit lors des élections municipales provisoires.

J'ai voté en faveur du vote des femmes à l'Assemblée constituante, je voterai cependant contre l'amendement de M. Grenier. Il n'y a pas contradiction dans mon attitude car je suis pour le respect de la légalité républicaine.

Pour la Constituante, il s'agit de fixer de nouvelles règles pour la Constitution de la France, et les femmes doivent participer au vote.

Mais nous ne sommes pas une Assemblée législative, nous ne pouvons bousculer la légalité républicaine.

Notre rôle consiste à réparer les lézardes que Vichy a pu créer et les conséquences des défaillances humaines. Ce qui est indispensable c'est de renouveler l'Administration municipale en restant fidèle aux règles.

M. Costa. - Après les arguments qui ont été présentés, je déclare que je voterai pour le vote « immédiat » des femmes.

M. Poimbœuf. - L'observation que je vais faire semblera remettre en discussion, contrairement à toutes les règles de procédure, l'article 15 qui a déjà été adopté (*) ; en réalité elle ne fera qu'apporter une précision.

J'estime, eu égard aux arguments invoqués, que le délai imparti risque d'être trop court, et je demande que l'on ajoute à l'article 15 qui parle « d'un délai de trois mois » la disposition suivante : « sous réserve de la constitution des listes électorales ». (Mouvements divers). Cette réserve ne constitue pas un « torpillage » du projet ; j'admets que les élections devront avoir lieu dans un délai de trois mois, et que les femmes y seront appelées. Ce n'est que si le délai s'avère trop court qu'il y aura lieu de le proroger. Les élections ne seront reculées que dans le cas où les listes électorales ne pourraient pas être établies à temps (Mouvements divers). Je déclare, en tout cas, que je voterai pour la participation immédiate des femmes aux premiers votes.

M. Duclos. - J'appartiens à un département, le Var, qui a connu un sénateur qui a lutté pendant de nombreuses années en faveur du vote des femmes. Aussi je saisis l'occasion qui m'est offerte de faire triompher la proposition, étant certain d'autre part d'exprimer le vœu des conseillers généraux. Les arguments présentés contre le vote des femmes ne me semblent pas pertinents. Les femmes des prisonniers et de ceux qui sont morts pour la Patrie remplaceront leurs maris. Quant à l'équilibre électoral, il est aisé de répondre que l'équilibre de la Nation a été rétabli par les sacrifices et le courage des femmes.

On a soulevé les difficultés d'ordre pratique qui ne manqueraient pas d'apparaître lors de l'établissement des listes électorales. Ces difficultés sont exagérées ; il sera très facile de se référer en la matière aux cartes d'alimentation. On me dira peut-être que les résultats numériques que fourniront ces cartes ne seront pas parfaits. Peut-être en effet, y aura-t-il quelques fraudes, mais les listes électorales d'antan étaient-elles parfaites ? Je prétends qu'il est possible de réduire considérablement les tripotages. Par un travail consciencieux et un contrôle sévère on aboutira à un double résultat heureux : réprimer les fraudes et rendre possible le vote des femmes.

M. le Président de la Commission. - Je n'aurais pas repris la parole si l'intervention de M. Poimbœuf n'avait pas remis en question l'article 15 précédemment voté. Nous constatons les inconvénients que peuvent présenter les amendements soulevés au cours des débats. Ils sèment la confusion dans la discussion.

Quant à l'amendement Grenier, s'il était adopté, il aboutirait en fait à retarder les élections (Mouvements). Je n'ai aucun amour-propre à défendre, j'ai voté au sein de la Commission en faveur du vote des femmes et j'ai accepté au nom de la Commission l'amendement Prigent, mais il me semble impossible de constituer les listes électorales dans les délais impartis.

Pour les hommes, il sera possible de retrouver les listes de recrutement. Cet élément n'existe pas pour les femmes.

On vous a parlé des cartes d'alimentation. Mais M. Duclos a admis que les listes établies sur cette base pourraient ne pas être très régulières, et en dépit de ses espoirs je crains que des tripotages ne puissent être évités. C'est pour écarter ce grave problème d'irrégularité que je propose de réserver le vote des femmes pour les élections subsidiaires.

L'amendement Grenier est mis aux voix par scrutin public.

A la majorité de 51 voix contre 16 sur 67 votants, l'amendement est adopté.

Ont voté pour : MM. Antier, d'Astier de la Vigerie, Aubrac, Aurange, Auriol, Billoux, Blanc, Bonte, Bourgoin, Bouzanquet, Buisson, R. P. Carrière, Claudius, Costa, Croizat, Cuttoli, Darnal, Debiesse, Duclos, Evrard, Fayet, Ferrière, Froment, Gazier, Gervolino, Giovoni, Girot, Grenier, Marty, Mayoux, Mercier, Mistral, Moch, Muselli, Parent, Poimbœuf, Prigent, Pourtalet, Rencurel, Ribière, Tubert, Vallon, de Villèle.

Bulletins 4, 6, 7, 9, 11, 13, 14, 15.

Ont voté contre : MM. Astier, Azaïs, Bosman, Cassin, Dumesnil de Gramont, Francke, Gandelin, Giacobbi, Hauriou, Jean-Jacques, Laurent, Maillot, Rucart, Valentino, Viard.

Bulletin 3.

En congé ou excusés : MM. Boillot, Ely Manel Fall, Seignon, Zivarattinam.

N'ont pas pris part au scrutin : MM. Bendjelloul, Bissagnet, de Boissoudy, Cot, Guérin, Guillery, Lapie, Morandat, Serda et M. Félix Gouin qui présidait la séance.

Supplément au Journal Officiel de la République française du 30 mars 1944, pp. 2-3 et 8 (scrutin).

(*) Article 15 : « Dès que dans un département l'établissement des listes électorales sera terminé, et au plus tard dans les trois mois suivant la libération de ce département, le Préfet sera tenu de convoquer le Collège électoral pour procéder à l'élection des municipalités et d'un conseil général provisoire. »




http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/d%C3%A9bat_24_mars_1944.asp

GRENIER (Fernand, Joseph)

Né le 9 juillet 1901 à Tourcoing (Nord)

Décédé le 12 août 1992 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)

Député de la Seine de 1937 à 1940

Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante.

Député de la Seine de 1946 à 1958

Mobilisé en septembre 1939, Fernand Grenier est affecté comme sapeur à la 5ème compagnie du bataillon du Génie stationnée à Laval, dans la Mayenne. Démobilisé près d'Annecy, il regagne Paris au début d'août 1940 ; malgré l'interdiction officielle du PC et la déchéance de ses mandats de député de la Seine et de conseiller municipal de Saint-Denis, il assure la remise en marche des organisations communistes de Saint-Denis, à ciel ouvert, en pleine occupation nazie. Il est finalement arrêté le 5 octobre 1940 par la police de Saint-Denis et interné au sanatorium d'Aincourt (Seine-et-Oise). Transféré le 4 décembre suivant à Fontevrault (Maine-et-Loire) puis le 20 janvier 1941 à la centrale de Clairvaux (Aube), il échoue finalement au camp de Chateaubriant (Loire-Inférieure) dont il parvient à s'échapper, le 19 juin 1941.

Revenu à Paris, Fernand Grenier se cache soigneusement dans un appartement et rédige des articles dans la presse clandestine du PC ; à la fin de l'année 1942, il est chargé par le Comité central clandestin d'établir les premiers rapports avec les formations de la Résistance non communiste, et en particulier avec les gaullistes. Le 25 novembre 1942, il rencontre Rémy, agent de liaison de De Gaulle pour préparer un voyage à Londres, afin d'établir le contact direct entre les communistes et le général de Gaulle.

Voyageant en compagnie de Rémy, Fernand Grenier arrive le 11 janvier 1943 à Londres, porteur d'une première lettre du Comité central donnant "l'adhésion du PCF à la France combattante pour la Libération de la France" et d'une seconde, signée de Charles Tillon, au nom des FTP. Délégué du PCF auprès du comité de la France Libre, Fernand Grenier reçoit le titre, sans grande signification, de conseiller au Commissariat de l'Intérieur de la France Libre. Cependant, en août, puis en septembre 1943, de Gaulle lui offre une place au Comité français de Libération nationale à Londres ; Fernand Grenier en réfère alors à Duclos, qui préfère décliner pour l'instant.

À son arrivée, à Alger, en octobre 1943, comme délégué au Comité consultatif, Fernand Grenier se voit offrir un portefeuille ministériel, celui du commerce, de l'industrie et de l'agriculture. Le PC juge le poste trop "mince" on lui propose alors le lendemain celui du ravitaillement, qui d'ailleurs n'est guère plus important ; il s'agit en fait d'un épisode du conflit de principe qui oppose de Gaulle, qui entend choisir ses ministres communistes, et la direction du PCF, qui entend les lui imposer.

L'activité parlementaire de Fernand Grenier, interrompue durant près de quatre années par la guerre, reprend le 9 novembre 1943, lorsque sa désignation à l'Assemblée consultative provisoire est validée ; il est alors nommé membre de la Commission du règlement, de la Commission des affaires étrangères et de la Commission de l'information et de la propagande.

Fernand Grenier n'est l'auteur que d'une seule proposition de résolution, le 30 novembre 1944, "tendant à inviter le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour restaurer dans leurs biens et pour indemniser toutes les victimes politiques de la guerre, du fascisme et de la collaboration avec l'ennemi et de toutes les lois d'exception". À la tribune, il intervient cependant à de nombreuses reprises, en qualité de délégué, au début de l'année 1944, au cours de la discussion de la proposition de résolution sur l'organisation des pouvoirs publics en France ; il dépose notamment le 24 mars, un amendement tendant à établir le principe du vote des femmes, puis, le 27 mars un autre amendement tendant à étendre le droit de vote aux militaires.

Après une nouvelle proposition de De Gaulle visant à l'entrée du PCF au sein du gouvernement provisoire, le 18 mars 1944, la délégation du Comité central sollicite une audience, le 29 mars, qui est accordée à Bonte, Fajon, Billoux, Lozeray, Marty et Grenier. Après un compromis de part et d'autre, De Gaulle nomme, le 4 avril 1944, Billoux au commissariat d'Etat et Fernand Grenier commissaire à l'Air, montrant ainsi la confiance personnelle qu'il avait envers ce dernier. De Gaulle écrira d'eux dans ses Mémoires de guerre : "Fernand Grenier et François Billoux, l'un brusque, l'autre habile, tous deux capables, divisent leur sourcilleuse attention entre, d'une part, leurs postes respectifs, et, d'autre part, leur parti qui veille sur eux du dehors". Fernand Grenier explique quant à lui en 1981, dans un entretien accordé au Monde : "De Gaulle m'a choisi, car il a sans doute apprécié mon sentiment national et parce qu'il savait que je n'en profiterais pas pour faire l'éloge des thèses soutenues par le Parti communiste".

Le passage de Fernand Grenier au commissariat de l'Air est marqué par l'échec sanglant du soulèvement du maquis du Vercors, en juillet 1944 : en charge de l'aviation militaire de transport, il est mis en cause dans ce désastre pour n'avoir pas su obtenir la constitution réelle de l'unité aérienne "La Patrie", qui aurait dû réaliser des parachutages d'armes sur le Vercors. Pour avoir critiqué l'attentisme de De Gaulle dans cette affaire, Fernand Grenier se voit exiger de ce dernier, le 26 juillet 1944, une lettre d'excuses ou de démission. Alors qu'il penche à titre personnel pour la seconde solution, Fernand Grenier doit se résoudre à écrire une lettre de rétractation, sur ordre du Comité central, qui voulait éviter une crise à la veille de la Libération de Paris. Cependant, peu de temps après son retour à Paris en septembre 1944, via Cherbourg, à bord de la Jeanne d'Arc, Fernand Grenier perd son poste de commissaire à l'Air au profit de Charles Tillon.

Fernand Grenier est candidat dans la sixième circonscription de la Seine lors de l'élection de la première Assemblée nationale Constituante, le 21 octobre 1945 ; en troisième position sur la liste communiste emmenée par Jacques Duclos et Charles Tillon, il emporte néanmoins l'un des sept sièges à pourvoir, puisque sa liste recueille 143 942 voix sur 308 887 suffrages exprimés.

Fernand Grenier est nommé membre de la Commission de la presse, de la radio et du cinéma et membre de la Commission des affaires étrangères ; son activité parlementaire se concentre autour d'interventions à la tribune destinées à défendre et à organiser la liberté de la presse et à établir le monopole et la nationalisation de l'électricité et du gaz.

Aux élections à la seconde Assemblée nationale Constituante, il retrouve sans peine son siège, puisque la liste communiste, toujours conduite par Duclos et Tillon, obtient 141 254 voix sur 309 546 suffrages exprimés. Il siège dans les mêmes commissions que durant la première Assemblée constituante ; c'est d'ailleurs, au nom de la Commission de la presse, de la radio et du cinéma qu'il dépose, le 18 septembre 1946, deux rapports, l'un portant sur la création du Centre national de la cinématographie, l'autre sur la création d'un commissariat au cinéma.

Tout au long de ces deux Assemblées Constituantes, Fernand Grenier se conforme aux consignes de vote du groupe communiste auquel il appartient.

Son élection lors des premières élections législatives est encore plus aisée que les précédentes (146 573 voix sur 304 886 suffrages exprimés) ; il est vrai que le PCF jouit dans la sixième circonscription de la Seine d'une audience remarquable, et décroche invariablement, lors de ces trois premières consultations nationales, quatre des sept sièges à pourvoir. Fernand Grenier est durant cette première législature nommé membre de la Commission des affaires étrangères (1946, 1948) et de la Commission de la presse (1946, 1948, 1949, 1950, 1951) ; il est, par ailleurs, élu vice-président de cette dernière Commission.

Fernand Grenier déploit une activité parlementaire très intense pour toutes les questions relatives à la représentation des intérêts français dans le cinéma et dans la presse ; il dépose ainsi le 26 janvier 1948 une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à promouvoir la révision des accords Blum-Byrnes, afin d'"assurer la protection du film français". Ses interventions, très nombreuses durant cette législature, témoignent aussi de son intérêt pour la mise en place des moyens de diffusion de presse (proposition de loi du 21 février 1947 tendant à constituer des sociétés de messagerie), et de la vigueur de son engagement aux côtés de l'URSS contre l'impérialisme économique américain qu'il n'a de cesse de dénoncer (demande d'interpellation, déposée le 12 décembre 1947, sur "les actes d'hostilité contre l'URSS et les conséquences de ces procédés").

Candidat au renouvellement de son mandat aux élections législatives du 17 juin 1951, la tâche lui est moins facile en raison de la forte percée, dans la sixième circonscription de la Seine, de la liste RPF conduite par l'ancien directeur du cabinet à Londres du général de Gaulle, Gaston Palewski ; sur les 298 719 suffrages exprimés, la liste communiste du trio Duclos-Tillon-Grenier emporte 131 212 voix et trois sièges, celle du RPF, 88 497 voix et deux sièges - les deux sièges restants allant à la SFIO et au MRP.

Une fois son élection validée, le 6 juillet 1951, Fernand Grenier retrouve son siège à la Commission de la presse. Toujours soucieux de contrer la propagande américaine en France, il est notamment l'auteur, le 1er avril 1952, d'une proposition de résolution tendant à la nomination d'une commission d'enquête sur "l'origine des fonds considérables dépensés par "Paix et liberté" et sur la constitution, le fonctionnement et la direction de cette officine", qu'il accuse à deux reprises d'être financée par les fonds secrets de la Présidence du Conseil. Fernand Grenier multiplie aussi les interventions à la tribune pour alerter la représentation nationale sur les problèmes du cinéma : fiscalité excessive pénalisant les productions nationales, censure des films soviétiques en France et, à l'inverse, pénétration massive et déloyale des produits de l'industrie cinématographique américaine. Il s'inquiète aussi des éventuelles dérives de la politique atomique entreprise par la France (11 décembre 1951 et 28 janvier 1955).

L'élection législative de 1956 est un grand succès pour les communistes de la sixième circonscription de la Seine : la liste à laquelle Fernand Grenier appartient, cette fois à la deuxième position derrière Jacques Duclos, bénéficie de l'effondrement du RPF (Gaston Palewski, à la tête des Républicains sociaux, manque la députation avec 5,6 % des suffrages) et de la très forte dispersion des listes à droite. La liste du PCF emporte trois sièges, avec 169 271 voix sur 371 902 suffrages exprimés ; les autres sièges reviennent à la SFIO (le député sortant Gérard Jaquet), aux radicaux-socialistes (Charles Hernu), au RGR (le député sortant et maire de Vincennes Antoine Quinson) et aux Indépendants et Paysans (Jean Dides).

Fernand Grenier retrouve son siège à la Commission de la presse ; la quasi-totalité de ses dépôts de textes sont relatifs à l'industrie cinématographique (et notamment sa proposition de loi du 26 octobre 1956 tendant à supprimer la censure cinématographique). À la tribune, il prend part avec vigueur à la discussion du projet de loi portant réforme et statut de l'Agence France-Presse. Il est aussi rappelé à l'ordre, et par deux fois inscrit au procès-verbal, lors de la discussion des interpellations sur les événements de Hongrie, le 7 novembre 1956.

Élu membre suppléant du Comité central du PCF au congrès de juin 1945 à Paris, Fernand Grenier en est élu membre titulaire au congrès de Strasbourg, en juin 1947, et conserve ce siège tout au long de la IVème République.

Avec son groupe, il s'oppose au retour du général de Gaulle et refuse la confiance au gouvernement (1er juin 1958), les pleins pouvoirs et la révision constitutionnelle (2 juin).

Sous la Vème République, aux élections de novembre 1958, Étienne Fajon est réélu député dans la 40ème circonscription de la Seine (Saint-Denis). Il conserve ce mandat lors des renouvellements de 1962 et de 1967.

Membre à la Libération du comité national de l'Association France-URSS, Fernand Grenier est l'auteur de plusieurs livres partiellement autobiographiques dans lesquels il exalte la Résistance communiste durant l'Occupation (Lettre à un ami (1945), C'était ainsi (1949) et exprime son admiration pour l'URSS (Au pays de Staline (1950), La Marche radieuse (1951).

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