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Nicolas Maury Militant PCF Istres






 



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On entend beaucoup de choses sur l'indépendantisme catalan, beaucoup de qualificatifs, de positions tranchées, mais qu'en est-il réellement ? Partons des questions et/ou remarques sur cet indépendantisme méconnu


Quelques éclaircissements utiles pour comprendre l'indépendantisme catalan
Sommaire :

Fiche 1 / Ce sont les libéraux au pouvoir : Pourquoi c'est faux
Fiche 2 / Comme la Ligue-du-Nord en Italie et la N-VA en Belgique, les indépendantistes sont des fascistes : Pourquoi c'est faux
Fiche 3 / La Catalogne c'est l'Espagne : Pourquoi c'est faux, mais surtout plus compliqué que cela
Fiche 4 / L'Espagne est un Etat-Nation comme la France : Pourquoi c'est faux et surtout pourquoi il ne faut pas calquer le jacobinisme français
Fiche 5 / L'indépendance de la Catalogne ouvrirait une boite de Pandore en Europe : Reparlons du Kosovo, de l'Ecosse et du débat des Euro-Régions


Fiche 1

Ce sont les libéraux au pouvoir : Pourquoi c'est faux

Depuis les élections au Parlement de Catalogne du 27 septembre 2015, c'est une coalition indépendantiste, Junts pel Sí (Ensemble pour le OUI), qui dirige la Generalitat. Cette coalition succède au leadership du parti Convergence démocratique de Catalogne (CDC - ex CiU) et de son président Artur Mas. Cette coalition met fin à une longue période d'austérité libérale, on y reviendra.

Quelques éclaircissements utiles pour comprendre l'indépendantisme catalan
Qui compose la coalition Junts pel Sí ?

- Les libéraux du parti Convergence démocratique de Catalogne (devenu depuis Parti Démocratique Européen Catalan - PDECat). Ces derniers sont en minorité avec 29 sièges sur les 62 de la coalition.

- Les républicains de gauche Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), conduit par Oriol Junqueras, orienté politiquement sur la gauche de la sociale-démocratie. Cette formation politique accompagne les écolo-communistes (ICV-EUiA) et les progressistes comme à Barcelone. Au sein de la majorité, l'ERC représente 21 député.e.s sur 62.

- Les Démocrates de Catalogne, de tradition chrétien-démocrate, représenté.e.s par 3 député.e.s.

- Le Moviment d'Esquerres (MES) qui est une scission du Parti des Socialistes de Catalogne (PSC-PSOE) et qui dispose d'un siège.

- Catalunya Sí, une plate-forme politique à gauche qui a aujourd’hui fusionnée avec l'ERC.

- Des personnalités politiques comme Raül Romeva, ancien député européen de l'Initiative pour la Catalogne Verts (ICV - ex-PSUC).

- Et d'associations trans-partisanes comme le Reagrupement Independentista, Avancem, l'Associació de Municipis per la Independència, l'Òmnium Cultural, l'Assemblea Nacional Catalana. On retrouve au parlement Carme Forcadell i Lluís, ancienne présidente de l'ANC et Muriel Casals (ICV - ex-PSUC), ancienne présidente d'Òmnium (aujourd'hui décédée).

Quelques éclaircissements utiles pour comprendre l'indépendantisme catalan
Et enfin, non membre de la coalition Junts pel Sí, la Candidatures d'Unité Populaire (Candidatura d'Unitat Popular - CUP). Une formation politique anticapitaliste, antifasciste, féministe, communiste et inspiré du municipalisme libertaire. Avec 10 député.e.s au parlement catalan, cette formation très à gauche permet aux indépendantistes d'avoir la majorité. Et les CUP ont exigé deux choses pour apporter leur soutien : La démission d'Artur Mas (symbole de l'austérité) et une réorientation des politiques en rupture avec le libéralisme.

Et concrètement qu'a apporté cette coalition hétéroclite ?

Une taxe sur les banques (que le Tribunal Constitutionnel [espagnol] a invalidé).

Une loi pour protéger les citoyens qui ont été abusés par des hypothèques frauduleuses (que le Tribunal Constitutionnel [espagnol] a invalidé).

Une loi obligeant les entreprises à fournir aux familles pauvres la lumière, l'eau et le gaz pendant les mois d'hiver (que le Tribunal Constitutionnel [espagnol] a invalidé).

Une taxe pour chaque appartement vide pour consacrer ses recettes au loyer social (que le Tribunal Constitutionnel [espagnol] a invalidé).

Des politiques d'égalité entre les hommes et les femmes (que le Tribunal Constitutionnel [espagnol] a invalidé).

Une taxe sur les centrales nucléaires dont le recettes iraient à la protection de l'environnement (que le Tribunal Constitutionnel [espagnol] a invalidé).

Une loi interdisant la fracturation hydraulique pour extraire du gaz et pétrole de schiste (que le Tribunal Constitutionnel [espagnol] a invalidé).

Une loi obligeant les opérateurs Internet à soutenir la culture (que le Tribunal Constitutionnel [espagnol] a invalidé).

Une loi interdisant les corridas (que le Tribunal Constitutionnel [espagnol] a invalidé).


Le port de Barcelone
Le port de Barcelone
Fiche 2

Comme la Ligue-du-Nord en Italie et la N-VA en Belgique, les indépendantistes sont des fascistes : Pourquoi c'est faux

Il faut savoir trancher vite les têtes de cette hydre de désinformation et d'amalgame. Si la Ligue du Nord et la N-VA ont pris position en faveur des indépendantistes catalans c'est par pur opportunisme politique.

D'un point de vu purement politique, les fascistes en Espagne (ou phalangistes) ne se réclament pas de l'indépendantisme catalan. Bien au contraire, ces nostalgiques de Franco sont les premiers à dénoncer les mouvements séparatistes. Donc dire les "catalans sont des fascistes parce qu'ils cassent l'Espagne" est une erreur politique et une méconnaissance de la réalité.



Le mouvement indépendantiste catalan est marqué par des courants de droite, de gauche, républicain et communiste. Il n'y a pas de groupe néonazis, ou fascistes, indépendantistes. De plus il y a une forte immigration en Catalogne (qu'elle soit interne à l'Espagne ou extérieure) et, malgré les attentats d'août, il n'y a pas de ressentiment anti-immigrés (sauf pour les touristes).

Parlons argent, cet argument massue, cet argument d'autorité

Le projet indépendantiste catalan est beaucoup plus profond et ne peux se résumer aux revendications des "régions riches qui ne veulent plus payer pour les pauvres". Explications :

La Catalogne représente plus de 20% du PIB de l'Espagne (La Castille représentant 19,8%) et contribue de manière importante au budget du pays (8 % du PIB catalan). Il y a une histoire industrielle, la Catalogne est la seule région avec le Pays Basque à avoir connu une révolution industrielle au XIXe siècle. Selon les critères libéraux c'est aussi une des régions les plus endettées d'Espagne.

La Catalogne tire sa croissance de l'industrie automobile, des services, du numérique, des grands groupes pharmaceutiques, de puissantes banques et du tourisme (et sa richesse de ses travailleurs).

Depuis la crise qui frappe l'Espagne (2009), des voix, essentiellement patronales, ont dénoncé les "gaspillages" de l'Etat central et des choix économiques répondant à des logiques politiques (il faut noter que la corruption des élus du PP représente 45 milliards d'euros annuellement). En effet des économistes dénoncent les politiques de grands travaux réalisés dans la seule Castille. D'autres économistes rêve la Catalogne comme un paradis fiscal. Mais ils sont minoritaires dans les esprits catalans.

Le fond du problème est plus culturel et historique.

Remontons en 2006. Un Estatut d'Autonomia de Catalunya, dans le cadre de la constitution espagnole de 1978, est adopté et mis en place. Il est approuvée par le Parlement de Catalogne le 30 septembre 2005, fut transmis au Congrès des députés, où il fut accepté le 30 mars 2006, puis au Sénat, où il fut approuvé le 10 mai 2006. Un référendum tenu en Catalogne le 18 juin 2006 confirma le texte, qui fut promulgué par le roi Juan Carlos et publié par la loi organique 6/2006 du 19 juillet 2006.

Ce statut d'autonomie vise plusieurs aspects :

- Il défini la Catalogne comme une "nation", et non plus une "nationalité".

- Il renforce la coofficialité de l'espagnol et du catalan, avec une reconnaissance du catalan comme langue officielle.

- Il renforce la laïcité dans l'enseignement public.

- Il réactive des "droits historiques" de la Catalogne, qui fondent l'autonomie de la région non pas sur la constitution ou un accord de l'Etat mais par l'histoire.

- Il renforce la justice et élargie les compétences du Tribunal supérieur de justice de Catalogne et crée un Conseil de justice de Catalogne.

- Renforcement de la part fiscale : 50% de l’impôt sur le revenus et de la TVA restera dans les caisses de la Generalitat, 58 % des impôts spéciaux et 100 % sur les autres impôts et taxes. De plus la Catalogne obtient le droit de légiférer librement pour les caisses d'épargne, mais aussi les organismes de crédit, de banque et d'assurance.

Coup de tonnerre, dans un arrêt rendu le 28 juin 2010, le Tribunal constitutionnel annule 14 des articles du statut d'autonomie, sur un total de 223, à la requête du Parti populaire dirigé par un certain Mariano Rajoy. La plupart des points détaillés ci dessus seront donc cassés par le Tribunal constitutionnel.

Quelques éclaircissements utiles pour comprendre l'indépendantisme catalan
La réaction est assez importante en Catalogne. Il faut savoir qu'à cette époque l’indépendantisme est très marginale et que la plupart des partis politiques sont autonomistes et ne souhaitent pas quitter l'Espagne. Il y a juste un débat entre Monarchie ou République.

Le 13 septembre 2009, un référendum populaire est organisé par des associations indépendantistes à Arenys de Munt sur la volonté de ses habitants d'être indépendants de l'Espagne. Après cela, 167 communes de Catalogne ont organisé le 13 décembre 2009 un référendum autour de la question suivante : « Êtes-vous d'accord pour que la Catalogne devienne un État de droit, indépendant, démocratique et social, intégré dans l'Union européenne ? ». Au total, 700.000 personnes étaient convoquées aux urnes et 200.000 se sont exprimées. Le « oui » a gagné à près de 95 % face au « non » avec 3,52 %.

A Barcelone, le 10 juillet 2010, une immense manifestation déferle dans les rues de la capitale catalane, à l'appel de tous les partis politiques ayant des sièges au Parlement de Catalogne (sauf le Parti populaire et Citoyens), tous les syndicats catalans et environ 1600 associations culturelles. Entre 1.100.000 et 1.500.000 personnes défilent sous les slogans "Som una nació. Nosaltres decidim" (Nous sommes une nation. C'est nous qui décidons) et ils condamnent les décisions du Tribunal constitutionnel.



La crise qui secoue l'Espagne et les premières cures d'austérités menées par José Luis Rodríguez Zapatero et la coalition gouvernementale, permettent une victoire électorale de la droit post-franciste. Le Parti Populaire remporte les élections législatives le dimanche 20 novembre 2011 et Marianon Rajoy devient Premier ministre le 19 décembre 2011.

Son mandat est marqué la crise économique, l'austérité, l'explosion de la pauvreté et de la précarité, des scandales politico-financiers.

En Catalogne, les autonomistes se muent en indépendantistes. Pour beaucoup la réponse à la crise économique passe par la création d'une République catalane sociale (rappelons qu'Artur Mas mènera une politique d'austérité très forte en Catalogne à partir de 2012).

D'un point de vue institutionnel, la situation est bloquée. Le gouvernement refuse toute négociation et est retranché derrière la Constitution. Madrid justifie sa légalité au nom de la démocratie et refuse systématiquement toutes les propositions des catalans. Hors la constitution qui fixe l'indivisibilité du peuple d'Espagne ne peut être modifiée que par un référendum légal, c'est à dire validé par les 2/3 des membres du parlement (Cortès), mais le PP s'y refuse.

Dans l'esprits des catalans, renforcé par la nécessité d'en finir avec ces institutions et la confrontation institutionnelle. Pour beaucoup de catalans, l'idée indépendantiste ne fait que se renforcer pour avoir un pays neuf, démocratique, au service du peuple et non de la classe politico-économique dominante (les scandales de corruption se multipliant au PP et au PSOE).

Ainsi plusieurs mobilisations vont marquer la Catalogne.

Des communes de Catalogne se déclarent "Territori Català Lliure" (territoire catalan libre). Au début mai 2013, 197 communes et 5 conseils de comarques, représentant 20,8 % de la population de la Catalogne, s'étaient proclamés territoire libre catalan.

Le 11 septembre 2012, entre 1,5 et 2 millions de personnes se rassemblent à Barcelone pour la Diada Nacional (fête nationale) pour affirmer que la Catalogne soit : "Catalunya, nou estat d'Europa" (La Catalogne, un nouvel état d'Europe"). Cette manifestation coïncide avec l'arrivée au pouvoir d'Artur Mas et de la droite libérale en Catalogne.

A cette manifestation participent tous les partis politiques (communistes inclus) à l’exception du PP, du PSC-PSOE et des Ciudadanos. Les CUP participent séparément à la manifestation. Pour eux la Catalogne ne doit pas suivre la voie économique néolibérale de l'Union européenne et qui est la cause de la crise.

Le 29 juin 2013, un grand "Concert per la Llibertat" (concert pour la liberté) été célébré sur le Camp Nou à Barcelone. C'est une autre grande mobilisation sociale en faveur de l'indépendance. Plus de 400 artistes ont participé à l’événement.

Le 11 septembre 2013, jour de la Diada Nacional, une nouvelle initiative va rassembler plus de 1,6 millions de personnes à travers la Catalogne. C'est la "Via Catalana cap a la Independència" (Voie catalane vers l'indépendance). Une chaîne humaine qui traverse toute la Catalogne et au delà (la manifestation part d'Argelès en Catalogne Nord).

Le 27 septembre 2014, le président catalan Artur Mas convoque pour le 9 novembre une consultation d'autodétermination. Les deux questions posée : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État ? En cas de réponse affirmative, voulez-vous que cet État soit indépendant ? » A la suite de ce référendum jugé illégal par le Tribunal constitutionnel et transformé en consultation non contraignante, 2.300.000 catalans se rendent aux urnes et 80,7 % d'entre eux se prononcent pour l'indépendance de la Catalogne.

Fort de ce succès Artur Mas dissout le parlement catalan et convoque des élections régionales anticipées pour le 27 septembre 2015.

Les élections du 27 septembre 2015 sont un succès mitigé pour les indépendantistes qui, avec 47,8 % des voix, n'emportent pas la majorité absolue des suffrages, mais sont majoritaires en sièges (72 sur 135) au Parlement régional, bien que divisés entre la liste Junts Pel Si, avec 62 sièges, et celle de la Candidature d'unité populaire (CUP), qui en obtient 10.

L'histoire vous la connaissez, le 1er octobre 2017, un référendum, jugé illégal, mais contraignant est organisé en Catalogne.

Els segadors / les faucheurs
Els segadors / les faucheurs
Fiche 3

La Catalogne c'est l'Espagne : Pourquoi c'est faux, mais surtout plus compliqué que cela

Les milieux radicaux et phalangistes (extrême-droite) expliquent que la Catalogne c'est l'Espagne. D'un point de vue administratif et constitutionnel c'est le cas, mais d'un point de vue historique et culturel c'est plus compliqué.

Quelques dates historiques et comment la Catalogne fut absorbée par l'Espagne

L'origine de la Catalogne se trouve dans la "Marche d'Espagne" de l'empire carolingien. La Catalogne naît au IXème siècle. Le "père fondateur" légendaire de la Catalogne serait Guifred le Velu "El pelut" nommé comte de Barcelone en 878 au concile de Troyes. Guifred le Velu est l'ancêtre de la dynastie de Barcelone, qui construit peu à peu l'État catalan autour du comté de Barcelone.

En 1137, le comte de Barcelone épouse l'héritière du royaume d'Aragon. À ce moment naît la Couronne d'Aragon qui développe un mode d'administration original, très décentralisé pour répondre aux fortes différences tant politiques qu'économiques et linguistiques des deux parties de la Couronne, le Royaume d'Aragon et la Principauté de Catalogne. Ce royaume sera une véritable thalassocratie en méditerranée.

En 1283, la Principauté de Catalogne approuve les constitutions catalanes et, en 1359, a créé la Députation du General (ou Generalitat). Le plus vieux parlement d'Europe.

Une union dynastique avec la Couronne de Castille et celle d'Aragon est actée en 1479. La Principauté de Catalogne conserve toutes ses prérogatives, son autonomie et son parlement comme "droits historiques".

Avec la guerre des faucheurs (Guerra dels Segadors) un conflit va toucher une grande partie de la principauté de Catalogne entre les années 1640 et 1659. Elle prendra fin à la signature du traité des Pyrénées entre les royaumes d'Espagne et de France. C'est à ce moment là que le Roussillon et la moitié du comté de Cerdagne se retrouvent annexés à la France.

Cette guerre fait suite à la guerre de Trente Ans (1618 - 1648) et au raz-le-bol des populations catalanes de devoir subir la présence des troupes castillanes dans les campagnes. A cette époque les armées vivaient sur le terrain. Au début de mai 1640, les paysans de Gérone attaquent les troupes qu'ils hébergent. À la fin du mois, les paysans, auxquels se joignent les faucheurs en juin, atteignent Barcelone et se rendent maîtres de la cité. Ils assassinent des fonctionnaires et des juges royaux. Le vice-roi lui-même est assassiné alors qu'il essaie de fuir par la mer.

Pau Claris, un ecclésiastique à la tête de la Generalitat de Catalogne, proclame la République catalane. Mais l'oligarchie catalane perd vite la maîtrise du mouvement. Le soulèvement se transforme en une révolte des paysans appauvris contre la noblesse et les riches des villes qui sont à leur tour l'objet d'agressions.

Une authentique révolution sociale vient d'éclater. Cette révolution sera réprimée par l'Espagne et par la France. L'hymne national de la Catalogne, Els Segadors, est inspiré par la révolte des faucheurs de 1640.

Les conséquences de la guerre des faucheurs de 1640-1659, de la prise de Barcelone le 11 septembre 1714 par les forces franco-castillanes de Philippe V de Bourbon, des guerres carlistes au xixe siècle ou de la dictature nationaliste et centralisatrice de Francisco Franco entre 1939 et 1975 ont fortement diminué le rôle politique et culturel joué par la Catalogne en Espagne et en Europe.

La Catalogne cesse d'exister le 11 septembre 1714.

Quelques éclaircissements utiles pour comprendre l'indépendantisme catalan
La Renaixença

Depuis les années 1880, la question de l'autonomie catalane, à laquelle le roi Felipe V avait mis fin par les décrets de Nueva Planta entre 1705 et 1716, resurgit à la faveur de la Renaixença catalane.

Les guerres carlistes déchirent le XIX siècle espagnol et marquent profondément le pays. C'est aussi suite à cette période troublée que le renouveau culturel de la Catalogne (la Renaixença) et un retour des revendications linguistiques et nationalistes catalanes (le catalanisme). Au tournant du XXème siècle, la Catalogne est l'un des pôles de développement de l'Art nouveau, qui y prend le nom de modernisme catalan, marqué par les productions d'architectes (Antoni Gaudí, Lluís Domènech i Montaner, Josep Puig i Cadafalch), de peintres (Ramon Casas, Santiago Rusiñol), de sculpteurs (Eusebi Arnau, Josep Llimona) et de revues proches du milieu catalaniste (L'Avenç).

En 1914, les partis catalanistes ont gagné la création de la "Mancommunauté de Catalogne", sans autonomie spécifique, mais avec un ambitieux programme de modernisation. Elle est abolie en 1925 par la dictature espagnole de Miguel Primo de Rivera.

En 1931 est proclamée la République catalane confédérée à l'Espagne à la suite de la victoire électorale des partis catalanistes de gauche et obtient en échange, après négociation avec le nouveau gouvernement de la République espagnole, un statut d'autonomie en 1932 qui ressuscite l'institution de la Généralité de Catalogne (en catalan : Generalitat de Catalunya), présidée par l'indépendantiste de gauche Francesc Macià. Sous la présidence de Francesc Macià (1931-1933) et Lluís Companys (1933-1940), tous deux membres de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), la Généralité développe un programme social et culturel avancé. Ce statut est suspendu en 1939 lorsque la Catalogne, fidèle à la république, se soumet aux troupes nationalistes de Franco durant la guerre d'Espagne.

En 1940, le président catalan, Lluís Companys, est arrêté en France par les nazis et exécuté par le régime franquiste.

La Généralité de Catalogne est rétablie en 1977.

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Fiche 4

L'Espagne est un Etat-Nation comme la France : Pourquoi c'est faux et surtout pourquoi il ne faut pas calquer le jacobinisme français

La constitution de 1978 ne reconnait qu'une nation, et des nationalités. L'article 151 reconnait aux régions dites "historiques", celles qui avaient déjà bénéficié d'un statut d'autonomie pendant la IIe République (Catalogne, Galice et Pays basque), une autonomie plus large. La Généralité de Catalogne est rétablie en 1977 et reconnue constitutionnellement depuis 1978.

L'idée d'un Etat-Nation, avec un seul peuple, une seule langue, une seule culture est neuve en Espagne. C'est au XIXème sièche, sous l'impulsion de la conquête française de l'Espagne, sous le règne de Napoléon, que l'idée d'Etat-Nation se crée, comme symbole de la résistance à l'occupant français. D'ailleurs l'occupation française se déroulera plus pacifiquement en Catalogne. Et je passe sur les guerres carlistes.

L'idée d'Etat-Nation est surtout marquée par la période du dictateur Franco. Le dictateur va interdire toutes les autonomies, interdire l'usage et l’apprentissage autre que l'espagnol et enfin interdire les cultures autres que celles de Castille. Une difficile période de résistance culturelle et politique se mettra en place et des artistes comme Jordi Barre (qui fut journaliste à l'hebdomadaire communiste le Travailleur Catalan) et Lluis Llach (et l'Estaca).

Il faudra attendre 1977 pour pouvoir reparler librement le catalan.

Et la République dans tout cela ?

La Ième République (1873-1874) est centraliste et surtout instable car renversée par les monarchistes. Les fédéralistes y étaient combattus. La IIème République (1931-1939) née d'un accord entre les républicains et les autonomistes catalans.

La IIème République se dote d'un octroi du droit de solliciter un statut d'autonomie, bien initialement non fédéraliste. Les Cortès font rédiger une Constitution démocratique et autonomiste, inspirée de la Constitution de Weimar ; la nouvelle constitution fait de l'Espagne une République des travailleurs de toutes les classes, un État intégral, compatible avec l'autonomie des Municipalités et des Régions.

L'adoption du statut de la Catalogne date du 15 juin 1932 (Estatut d'Autonomia de Catalunya de 1932) qui, tout en accordant à la Catalogne les institutions, dont la Generalitat, auxquelles elle aspirait depuis un siècle, était compatible avec la Constitution espagnole.

Selon cet accord, l'État catalan est réduit à un gouvernement autonome, qui prend le nom de Généralité de Catalogne, en échange d'un statut d'autonomie. Les relations entre la Catalogne et la République seront tendues et le statut d'autonomie suspendu entre 1934 et 1936. Le 1er mars 1936, le statut est finalement rétabli avec l'arrivée du front populaire, la Généralité est restaurée et Lluís Companys retrouve son poste de président.

La Généralité, comme autorité organisatrice et légiférante de la Catalogne, devait obtenir de larges pouvoirs dans de nombreux domaines :

- l'économie, en retrouvant un rôle directeur dans les investissements économiques, en particulier dans le domaine agricole, mais surtout en obtenant le contrôle de l'impôt ;
- l'éducation, avec le contrôle de l'enseignement ;
- l'administration, avec la refonte du système municipal et la possibilité de revoir la division territoriale de la Catalogne ;
- le droit, avec la réforme du droit civil et hypothécaire, et la justice, avec la réorganisation du système judiciaire ;
- l'ordre public.

Et dans le cadre d'une IIIème République ?

Les républicains espagnols sont essentiellement organisés au sein d'Izquierda Unida et de partis régionalistes. Pour Izquierda Unida, l'avenir de l'Espagne repose sur une République fédérale respectueuse des particularités et identités régionales. Cette approche reconnait le droit à la Catalogne à l'autodétermination et à être une république librement associée.

Concernant Podemos, soyons clair, ce n'est pas un parti officiellement républicain. Podemos ne proclame pas la république pour des raisons purement électoraliste et malgré la crise catalane, ne prend toujours pas position sur cette question. Podemos condamne le Roi, souhaite que les espagnols se prononcent sur leur futur, mais ne dit pas que ce futur doit être républicain.

L'idée d'une IIIème République semble loin. Le soutien à la monarchie est encore fort dans de nombreux secteurs de la population. Les crises qui ont entaché la famille royale et la difficile succession de Felipe VI, en lien avec le mouvement catalan, aurait pu mettre un terme à ce système politique. mais des partis ont choisi de laisser passer le train de l'histoire.

Quelques éclaircissements utiles pour comprendre l'indépendantisme catalan
Fiche 5

L'indépendance de la Catalogne ouvrirait une boite de Pandore en Europe : Reparlons du Kosovo, de l'Ecosse et du débat des Euro-Régions

Il est l'heure de parler contagion et polémique.

La Catalogne donnerait-elle des idées à des régions d'Europe de faire cession ? Reparlons de la situation du Kosovo dont l'indépendance a été unanimement proclamée le 17 février 2008 par le parlement du territoire, sans référendum et aussitôt reconnu par les puissances occidentales. La boite de Pandore est ouverte à ce moment là.

Et la situation de l'Ecosse, il s'agit d'un référendum (2014) organisé avec l'accord du gouvernement central et qui est aussi favorisé par l’inexistence de constitution du Royaume Uni (il y a des textes fondamentaux comme la Magna Carta, le Bill of Rights, l'Act of Settlement, le Parliament Act et le Fixed-term Parliaments Act en date de 2011).

L'Écosse est l'une des quatre nations constitutives du Royaume-Uni.

Cette situation est aussi présente au Canada avec la province du Québec. Déjà deux référendum se sont tenus (1980 et 1995), sans blocages et les deux fois les québécois ont rejeté l'idée d'être un état indépendant.

Quelle contagion aux autres régions d'Espagne et pourquoi pas de France ?

Espagne : Pays basque, Galice, Baléares (qui appartient à ce que l'on appelle les "Països Catalans"), Franja d'Aragon (qui appartient à ce que l'on appelle les "Països Catalans"), Pais Valencien (qui appartient à ce que l'on appelle les "Països Catalans"), Andalousie, ces régions peuvent être concernées par des mouvements autonomistes et indépendantistes.

France (métropolitaine) : Pays Basque, Catalogne-Nord (qui appartient à ce que l'on appelle les "Països Catalans"), Bretagne (et la question du rattachement de la Loire Atlantique), Alsace, Corse ... Dans ces régions des mouvements autonomistes (ou régionalistes) existent et revendiquent plus de pouvoir au sein la République et le droit d'utiliser des langues dites "régionales" en plus du français (langue officielle).

Et je n'aborderais pas la question des DROM-COM et de la Polynésie Française. Ces territoires reconnus, par l'ONU, comme colonisés. Les populations locales doivent avoir le droit à l'autodétermination.

Europe des régions contre Etats-Nations

Le débat est vaste. Mais je pose quelques problématiques :

Qu'est qu'un Etat-nation dans le cadre de la mondialisation capitaliste? Est-ce un espace pertinent ? Est-il en capacité de créer des solidarités ? Comment dépasser les contradictions philosophiques, historiques, sociales et économiques des Etats-nations ? Face à l'Union européenne faut-il privilégier la souveraineté nationale ou la souveraineté populaire ? Faut-il sortir de l'Union européenne ? Quelle Europe, pour quel projet et quels buts ? La question du droit à l'autodétermination des peuples doit-elle être étouffée au profit des Etats-nations ? Qu'est-ce qu'un peuple ? L'exploitation capitaliste crée t-elle les sentiments régionalistes ? Les régionalismes peuvent-ils être des pôles de résistances aux aliénations crées par le système capitaliste ?

Beaucoup de questions et en réalité peu de réponses. Chaque territoire a sa spécificité, son histoire. Il est important de ne pas faire d'amalgame et de calquer des modèles. Et avec la dislocations des Empires coloniaux, de l'Union soviétique, de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie, tout le modèle d'organisation territorial est en crise.

La France et son jacobinisme (c'est à relativiser, le courant "girondin" reste aussi très fort dans les milieux libéraux au pouvoir) peut-elle se calquer à l'Espagne monarchique post-franco ? Bien sûr que non, à moins de vouloir créer une nouvelle guerre civile.

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