Tribune Libre
20/05/2015 22:55

Charlie Hebdo : le fardeau, l'épuisement

Le dessinateur Luz a annoncé dernièrement qu'il quitterait la rédaction de Charlie Hebdo en septembre prochain. De lui, Janette Bougrab, la compagne de Charb, déclarait le 15 mai dans le magazine Valeurs Actuelles, qu'il est un médiocre, un usurpateur, qui ne devrait la vie qu'à une gueule de bois. Elle ne lui a pas dit « bon courage et bon vent » alors qu'ils ont en commun les mêmes fantômes, particulièrement celui de Charb.



Naturellement, il serait indécent de chercher à pénétrer dans l'intimité de ces deux êtres. Leur souffrance ravive cependant la crainte qu'éprouvent tous ceux qui respectent la liberté d'expression de voir Charlie Hebdo, devenu symbole, s'éteindre.
Les terroristes ont fait des survivants de Charlie Hebdo des porte-flambeaux malgré eux. Ils sont devenus le gage de notre liberté de parler. Ils n'ont pas le droit au regret et pourtant les voilà prisonniers.
Comme si cela ne suffisait pas, ils ne sont pas libres de leurs allées et venues, ne circulent qu'accompagnés de policiers, ne fréquentent pas les lieux où leur sécurité ne pourrait pas être assurée. A perpétuité, alors qu'une fatwa ne devrait concerner que des musulmans.
A cela s'ajoute le regard suspicieux de ceux qui font le compte des recettes du journal. Les journalistes doivent, en plus, rendre des comptes et faire le partage de ce bien qu'ils ont si chèrement défendu pendant toutes ces années.
Combien de temps tiendront-ils avant d'être épuisés ? Janette dit qu'elle s'en sort en luttant plus âprement contre l'islamisme. Les dessinateurs de Charlie peuvent-ils dessiner plus âprement ? Non, ils doivent déjà lutter pour que leurs positions ne soient pas dévoyées, interprétées, récupérées. Ils n'auraient pas à le faire si Charlie Hebdo cessait de paraître. Ne pourrions-nous pas leur accorder le droit à l'oubli ?

 

Sylvie Delhaye S. D.



Lu 745 fois




Flashback :