Tribune Libre
04/11/2005 23:45

Chronique compassionnelle

A Dominique de Villepin, frère de Lettres

Faut-il rappeler qu'il s'agit d'une tribune libre qui n'engage que son auteur. La Direction Editoweb Magazine ne saurait être tenue pour responsable des propos qu'elle contient.



Qui suis-je pour m'adresser à toi, Premier ministre de la République, de notre République.
Mais tu n'es pas que cela et, aussi obscur auteur et littérateur que je sois, ta stature de poète, ton panache et ta culture me donnent le droit de m'adresser à toi.
Je ne vais tout de même pas les laisser faire et, quoique mon intention soit de voter et faire voter Laurent Fabius, je me sens l'obligation confraternelle de défendre cette image intellectuelle que tu donnes au monde d'une France qui accepte d'être gouvernée par des poètes. Ho ! Ils ne sont pas si nombreux, mais il y a au moins toi. Voilà, en effet, des mécréants qui voudraient te précipiter dans une fâcheuse affaire entre « vilains ». J'y reviendrai.

Un homme de lettres, surtout lorsqu'il est de sang bleu, on peut lui parler librement. Il sait, lui, que la plume, ça glisse, que la tentation pamphlétaire est bien française, quoiqu'elle soit vraisemblablement d'origine royaliste. Les rois n'avaient ils pas leur fou ?

Ces temps sont bien révolus et nous voilà, depuis, républicains par la félonie de ce bon duc d'Orléans qui vota la mise à mort de son maître. Passons, toi et moi, et beaucoup d'autres, savons ce qu'il advint de notre France : jacobine elle devint, jacobine elle resta. Notamment grâce à l'intervention in extremis d'un général né du bon coté de la Méditerranée.
Il ne serait pas bienséant que, dans cette chronique, je rappelle que sa majesté, empereur des Français aurait pu naître dans une Corse sous domination arabe ou ottomane, auquel cas les jacobins ne s'en seraient pas tirés si bien. Enfin peut-être.
Le ci-devant verrouilla donc notre pays dans des lois, institutions et règlementations que, tout naturellement, il emprunta à l'empire romain. Diantre, dirait le profane, pourquoi ne s'est il pas inspiré des us et coutumes de l'empire britannique ? La réponse est aisée et tu la connais, mon cher Dominique, le patrimoine culturel, les repères de Napoléon sont romains et il les appliqua, allant même jusqu'à vouloir les étendre à toute l'Europe, installant ici et là ses cousins, fils, oncles etc. Nous, Méditerranéens, aimons partager, protéger les nôtres et, il est vrai, allons parfois un peu trop loin dans ce sens. Mais la froidure de l'hiver russe eut raison de lui et il s'en retourna vers sa Joséphine notre douce impératrice créole.

Son descendant, Napoléon III, préféra quant à lui conquérir le sud de la Méditerranée et c'est pourquoi, ô ! mon maître, j'ai aujourd'hui l'honneur de m'adresser à toi dans ce français quelque peu emprunté et emphatique, je l'avoue.

Quoiqu'il en soit, Monseigneur, l'humble fou du roi que je suis, tu l'auras compris, se met à ton service pour te dire ce que d'autres n'oseront certes pas. Je le souhaite pour eux car, et, c'est bien naturel, je ne tolèrerais pas qu'après m'avoir lu certains enarchiques de ta pléthorique cour dénommée cabinet se précipitent à m'imiter.
Voici, donc, mon premier conseil : il concerne un homme de courte taille, endeuillé par le départ de sa belle. Il montre pourtant, dans son quotidien, tant de force, tant de bravoure et, parce que je doute de l'authenticité de la noblesse de son ascendance, je dois te recommander la plus grande mansuétude envers cet homme. Je reviendrai souvent dans cette chronique, sur la nécessité de gouverner avec compassion. Mais l'urgence, c'est notre digne Fouchet des temps modernes qui, emporté par son chagrin, a besoin de ta clémence. Il y a bien une idée, une solution. N'y a-t-il personne, dans ton entourage, qui pourrait négocier le retour de Cécilia? La rupture est-elle vraiment définitive ? C'est le grand problème de cette république si peu compatissante, si peu gaullienne.

Les gosses, ceux des quartiers, ils n'ont rien perdu car, pour cela, il eut fallu qu'ils aient eu quelque chose.
Mais, puisqu'on me presse d'en parler, voici ce que je puis en dire. Deux enfants couraient dans la nuit. Des policiers les ont poursuivi et, en cela, ils faisaient leur devoir. Le problème, mon Prince, est que ces enfants ne sont pas allés se cacher dans un lieu de culte, auprès de leur famille, d'un grand frère « institutionnalisé » mais bien dans un transformateur de l'EDF en cours de privatisation.

La meilleure conclusion serait que ton peuple a les gouvernants qu'il mérite et vice versa. Et, puisque c'est le plus urgent, ne cède surtout pas aux pressions de ceux qui voudraient que ton ministre démissionne. Fais plutôt revenir Cécilia.


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Suite la semaine prochaine.

Batard de Garde



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