France
04/04/2018 21:09

Echarpe

Brasserie sur esplanade à Bègles. Terrasse en plein vent. J'ai une écharpe autour du cou, elle est faite de bandes de laine: du bleu, du rouge, du jaune, de l'ocre. J'écris, je lis, il fait un peu froid. Pas normal au printemps. Et cette grand gigue qui me sourit, tend les mains, se saisit de l'écharpe.




Elle aurait pu s'asseoir, me parler d'elle, de moi, me raconter un truc, peu importe quoi. Mais, elle tenait pas en place, lançait des regards perfides à l'intérieur de la brasserie, attendait quelque chose, quelqu'un. "Il va venir", je lui affirme. Elle réplique "je n'attends personne, sinon le temps". Je souris, "c'est si dérisoire, le temps".

"Ça sent bon", qu'elle dit avant d'enfouir le visage dans l'écharpe. Et voilà qu'elle pleure, se mouche, affirme "vous ne pouvez pas la garder: vous me la donnez, ma morve est contagieuse et votre temps de mourir n'est pas venu." "Contagieuse de quoi", je demande.

Les yeux de la grande gigue flamboient; du bleu, ils passent au rouge, puis au jaune et enfin à l'ocre. L'écharpe s'envole au vent. L'espace d'un instant, elle flotte. La grande gigue court, essaie de la rattraper et voilà que l'une et l'autre s'effacent.

Ouf, je respire. Plus rien ne m'enserre le cou. J'étais peut-être en train de crever.

Henri Vario-Nouioua



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