Europe
24/10/2008 17:59

La justice turque vise l'antisécularisme d'Erdogan

Istanbul- Le Premier ministre turc Tayyip Erdogan a été impliqué dans des activités anti-laïques, a déclaré la Cour constitutionnelle d'Ankara pour motiver sa décision d'infliger en juillet une amende à l'AKP au pouvoir.



La plus haute instance judiciaire du pays nomme également l'ancien président du parlement Bulent Arinc et le ministre de l'Education, Huseyin Celik, dans les attendus de son arrêt par lequel elle avait décidé de ne pas interdire l'AKP mais de lui infliger une amende pour entrave aux principes laïcs du pays.

Cette décision accentue la pression sur Erdogan en faveur du limogeage de plusieurs ministres dans le cadre d'un remaniement attendu.

"Nous avons établi que le chef du parti Recep Tayyip Erdogan, que le membre du parti et ancien président du parlement Bulent Arinc, le ministre de l'Education Huseyin Celik (...) ont été impliqués dans des activités intensives et déterminées contraires à l'article 68 de la constitution", dit le tribunal.

La Cour constitutionnelle se réfère à l'amendement levant l'interdit frappant le port du voile islamique dans les universités - décision qu'elle avait invalidée au mois de juin.

Elle mentionne aussi des propos passés d'Erdogan, qui avait déclaré que "la religion est le ciment de la société turque" ou, dans une interview à un journal malaisien, décrit la Turquie comme un "Etat islamique moderne".

"Erdogan a clairement montré que ses opinions sur la liberté de croyance visaient à créer une liberté sans limites pour l'islam politique", estime la Cour constitutionnelle.

La publication de ces attendus, étonnamment durs contre Erdogan, qui reste le responsable politique le plus populaire du pays, devrait raviver les tensions en Turquie.

Le Premier ministre a laissé entendre jeudi qu'il pourrait chercher à réduire les pouvoirs de la Cour constitutionnelle.

"Je dois dire clairement que la Cour constitutionnelle n'est pas au-dessus de la constitution, et que selon notre constitution, les libertés et les droits fondamentaux sont déterminés par les lois, non par leur interprétation", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.

Depuis son arrivée au pouvoir, en 2002, l'AKP, dont les racines plongent dans l'islam politique, est engagé dans un bras de fer avec les piliers de la laïcité turque, dont l'armée et la magistrature.

Dans ses 370 pages d'attendus, la Cour constitutionnelle juge que l'AKP s'est servi des sensibilités religieuses comme d'un instrument au service d'"intérêts purement politiques" qui bloque le débat sur les problèmes socio-économiques.

Le tribunal n'avait toutefois pas suivi en juillet l'avis du parquet, qui réclamait la dissolution de l'AKP et l'interdiction à tous ses membres dont Erdogan d'exercer des activités politiques pendant cinq ans.

Il explique qu'il a voté contre parce que l'AKP n'a pas été coupable d'incitation à la violence et qu'il a engagé des réformes en faveur des minorités ou des femmes notamment, dans le cadre du processus de rapprochement avec l'UE.

Youssouf Kanli, éditorialiste de renom, juge toutefois, à la lecture de ces attendus, que l'AKP a échappé de justesse à des sanctions plus lourdes. "La Cour dit au parti qu'il doit se contrôler et rester à l'écart de politiques provocatrices comme le foulard", dit-il. "Il dit aussi au parti que la Cour pourrait être obligée de l'interdire s'il poursuit sur cette lancée."

L'AKP, formé d'anciens militants islamistes, de conservateurs mais aussi de libéraux proches des milieux d'affaires, a remporté haut la main les dernières élections législatives en juillet 2007, qui avaient été convoquées en réponse à une campagne de manifestations du camp laïque.


Source: Yahoo News

Awa Diakhate



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