Europe
13/12/2008 14:12

Les immigrés en Russie, victimes expiatoires de la crise

Moscou-Drapeaux au vent, saluts fascistes, 300 manifestants d'extrême droite rassemblés au centre de Moscou ont réclamé une "Russie pour les Russes", vendredi 12 décembre, jour anniversaire de la Constitution.



"Le mot russe ne figure même pas dans le texte", a déploré un orateur, suscitant l'approbation bruyante des présents, âgés, pour la plupart, de 18 à 25 ans.

Encadrés par des centaines de policiers, les ultranationalistes ont fustigé l'ancien président Boris Eltsine, "démissionnaire pour aller cuver", et son successeur, Vladimir Poutine, "plus sobre mais qui viole la Constitution avec une matraque". La manifestation, autorisée par la municipalité, était organisée par le Mouvement pour la lutte contre l'immigration illégale (DPNI) et par l'Union slave (Slavianski Soiouz ou SS).

"Les Azerbaïdjanais, les Arméniens et les autres n'ont qu'à rentrer chez eux", criait une femme dans le public. Pour ces jeunes ultranationalistes, venus de la banlieue moscovite manifester au pied de la statue de l'écrivain orientaliste Alexandre Griboedov, le mal vient des travailleurs immigrés d'Asie centrale et du Caucase. Les musulmans du sud de la fédération - Tchétchènes, Ingouches, Daghestanais - sont eux aussi visés.

La crise économique et la montée du chômage en Russie ont fait ressurgir la haine envers les quelque 10 millions d'immigrés perçus comme des "occupants". Les assassinats racistes, en progression constante (114 en 2008 contre 74 en 2007), sont de plus en plus spectaculaires et sordides.

Le 6 décembre, la police a découvert dans un fossé de Jabkino, (à 20 km de Moscou), le corps décapité d'un homme, lardé de coups de couteau. Trois jours plus tard, deux ONG spécialisées dans le suivi des mouvements xénophobes (Sova et le Bureau moscovite des droits de l'homme) recevaient un courrier électronique avec une photo de la tête et des indications pour la retrouver.

L'assassinat y était revendiqué par une organisation inconnue jusqu'alors, "Les combattants du nationalisme russe", entrée "en lutte ouverte contre les occupants". "Le message menaçait du même sort tous ceux qui chercheraient à entraver cette lutte", a expliqué Galina Kojevnikova, la directrice de Sova. La police a retrouvé la tête dans une poubelle du quartier de Mojaïsk.

La victime est un immigré tadjik âgé de 20 ans, identifié sous son nom de famille seulement, Azizov. Arrivé en Russie il y a quelques mois, le jeune Tadjik travaillait comme colporteur sur un marché de gros. Dans la nuit du 5 au 6 décembre, alors qu'il rentrait chez lui avec un compatriote, ils ont été agressés. L'un a pu fuir, l'autre a été décapité.

En 2007, une vidéo montrant des néonazis russes décapitant un homme au couteau et en tuant un autre d'une balle dans la nuque avait largement circulé sur Internet. Perçue comme une mise en scène, la vidéo n'avait guère suscité de réactions, jusqu'à ce qu'une famille daghestanaise reconnaisse son fils sur la vidéo.

Après enquête, la police a confirmé, en 2008, que le jeune homme égorgé était bien Chamil Oudamanov, le fils disparu, mais s'est révélée incapable de mettre la main sur les assassins. La seule personne condamnée (à un an de prison) dans cette affaire est un étudiant de 20 ans, Viktor Milkov, responsable d'avoir diffusé la vidéo sur son blog.

Selon les défenseurs des droits de l'homme, le discours xénophobe n'est pas l'apanage de seuls groupuscules extrémistes. Il est présent parmi les organisations de jeunesse pro-Kremlin comme les Nachi (les jeunesses Poutiniennes) ou la Jeune Garde (l'organisation de jeunesse de Russie unie, le parti au pouvoir).

Le 8 décembre, la Jeune Garde a organisé des manifestations à Moscou et dans plusieurs villes de Russie, réclamant "le renvoi des travailleurs immigrés chez eux". Ce genre de slogan n'émeut personne ici, pas plus que le label Face Control affiché à la porte de certains clubs et boîtes de nuit.


Source: Yahoo News

Awa Diakhate



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