Europe
20/10/2008 14:03

Turquie: Le réseau Ergeneko en procés

Istanbul- Le procès d'Ergenekon, un groupe clandestin d'extrême droite accusé d'avoir cherché à renverser le gouvernement de Tayyip Erdogan, s'est ouvert lundi dans la prison de Silivri, près d'Istanbul.



Quatre-vingt-six prévenus, dont des officiers de l'armée à la retraite, le dirigeant d'un petit parti nationaliste et plusieurs journalistes, ont été inculpés dans le cadre de cette affaire qui a mis en relief la lutte de pouvoir que se livrent l'AKP, le parti islamiste modéré au pouvoir, et l'élite laïque.

Le procès, qui devrait s'étendre sur plusieurs mois, a commencé dans la confusion, quand il a fallu faire entrer tous les prévenus et avocats dans la même salle d'audience.

Devant le tribunal, plusieurs centaines de manifestants brandissant le drapeau turc se sont rassemblés au cri de: "Les traîtres sont au parlement, les patriotes sont en prison."

Les protestataires portaient les portraits de deux anciens généraux à la retraite qui sont visés dans cette affaire mais comparaîtront ultérieurement.

L'enquête, déclenchée il y a quinze mois après la découverte d'explosifs dans une maison d'Istanbul, a placé certaines franges de l'armée dans le collimateur même si l'état-major, qui a chassé du pouvoir quatre gouvernements élus au cours des 50 dernières années, dément toute implication.

Les prévenus sont accusés d'avoir préparé des assassinats et des attentats à la bombe afin de provoquer une intervention de l'armée et le renversement du gouvernement.

L'acte d'accusation de 2.500 pages comprend les charges d'insurrection armée, d'assistance à un groupe terroriste et de possession d'explosifs.

UNE "FARCE"

"C'est la première fois dans l'histoire du monde qu'on assiste à une telle farce", s'est emporté un des prévenus, le professeur Kemal Alamdaroglu. "Ce que j'ai fait en tant que recteur était en tous points conforme à la constitution et aux lois. Si je suis accusé, c'est pour cette raison."

Selon les médias, Ergenekon aurait envisagé d'assassiner Orhan Pamuk, lauréat du prix Nobel de littérature en 2006, parmi d'autres intellectuels et réformateurs considérés comme "anti-turcs". L'organisation avait engagé plusieurs opérations secrètes avec entre autres noms de code "Le Gant", "La Blonde", ou "Clair de lune".

Parmi les personnalités pointées du doigt par l'enquête figurent le chef d'un petit parti nationaliste, Doru Perincek, le rédacteur en chef du quotidien de gauche Cumhuriyet, Ilhan Selcuk, ou l'avocat nationaliste Kemal Kerincsiz.

Les tribunaux sont aujourd'hui devenus le théâtre du bras de fer entre l'AKP, qui trouve ses racines dans l'islam politique, et l'élite laïque héritière de la République fondée par Mustafa Kemal en 1923.

La plupart des prévenus sont membres de l'Association de pensée kémaliste, qui avait organisé l'an dernier de grandes manifestations contre l'élection à la présidence d'Abdullah Gül, dirigeant de l'AKP et ancien ministre des Affaires étrangères.

Le gouvernement devra s'efforcer de démontrer que ce procès n'est pas le résultat d'une chasse aux sorcières, à l'attention de ses détracteurs qui le soupçonnent de vouloir imposer des réformes islamistes.

Pour ces opposants, Tayyip Erdogan se vengerait d'une autre affaire judiciaire qui a failli aboutir cette année à la dissolution de l'AKP pour activités anti-laïques.

Les libéraux turcs espèrent surtout que le procès permettra de mettre au jour l'existence d'un "Etat de l'ombre" verrouillé par les nationalistes radicaux au sein des forces de sécurité et de la bureaucratie d'Etat.

Une rupture avec ce réseau permettrait selon eux à la Turquie d'accélérer ses réformes démocratiques et de rejoindre l'UE, une adhésion contre laquelle résistent les nationalistes au sein de l'appareil d'Etat.

"Nous avons des doutes sur le caractère équitable de la procédure, nous sommes convaincus que ceux qui se cachent derrière ces crimes n'ont pas été traduits en justice", a toutefois estimé Filiz Kilicgun, un avocat qui assiste au procès en tant qu'observateur.


Source: Yahoo News

Awa Diakhate



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