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35e congrès : un congrès curieusement intéressant

Nicolas Maury

Par Caroline ANDREANI membre du CN du PCF

En avril dernier, lorsque la direction nationale a imposé le lancement d’un « congrès d’étape » à marche forcée, j’étais de celles et ceux qui pensaient que ce congrès arrivait trop vite après les élections régionales et qu’il ne permettrait pas aux communistes de réfléchir et de débattre comme il l’aurait fallu. Un appel signé par sept secrétaires fédéraux en demandait le report, demande qui est restée lettre morte.

Curieusement, ce 35e congrès a été très intéressant. Par bien des aspects, les débats ont échappé à la direction nationale, qui a été clairement mise en cause sur la stratégie du Front de gauche.

Évidemment, tout était réglé d’avance, l’adoption d’un texte d’orientation et de « transformation », tout comme l’élection de Pierre Laurent comme secrétaire national en remplacement de Marie-George Buffet.

Mais soit que les délégations aient été moins filtrées que dans un congrès normal, soit que le mécontentement dans les fédérations soit arrivé à un niveau où même les secrétaires fédéraux ne sont plus capables de l’étouffer, on a entendu dans ce congrès des critiques et des mises en cause radicales des orientations de la direction nationale.

Première critique, la mise en cause de la stratégie du Front de gauche. Elle est venue de plusieurs fédérations, de manière récurrente, tout au long du congrès.

D’abord, plusieurs fédérations ont pointé la perte d’élus communistes au profit de membres du Parti de gauche ou de la Gauche unitaire, non représentatifs, parfois même totalement inconnus dans la région où ils ont été élus. Ces candidatures ont été imposées aux communistes dans le cadre de négociations régionales ou nationales. Certaines fédérations ont ainsi perdu le seul élu régional qu’elles avaient, au profit des partenaires du Front de gauche, avec les conséquences politiques et les conséquences financières que l’on devine.

Deuxième critique très souvent formulée, le risque que le Front de gauche se transforme en un nouveau parti politique. Pierre Laurent a eu beau monter au créneau, la déclaration de Marie-George Buffet à l’issue de la réunion du 9 juin avec le PG et la GU a dessillé de nombreux camarades. Les critiques se sont faites tellement fortes que la direction a pris l’engagement de refuser les adhésions directes au Front de gauche, et la constitution de la fameuse association des Partisans du Front de Gauche. Respectera-t-elle ses engagements, c’est une autre histoire... Le tour de passe-passe de Pierre Laurent lors de la discussion sur la résolution, expliquant qu’il n’y a avait pas besoin d’écrire que le Pcf refusait les adhésions directes au Front de Gauche puisque tout le monde en était d’accord, n’est pas pour rassurer sur ses intentions.

Enfin, l’attitude de Jean-Luc Mélenchon a été régulièrement mise en cause : dans leur grande majorité, les communistes refusent de faire la campagne présidentielle d’un candidat auto-proclamé. L’idée avancée par la direction nationale d’une candidature du Front de gauche qui ne soit pas forcément communiste n’est pas passée. La fédération du Nord a proposé un amendement sur l’élection présidentielle qui prenne acte de la volonté des communistes de désigner un candidat issu de leurs rangs le plus tôt possible. Pierre Laurent est intervenu pour empêcher que cet amendement soit retenu.

Plusieurs délégués, sous l’égide de Daniel Cirera, ont déposé une contribution alternative qui demandait une analyse critique des résultats du Front de gauche et une discussion approfondie sur la stratégie. Elle a recueilli plus d’une centaine de voix.

Jacky Hénin a présenté sa candidature comme secrétaire national afin de lancer un débat dans le congrès. Sa candidature a suscité des discussions parfois houleuses dans la commission des candidatures, qui ne l’a pas retenue. Moyennant quoi, malgré une approche politique différente manifeste entre Jacky Hénin et Pierre Laurent, aucun débat de fonds n’a pu avoir lieu dans le congrès.

Le congrès a permis l’élection de Pierre Laurent, qui a obtenu 81% des suffrages, contre 19% de blancs et nuls, et une soixantaine de camarades qui n’ont pas pris part au vote. Ce n’est donc pas une victoire écrasante.

L’ampleur de la mise en cause de la stratégie du Front de Gauche, souvent comparée à celle des collectifs anti-libéraux, est très symptomatique d’un manque de crédibilité de la direction nationale. Ce manque de crédibilité est pour le moment estompé par l’élection d’un nouveau secrétaire national. Gageons que si Pierre Laurent continue sur les brisées de Marie-George Buffet, s’il n’entame pas un virage dans les orientations politiques et la stratégie qui prenne en compte les aspirations profondes des communistes, cela se terminera comme en 2007, par du découragement et de nouveaux départs


Commentaires (1)
1. TomF le 23/06/2010 12:40
Une analyse pertinente qui rend bien compte de l'ambiance du congrès. Mais il me semble qu'on pourrait pousser encore plus loin. Certes l'intention de faire de Mélenchon le candidat du FdG à la présidentielle (avec une campagne financée par le PCF bien sur) est manifeste de la part de certains dirigeants.

Mais on aurait pas une vue complète de la stratégie qui se met en place sans prendre en compte les fameux 200 départs. Certains ont remarqué comment des "camarades" qui avaient rendus leur carte étaient plus écoutés que des camarades qui s'étaient rendus au congrès. Soit mais plus encore, il ne faut pas négliger le fait qu'on retrouve ces éternels mécontents qui ont divisé le parti pendant des années dans d'autres composantes du Front de Gauche.

Maintenant comment appelle-t-on cette stratégie qui consiste à séparer ses troupes en deux groupes, l'un affrontant l'ennemi en face-à-face et l'autre l'attendant en embuscade? Ce n'est pas à une vague de mécontentement que nous avons à faire avec ces départs mais à une stratégie d'encerclement. Et je vous parie qu'une fois passées les élections présidentielles on commencera à entendre dire que "il est impossible de travailler avec les communistes" "ce sont des staliniens arriérés" et notre parti se retrouvera au mieux abandonné par ses "partenaires" du Front de Gauche au pire saigné à mort par la perfusion permanente en faveur du Parti de Gauche.

Certes je dresse là un tableau bien sombre mais il faut être réaliste sur notre avenir. Ceux qui disent que nous sommes déjà morts sont les mêmes qui veulent nous assassiner. Et permettre par la même à leurs alliés de se nourrir sur notre cadavre. A l'heure d'aujourd'hui je ne sais pas quelles solutions apporter pour "faire vivre le PCF" mais je sais que c'est devenu une urgence. Je sais aussi que la jeunesse, celle de notre parti mais aussi toute la jeunesse du pays est en attente d'un parti qui puisse être vraiment force de changement. Un parti révolutionnaire, des travailleurs et démocratique.

Regardons le PCF avec réalisme et constatons qu'il est loin de l'être mais regardons tous les autres et constatons que le PCF est le seul qui soit potentiellement capable de réunir ces qualités. Regardons aussi tous ces militants qui dans les sections et les cellules continuent de se battre et pour qui les affaires de places sont secondaires et constatons que c'est là que se trouve la force sur laquelle appuyer toute lutte révolutionnaire.

Thomas FEVRE, délégué de la Loire au 35ème Congrès du PCF
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