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75 ans après la libération d'Auschwitz : "Nous étions là, à regarder les larmes couler sur leurs joues"

Perspective communiste

Le témoignage du général-lieutenant de l'Armée rouge Varuli Yakovlevitch Petrenko, un des premiers à pénétrer le 27 janvier 1945 dans les camps

«J'aurais cru vraiment qu'à notre arrivée à Auschwitz, nous serions accueillis avec enthousiasme, que les déportés se jetteraient dans nos bras en criant leur joie d'être enfin libres. Mais ça ne s'est pas du tout passé ainsi. Au contraire, je n'ai vu que des gens effarouchés, certains vêtus de loques, d'autres en uniformes rayés. Ils étaient hébétés et ne participaient à rien. La plupart étaient tellement maigres, affaiblis, des squelettes qui ne pouvaient pas bouger. Ils n'arrivaient même pas à sourire, j'ai envie de dire "de façon presque humaine". Et nous étions là, comme des ballots, à regarder les larmes couler sur leurs joues comme des ruisseaux. Ce qui m'a le plus frappé, c'était les enfants. Il y en avait entre 180 et 200 de tous les âges entre 5 et 15 ans. C'était atroce à voir.

75 ans après la libération d'Auschwitz :
La plupart étaient couchés, immobiles. Et je me suis demandé contre quels monstres nous étions en guerre, qui pouvaient être ces soldats de la grande puissance allemande qui avaient osé faire la guerre à des enfants. Puis on a voulu très vite tout nous montrer, pour que l'on comprenne bien où nous étions, l'importance que cela avait. On nous a menés vers les fours crématoires à Birkenau. On m'a montré les fosses communes encore remplies de cadavres. Ils n'étaient même pas entièrement recouverts de terre. Par endroits, sortait une jambe, un bras. Les déportés m'ont fait visiter la dernière chambre à gaz. J'ai vu les bidons de zyklon B avec lequel on exterminait les gens. J'ai vu aussi quelque chose d'insoutenable : le dépôt contenant tous les vêtements d'enfants assassinés. Les Allemands ont toujours été très maniaques de l'ordre. Tout était soigneusement rangé et numéroté sur les étagères ; même les petites chaussures étaient alignées par paires, en ordre de tailles.

Mais ce qui m'a le plus traumatisé, c'est le hangar où étaient entreposés les cheveux des femmes. D'énormes ballots remplis de plusieurs tonnes de cheveux, toutes couleurs mélangées, certains encore nattés, ou noués en chignon, dont on imaginait de quelle façon brutale ils avaient été rasés avant que leurs propriétaires ne disparaissent dans la chambre à gaz. Ils avaient quelque chose de vivant. Ils témoignaient du passage sur terre d'une jeune femme, d'une adolescente ou d'une mère de famille. »

L'Humanité


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