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80 000 manifestants pour l'école

Nicolas Maury

Valérie Pecresse, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, s’est moqué de la manifestation nationale des enseignants, dimanche, trouvant qu’elle était “en complet décalage avec la situation réelle de l’éducation nationale qui est aujourd’hui la priorité des priorités du gouvernement”

80 000 manifestants pour l'école
C’est fou, soit dit en passant, ce que ce gouvernement collectionne de “ priorités des priorités ”. On avait cru comprendre ces derniers temps que c’était le sauve­tage des banques et du capitalisme, au coût faramineux que l’on sait. Ne nous avait-on pas assuré toutefois que la prio­rité des priorités, c’était le pouvoir d’achat, ou bien parfois le logement et les sans-logis ou bien encore les ban­lieues ou la sécurité ou le réchauffement climatique ou les taxes pique-nique, la lutte contre la maladie d’Alzheimer ? On en oublie… La priorité, semble-t-il, en fait, c’est de dire n’importe quoi pourvu de le faire avec conviction. Pour Pécresse, c’est donc l’éducation et donc les 80 000 manifestants étaient décalés.

C’est bizarre, tout de même, comme les gens peuvent se tromper. Voilà des mil­liers d’enseignants qui, par expérience tout de même, devraient savoir à peu près ce qui se passe dans leurs établisse­ments. Voilà 47 de leurs organisations qui appellent à une manifestation natio­nale, organisent des transports depuis la province, débattent depuis des jours de la situation qui est faite à l’école, et on ne saurait au fond quelle mouche les a piqués.

Quelle arrogance tout de même chez ce pouvoir ! Quel mépris de la démocratie, pour refuser d’entendre et pour asséner ainsi de telles contrevérités sur “ la situa­tion réelle de l’éducation nationale ” ! La réalité, c’est 13 500 suppressions de postes en 2009, 35 000 en moins dans les collèges et lycées depuis 2007. 6 000 suppressions à venir dans le primaire. Des programmes rabougris. Une sup­pression en cours de la carte scolaire qui aboutit dans les faits à ce que les familles les plus modestes retrouvent leurs enfants dans les établissements les plus démunis et les plus difficiles. L’inverse de l’objectif proclamé – favoriser la mixité sociale – mais qui n’était rien d’autre qu’un mensonge. Car, ce qui est en train, c’est une refonte complète de l’éducation nationale avec un savoir minimum, de base, pour le tout venant, et des enseignements élitaires pour les autres, c’est une sélection par le milieu social, c’est une autonomie amenant les établissements à entrer en concurrence comme c’est déjà le cas pour plusieurs universités incitées à une gestion entre­preneriale.

Même programme pour la recherche, évoquée par Pécresse. Gestion des res­sources humaines personnalisée, création d’une filière d’excellence pour 130 maîtres de conférence avec des primes, mise en question du rôle du CNRS dont les personnels précisément se rassem­blent pour dire leur rejet de ces projets… Et là encore, la ministre les traite de “ décalés ”.

“ La recherche, l’innovation, la forma­tion, ce sont les emplois de demain donc une arme anticrise ”, affirme la ministre. C’est juste. Du moins ça devrait l’être, mais, ce qui se profile, c’est le démantè­lement de la recherche publique au pro­fit de créneaux porteurs, c’est une recherche d’excellence dans certains secteurs choisis pour leurs promesses de rentabilité. Ce n’est pas une arme anti­crise, c’est la poursuite et l’aggravation des politiques tournées vers le profit qui ont conduit à la crise. Les armes anti­crise, ce sont les salariés, les enseignants, les chercheurs qui les détiennent en défendant le service public, en voulant qu’il joue pleinement son rôle au service de la connaissance, du progrès et du pro­grès social.

Et là, la ministre est recalée


Commentaires (2)
1. Tourtaux Jacques le 20/10/2008 17:59
Bien sûr que Pécresse n'a pas raison et après une telle démonstration de force, elle est quand même culottée d'ironiser ainsi.

Toutefois, une chose importante me chiffonne ! Comment une si puissante journée de manifestation va-t-elle se concrétiser ? Va-t-on encore voir des journées de luttes de diverses corporations à la queue leu leu. ? Va-t-on encore permettre au tandem Sarko-MEDEF de rigoler et de nous planter à sa guise ?

Un tous ensemble et en même temps n'est-il pas à envisager très très vite ? Les copains de la filière automobile ont pourtant clairement montré le chemin, celui de la lutte de classes car, il n'y a pas d'autre chemin que celui du combat de classe, l'honneur des travailleurs.

Jacques Tourtaux





















































































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