90 ans des Jeunesses Communistes - l'anniversaire de la plus ancienne organisation communiste en France (partie 5)
Nicolas Maury
Le temps de l’Union de la jeunesse républicaine de France (1945-1956)
De cette période héroïque de la Résistance, la J.C. sort affaiblie car elle a perdu nombre de cadres au combat mais son écho est allé croissant et elle compte en 1944 92 000 membres, le chiffre le plus important jusqu’alors. Pour amplifier encore cette dynamique et construire un grand mouvement de rassemblement des forces juvéniles de la Résistance, la J.C. décide de se fondre dans une nouvelle grande organisation de jeunesse visant au rassemblement le plus large : l’Union de la jeunesse républicaine de France. Assez vite, elle compte 250 000 membres, ce qui fait d’elle la plus grande organisation de jeunesse de l’histoire de France.
Renouant avec les logiques du Front populaire, l’U.J.R.F., sans en rabattre sur les exigences de lutte, se fait pleinement mouvement d’éducation populaire et de distraction : championnats de football, balades en mer, sorties au théâtre…
Renouant avec les logiques du Front populaire, l’U.J.R.F., sans en rabattre sur les exigences de lutte, se fait pleinement mouvement d’éducation populaire et de distraction : championnats de football, balades en mer, sorties au théâtre…
Au-delà de ces revendications, l’U.J.R.F. est amenée à réagir aux changements brutaux d’un monde qui bouge beaucoup. Face au peuple vietnamien bien décidé à ne plus tolérer ses chaînes, le gouvernement français choisit l’affrontement : c’est la guerre d’Indochine. L’U.J.R.F. se mobilise, non sans danger puisqu’il s’agit de braver les autorités militaires françaises : L’Avant-Garde, les tracts, les affiches, les papillons distribués dans les rues et dans les casernes jouent à nouveau un grand rôle.
Les actes les plus audacieux côtoient les plus simples (mais pas forcément les moins efficaces) : la jeune Raymonde Dien s’allonge sur les rails pour empêcher les trains de partir pour l’Indochine ; Henri Martin, jeune ancien résistant et militant de l’U.J.R.F., distribue des tracts. Ce geste (presque) anodin ne l’empêche pas d’être arrêté au printemps 1950. S’ensuivra une des plus intenses campagnes du XXe siècle, c’est l’Affaire Henri Martin. Accusé de choses plus grotesques les unes que les autres par le pouvoir en place (sabotage d’un navire de guerre avec une poignée de clous…), Henri Martin subit en réalité un procès politique des plus caricaturaux. Il est condamné et emprisonné sans preuve (et pour cause, il est innocent !). Le Mouvement communiste s’empare de l’affaire et L’Humanité comme L’Avant-Garde multiplient les articles et les unes. Vite, le mouvement quitte la sphère proprement communiste et gagne, notamment, tout le monde intellectuel, communiste ou non : Jean-Paul Sartre écrit un retentissant ouvrage sur l’Affaire Henri Martin, Jacques Prévert écrit un poème, Paul Eluard fait de même, Pablo Picasso, Fernand Léger, Jean Lurçat, André Fougeron immortalisent à leur tour la figure d’Henri Martin… Une pièce de théâtre est montée par la troupe de l’U.J.R.F. (Drame à Toulon) ; elle tourne pendant deux ans (de 1951 à 1953, quand Henri Martin est en prison) et est vue par plus de 200 000 spectateurs.
Cette période de l’après-guerre est également marquée par la création de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique en octobre 1945 pour rassembler toutes les organisations de jeunesse progressistes du monde. Dirigée par des Français (membres de l’U.J.R.F.), Guy de Boysson (1945-1950) puis Jacques Denis après 1950, la F.M.J.D. mène de nombreuses initiatives importantes parmi lesquelles, tous les ans, l’organisation de la journée internationale contre le colonialisme. Sa principale activité, toutefois, demeure le Festival mondial de la jeunesse et des étudiants. Sa première édition, en 1947, à Prague réunit des dizaines de milliers de participants de par le monde, dont 4 000 jeunes Français (principalement de l’U.J.R.F. mais aussi de la C.G.T. ou de la Ligue de l’enseignement). L’organisation de jeunesse française s’illustre le plus souvent par la richesse de sa délégation culturelle : foulards dessinés par Picasso, etc. Les festivals mondiaux sont des événements de très grand retentissement. Le plus grand de ceux-ci fut celui de Berlin, organisé en 1951, rassemblant plus d’un million de jeunes du monde entier. C’est encore à ce jour le plus grand rassemblement de jeunes jamais tenu.
Cette histoire de combats qui est celle de l’U.J.R.F. fut aussi celle d’un rapide étiolement du fait d’une contradiction liée à la guerre froide. Organisation de rassemblement, elle est prise à revers par la guerre froide qui n’est pas une époque où les rassemblements se font aisément… Assez vite, ses effectifs s’effondrent pour se stabiliser autour de 30 000.
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