Perspective Com
A Bahreïn, la rébellion est violemment matée

Nicolas Maury

On dénombre au moins six morts à Manama. La place de la Perle, lieu de contestation de la monarchie absolue, a été vidée manu militari avec l’aval des pays voisins

La rébellion bahreïnienne a connu, hier, un tragique tournant. Le mouvement en faveur de réformes institutionnelles dans cette pétro-monarchie a été brutalement réprimé. Ainsi, la place de la Perle, épicentre de la révolte, a été « nettoyée », manu militari, par les forces de répression. Des hélicoptères ont été appelés en renfort pour déloger des manifestants excédés par l’absolutisme de la dynastie royale des Al Khalifa. Au moins six personnes auraient été tuées, dont trois policiers, a indiqué une source médicale. C’est le black-out sur Manama. Les principaux axes reliant l’aéroport à la capitale ont été cernés par des patrouilles ainsi que l’accès à l’hôpital de Salmania où des manifestants étaient soignés. La police aurait même forcé l’établissement pour « cueillir » blessés et personnel soignant, non sans avoir auparavant dispersé un sit-in de solidarité qui avait lieu devant l’enceinte. Les Bahreïniens ont été sommés de rester chez eux, un gradé de l’armée rappelant que toute manifestation publique était interdite en raison de la loi martiale, et d’un couvre-feu. « C’est une guerre d’anéantissement », a déclaré à Reuters Abdel Djalil Khalil, responsable du bloc parlementaire chiite, Wefaq.

Cette chasse aux contestataires n’a pas manqué de soulever une vague de protestation régionale, de la part des chiites d’Iran, d’Irak, du Liban ou encore du Koweït. Même en Arabie saoudite, alors que le régime semi-féodal wahhabite cherche à étouffer par tous les moyens une contestation naissante, des centaines de chiites ont manifesté près d’Al-Qatif en soutien aux Bahreïniens. Le Conseil de coopération des États arabes du golfe persique (CCEAG), qui a délibérément militarisé le conflit en déployant au Bahreïn un millier de soldats, porte une grande part de responsabilité dans la répression à l’œuvre. S’il est encore tôt pour parler de crise régionale aux accents confessionnels, les incohérences politiques, elles, méritent d’être relevées. Comment la Ligue arabe, dont font partie ces monarchies de droit divin, peut-elle exiger la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne sur la Libye afin de défendre la population civile qui s’exprime contre une dictature, et laisser certains de ses membres tirer sur les siens ?

Cathy Ceïbe


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :