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Anahita Ratebzad, mère socialiste de la libération des femmes afghanes

Perspective communiste

Alors que tous les regards se tournent vers l'Afghanistan, une fois de plus victime de l'impérialisme occidental, et s'inquiètent du sombre futur des femmes, le journal communiste des Etats Unis, le People's world, revient sur la contribution immense de la militante communiste et féministe qu'était Anahita Ratebzad.

Retour sur son engagement en faveur du socialisme et de la libération des femmes jusqu'en 1992, date à laquelle les terroristes moudjahidines menés par Massoud et les talibans mettent un terme aux années de lumières en Afghanistan.

Traduction Nico Maury

Chaque journal et programme d'information télévisé en ce moment est rempli d'histoires sur l'avenir sombre qui plane sur les femmes et les filles afghanes alors que les talibans reprennent le contrôle de leur pays.

The Guardian a publié la semaine dernière un article portant sur une femme afghane anonyme où elle explique qu'elle cachait maintenant les deux diplômes universitaires qu'elle a obtenus, qu'elle se cachait sous une burqa pour couvrir chaque centimètre d'elle-même à l'approche des fondamentalistes talibans qui détestent les femmes.

Elle enseignait l'anglais. "A chaque fois que je me souviens que mes beaux élèves devraient abandonner leurs études et rester à la maison, mes larmes coulent…. En tant que femme, je me sens victime de la guerre politique que les hommes ont déclenchée".

Pour plus de la moitié de la population afghane, les femmes, toutes les réalisations qu'elles ont accomplies peuvent désormais leur être retirées. Et pour une grande majorité d'hommes, eux aussi perdront leurs droits démocratiques.

Nous ne devons pas oublier que les États-Unis ont joué un rôle perfide dans la détermination du sort de l'Afghanistan, en envoyant la CIA armer les moudjahidines contre-révolutionnaires pour renverser la révolution d'avril progressiste dans les années 1980. Parmi les assassins, ces escadrons de la mort, que la CIA a entraînés et équipés, se trouvait Oussama ben Laden, responsable des attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et le Pentagone.

C'est aussi un bon moment pour se souvenir d'Anahita Ratebzad, la mère de la libération des femmes afghanes, et une défenseuse de l'égalité des sexes pour laquelle elle s'est tant battue. Lorsque la révolution d'avril éclata en Afghanistan en 1978, Ratebzad était au centre de la bataille, une cheffe du Parti démocratique populaire d'Afghanistan (PDPA).

Elle a écrit une célèbre polémique parue dans l'édition du 28 mai 1978 du New Kabul Times : "Les privilèges que les femmes devraient avoir de droit sont l'égalité d'éducation, la sécurité d'emploi, les services de santé et le temps libre pour élever une génération en bonne santé et construire l'avenir du pays…. Éduquer et éclairer les femmes est désormais un sujet de grande attention de la part du gouvernement."

Lorsque la révolution d'avril a triomphé, le nouveau Premier ministre, Nour Mohammad Taraki, a nommé Ratebzad ministre des Affaires sociales.

Elle est née dans le village de Gildara, dans la province de Kaboul, le 1er novembre 1931. Son père a soutenu les réformes démocratiques et le régime monarchique réactionnaire l'a forcée à s'exiler en Iran. Sa famille vit dans la pauvreté, elle fréquente une école de langue française. Elle est forcée de se marier à 15 ans avec le Dr Keramuddin Kakar, l'un des rares Afghans formés à l'étranger, un chirurgien. Elle et son mari ont eu trois enfants, une fille et deux fils.

Anahita Ratebzad, mère socialiste de la libération des femmes afghanes
Ratebzad choisi la médecine comme carrière, obtenant un diplôme d'infirmière de l'Université du Michigan de 1950 à 1954. L'Université de Kaboul a finalement autorisé les femmes à entrer dans sa faculté de médecine, et Ratebzad y a obtenu un diplôme en 1962.

En 1957, le voile est devenu facultatif en Afghanistan et Ratebzad a dirigé un groupe d'infirmières non voilées traitant des patients masculins, une révolution à la fois dans les soins de santé et dans l'égalité des droits au travail pour les femmes.

Mais dans les années qui ont suivi, les fondamentalistes islamiques l'ont accusée de diffamation brutale pour cette initiative audacieuse. Son mari, qui soutenait le monarque afghan Zahir Khan, s'est séparé de Ratebzad. Ils sont restés séparés, bien qu'ils n'aient pas divorcé.

Toujours en 1957, Ratebzad dirige une délégation de femmes afghanes pour assister à la Conférence asiatique sur les femmes à Ceylan, au Sri Lanka, la première fois que des femmes afghanes assistaient à une telle conférence. En 1964, elle avait fondé l'Organisation démocratique des femmes afghanes, et le 8 mars 1965, Ratebzad et d'autres femmes afghanes ont organisé la première marche à travers Kaboul pour célébrer la Journée internationale de la femme.

Ratebzad était aussi une lectrice, une écrivaine et une penseuse. Au cours de son travail politique, elle devient marxiste-léniniste. Elle était l'une des quatre femmes élues au parlement afghan en 1965 représentant la province de Kaboul, le premier groupe de femmes législatrices de l'histoire du pays.

Anahita Ratebzad, mère socialiste de la libération des femmes afghanes
Plus tard, pendant les années de la révolution socialiste en Afghanistan, elle a occupé divers postes ministériels et a également été ambassadrice en Yougoslavie et en Bulgarie à plusieurs reprises. De 1980 à 1985, elle a été vice-présidente du Conseil révolutionnaire, l'équivalent du vice-président de l'Afghanistan. Aucune femme avant ou après n'a occupé un poste aussi élevé dans le pays.

En 1992, après la chute du gouvernement progressiste, elle a été forcée de fuir les terroristes moudjahidines qui l'ont attaquée à la fois pour sa politique socialiste et pour son rôle de leader dans la libération des femmes. Elle s'est d'abord retrouvé avec sa famille en Inde, puis à Sofia, en Bulgarie, en 1995. L'Allemagne lui a accordé l'asile un an plus tard et elle est décédé à l'âge de 82 ans dans la ville allemande de Dortmund en 2014.

Les politologues crachent un torrent d'invectives : "Qui a perdu l'Afghanistan ? Washington et les médias regorgent d'accusations. Mais la révolution d'avril en Afghanistan est à peine mentionnée. Et lorsqu'elle est mentionnée, le gouvernement qui l'a dirigé est rejeté comme une simple "marionnette soviétique". Anahita Ratebzad n'était la marionnette de personne. C'était une femme forte et indépendante, le visage d'un nouvel Afghanistan.

Tim Wheeler
People's world - journal communiste des EtatsUnis


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