Perspective Com
Au Cambodge, la révolte des ouvriers du textile s’étend pour réclamer de meilleurs salaires

Perspective communiste

Une femme a été tuée par balles mardi 12 novembre à Phnom Penh (Cambodge), en marge d'affrontements avec la police, à la suite d'une manifestation d'ouvriers du textile, qui réclamaient une revalorisation de leurs salaires et de meilleures conditions de travail

Huit manifestants ont également été blessés. Pour empêcher un millier d'ouvriers de la société singapourienne SL Garment Processing - qui travaille notamment pour Gap et H & M - de marcher en direction de la résidence du premier ministre Hun Sen, les policiers anti-émeute ont utilisé des balles réelles. Ils ont roué de coups les manifestants qui avaient incendié un véhicule de police et plusieurs motos. Une trentaine de personnes ont été arrêtées.

La police a fait usage de tirs à balles réelles, ainsi que de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes, ont dénoncé des défenseurs des droits de l'Homme.

« Les policiers ont tiré en face de la pagode et de l'école. En rafales. Mais la commerçante qu'ils ont tuée n'avait rien fait. Elle rangeait juste sa vaisselle en désordre », s'offusque cette femme, qui vit à deux pas de là. Un voisin renchérit : « On pensait qu'ils ne lançaient que des bombes lacrymogènes mais ils se sont aussi servis de vraies balles ! »

Deux moto-taxis, dont l'un dit avoir été frappé par les gendarmes alors qu'il ne faisait que déposer un client, explosent de colère. « Ils s'en sont même pris à ceux qui n'avaient rien à voir avec cette manif ! » Son collègue acquiesce. « Oui, ils ont même tabassé des bonzes ! Je les ai vus sortir un bonze d'une voiture et lui taper sur la tête. J'ai vu ça et ça m'a dépassé. Je me suis alors assis, consterné. »

Les causes des révoltes ouvrières : des conditions de travail inhumaines et des salaires de misère

Quelque 615 000 travailleurs - très majoritairement des femmes - sont employés dans cette filière, toujours selon l'OIT, qui rappelle que seul les secteurs du textile et de la fabrication des chaussures bénéficient, dans ce pays, d'un salaire minimum mensuel.

Celui-ci, très insuffisant pour pouvoir vivre décemment, a été récemment porté de 61 à 80 dollars (45,3 à 59,5 euros) par mois, à la suite de négociations annuelles tripartites entre les syndicats, les employeurs et les représentants de l'Etat. Les syndicats exigeaient 150 dollars pour permettre aux ouvriers de se loger, de se nourrir et de subvenir à l'éducation des enfants.

Au Cambodge, la révolte des ouvriers du textile s’étend pour réclamer de meilleurs salaires
En 2012, plus de 2 400 ouvrières se sont évanouies d'épuisement dans les usines textiles où elles travaillent jusqu'à quinze heures par jour et parfois sept jours sur sept. A ces cadences, s'ajoutent des conditions de travail parfois effrayantes, comme l'exposition à des produits chimiques très nocifs.

L'inspection du travail est quasiment inexistante. Dans une étude publiée en juillet, l'OIT soulignait une détérioration des conditions de travail des ouvriers cambodgiens depuis deux ans, après une amélioration tangible entre 2005 et 2011. L'organisation notait que le pays avait échoué à faire des progrès dans la sécurité, la prévention des incendies et le travail des enfants. Dans plus d'une dizaine d'usines, des doutes sérieux avaient été émis sur le recours à des très jeunes filles.

Les principaux donneurs d'ordre sont les mastodontes de la mode mondiale : Gap, Levi's, Zara et H & M. Ce géant suédois, « d'un cynisme désastreux », a, selon l'ONG Collectif Ethique sur l'étiquette (ESE), justifié ces multiples évanouissements d'ouvrières par « un phénomène d'hystérie de masse ».

Redoutant de faire fuir les investisseurs dans des pays dans lesquels la main-d'oeuvre est encore moins chère, notamment au Bangladesh ou en Birmanie, les pouvoirs publics cambodgiens font tout pour ne pas trop augmenter les salaires. C'est « l'une des excuses les plus avancées par les marques pour ne pas payer un salaire vital », le coût de la main-d'oeuvre ne représente que 1 à 3 % du prix de vente d'un vêtement.

La grogne sociale s'intensifie depuis des mois. Cet été, les 4 000 ouvriers de SL Garment Processing avaient déjà défilé pour marquer leur mécontentement après la visite d'un inspecteur flanqué de policiers armés. Une mesure que les syndicats jugeaient destinée à intimider les travailleurs.


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :