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Audition du PDG d’Air France : l'intervention de Patrice Carvalho (PCF)

Perspective communiste

Commission développement durable. Audition de Frédéric Gagey, PDG d’Air France, mercredi 4 novembre 2015. L'intervention du député du groupe GDR, Patrice Carvalho, député PCF de l'Oise

Air France en est à son quatrième plan de réduction d’emplois en quatre ans. Ce simple énoncé tend à montrer que la compagnie a un problème de stratégie et de dialogue social. Les incidents survenus en marge du CCE, le 5 octobre, n’ont pas surgi dans un ciel serein.

En septembre 2014, Air France a connu la plus longue grève de son histoire et un accord formel n’aura été conclu qu’en novembre.

Le conflit portait sur la revendication des pilotes d’obtenir un contrat de travail unique aux conditions d’Air France afin d’aller travailler pour la filiale à bas coût de la compagnie, Transavia.

Le 15 juin 2015, la direction annonce qu’elle engage « une procédure juridique en référé » contre le syndicat des pilotes de ligne, lui reprochant de ne pas avoir mis totalement en œuvre les engagements du plan Transform 2015. Ce plan d’économies, de trois ans, prévoyait 20% d’efforts de compétitivité pour toutes les catégories de personnel.

Les pilotes étaient, nous disait-on, loin du compte avec 67% de l’objectif, c’est-à-dire qu’ils avaient réalisé 130 millions € d’économies, sur les 200 millions € demandés. On leur opposait le résultat des personnels au sol (100%), des hôtesses et des stewards (96%).

Pour diviser le personnel, il est difficile de faire mieux.

30 septembre 2015, c’est la date butoir fixée par la direction pour obtenir un nouvel accord de productivité et lancer le plan Perform 2020, en réclamant un effort de 17%. Faute d’accord, la direction annonce, le 5 octobre, un « plan B », qui programme 2900 suppressions de postes et une réduction de 10% de l’activité long-courrier.

Cerise sur le gâteau, les pilotes apprendront dans la presse qu’on leur propose trois niveaux de rémunération selon les sacrifices consentis.

Lorsque nous nous repassons le film des événements sur un an, entre la grève de 2014, la saisine de la justice contre les pilotes et le « plan B », avez-vous vraiment le sentiment, monsieur le Président, d’avoir créé les conditions du dialogue social et de ne pas avoir préparer, à l’inverse, tout ce qu’il fallait pour aller à l’affrontement ?

Vous savez, j’ai connu cela dans ma circonscription avec Continental. Les salariés acceptaient les sacrifices en échange d’une garantie de l’emploi et de l’avenir de l’entreprise. Au final, il en fallait toujours plus, jusqu’à la fermeture de l’usine au prétexte que les salariés ne tenaient pas des objectifs inatteignables et pour lesquels les conditions avaient été créées de telle sorte qu’ils ne soient pas atteints.

Le transport aérien est soumis à une concurrence féroce. Ce n’est pas contestable.

On nous joue donc, là comme ailleurs, le refrain du coût du travail. Les pilotes, les salariés coûteraient trop cher ou ne travailleraient pas assez. Nous sommes dans l’air libéral du temps. C’est l’heure de la revanche du capital sur le travail.

Dans ce secteur, ou nous oppose donc la concurrence des compagnies low cost. Elles sont la rançon de la déréglementation promue dans les années 80 par les Etats-Unis, puis imitée en Europe. Les compagnies low cost ont bousculé les règles du jeu en jouant la carte du moins disant social. Mais – il faut le dire – avec la complicité des Etats.

Exemple : Ryanair perçoit plus de subventions qu’elle ne déclare de résultats en Europe. En 2011, elle a bénéficié de 795 millions € d’aides publiques, dont 60 millions en France, pour 503 millions de bénéfices.

Non moins déloyale est la concurrence des compagnies des Emirats, ultra-subventionnées par leurs Etats, ne payant pas ou peu des redevances aéroportuaires.

Les compagnies américaines évaluent à 40 milliards € ce soutien public.

A cela s’ajoutent les largesses dont bénéficient les Emirates, Qatar Airways et Etihad sous forme de droit de trafic à la faveur d’accords économiques avec les Etats du Golfe.

Exemple : en mai dernier, contre l’achat de 24 Rafale par le Qatar, ce dernier a reçu en contrepartie pour sa compagnie aérienne des créneaux de trafic supplémentaire à Nice et Lyon.

Elément accablant supplémentaire : l’augmentation des redevances aéroportuaires (l’inflation +1,25% en 2015), quand le gouvernement hollandais les a baissées de 7% à Amsterdam pour aider KLM en difficultés.

En résumé, il existe des responsabilités cumulées à la situation. Elles sont françaises, européennes. Elles relèvent aussi de la compagnie que vous présidez, des conditions du dialogue social ou plutôt de son absence, que vous avez créées pour imposer une austérité et des réductions de postes, qui ne feront pas une nouvelle dynamique et surement pas une stratégie d’avenir.


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