Perspective Com
Avec ou sans papier : les salariés sont solidaires !

Nicolas Maury

Les travailleurs immigrés dont il s’obs­tine à refuser la régularisation ne veulent plus raser les murs. Ils n’entendent pas être traités de clandestins alors qu’ils exercent honnêtement des métiers au service de la collectivité

Avec ou sans papier : les salariés sont solidaires !
Ils sont cuisi­niers dans des établissements de restau­ration rapide où d’autres salariés déjeu­nent sur le pouce pendant la pause de midi ou préparent des mets délicats des repas d’affaires avenue de la Grande Armée. Et peut être bien que dans le res­taurant du 10ème arrondissement qu’ils occupent pacifiquement, des fonction­naires du ministère de l’Intérieur ont déjà dégusté le cassoulet qu’ils leur avaient mitonné.

Ces hommes et ces femmes, pour la plu­part d’entre eux originaires de pays que la France a jadis colonisés, œuvrent à la propreté de nos rues, de nos aéroports, nettoient linges et costumes hâtivement déposés au comptoir du pressing. On n’en finirait pas de dresser la liste des entreprises de services dans lesquelles ces travailleurs “ sans papiers ” sont employés pour de maigres salaires – sort qu’ils partagent avec la majorité des salariés – et contraints au silence et à la docilité, à la merci d’une rafle à la sortie du métro, leur journée de travail termi­née.

Non, ils ne veulent plus baisser les yeux à l’approche d’un uniforme, estimant à bon droit qu’ils ne devraient pas vivre la peur au ventre. Et pourtant, ils sont la proie désignée du ministre de “ l’Iden­tité nationale ” dont la feuille de route fixée par le président de la République peut se résumer à peu de choses près au chiffre de 25 000 expulsions hors du territoire par an.

La tâche n’exige pas de compétences particulières, à part une bonne dose d’inhumanité, dira-t-on. Erreur : le ministre joue la compassion. Certes, un jeune homme s’est noyé pour échapper à une arrestation qui l’aurait conduit en centre de rétention, ultime étape avant le tarmac de l’aéroport. Mais quelques jours plus tard, la radio nous annonçait que M. Hortefeux venait in extremis de délivrer un permis de séjour à une jeune femme soignée en France pour un cancer.

Dans la France de Sarkozy, des hommes et des femmes sont pourchassés, séparés de leurs amis, arrachés à un pays où ils veulent vivre dignement de leur travail pour satisfaire les fantasmes xénophobes d’une partie de son électorat.

L’actuel hôte de l’Elysée s’était attaché pendant la campagne présidentielle à semer les ferments de division au sein de la population. “ La France qui se lève tôt ” contre celle des “ assistés ”, les tra­vailleurs du privé contre les fonctionnai­res, entre Français et immigrés. Diviser, diviser toujours pour parvenir au pou­voir, force est de constater qu’il ne par­vient pas comme il le souhaiterait à divi­ser pour régner.

Ce n’est pas la première fois que des tra­vailleurs sans-papiers entrent dans la lutte pour leur dignité. La CGT y a puis­samment contribué. Des associations comme Droits Devant !!, des élus de gauche, des citoyens toujours plus nom­breux les ont soutenus. De Buffalo Grill à la Grande-Armée, de Modelux à Paris Store, leur combat courageux a été plu­tôt populaire.

La forme spectaculaire de l’action enga­gée ces jours-ci témoigne d’une nou­velle étape. Frappés sur le pouvoir d’achat et la protection sociale, les sala­riés, avec ou sans papiers, sont aujour­d’hui portés à la solidarité. En France et en Europe. Avec les travailleurs grecs des chantiers navals de Saint-Nazaire. En Roumanie, avec les métallos de Pitesti qui produisent la Logan pour Renault et les sidérurgistes du site Arcelor-Mittal de Galati.

“ Prolétaires de tous les pays, unissez vous ”, écrivait Karl Marx il y a déjà 160 ans en exergue du Manifeste. Beaucoup de choses ont changé depuis 1848, qui fut aussi, rappelons-le, l’année de l’abo­lition de l’esclavage, mais le besoin de s’unir, pour les salariés, reste la condi­tion de leur force.


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :