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BRÉSIL : MALGRÉ LA PRISON, LA CAMPAGNE DU CANDIDAT LULA BAT SON PLEIN

Perspective communiste

La campagne officielle débute aujourd’hui dans le pays. Le Parti des travailleurs et le Parti communiste du Brésil (PCdoB) entament une bataille juridique pour que le temps de parole de l’ancien président soit respecté malgré son incarcération

Depuis deux ans, et le coup d’État institutionnel contre la présidente brésilienne Dilma Rousseff, Ubu a pris les rênes. Sans que preuve ait été faite de sa culpabilité, l’ancien chef de l’État Luiz Inacio Lula da Silva mène campagne depuis sa prison de Curitiba, où il purge depuis avril une peine de douze ans après sa condamnation dans une affaire de corruption et blanchiment d’argent. Privé de son droit d’expression, c’est Fernando Haddad, son ancien ministre de l’Éducation et ex-maire de São Paulo, qui parcourt le pays à la place du favori des sondages (39 % d’intentions de vote), en tant que vice-président. Peu connu, il arbore un tee-shirt rouge à l’effigie de Lula. Le Parti des travailleurs (PT) se retrouve en quelque sorte pris à son propre piège. Pendant la présidence de Dilma Rousseff, Lula apparaissait déjà comme une figure tutélaire. Après le putsch, le PT désorienté s’est de nouveau tourné vers Lula.

LE BRÉSIL S’ENFONCE DANS LA RÉPRESSION DES MOUVEMENTS SOCIAUX


Depuis le 15 août, les militants du PT et leurs alliés du Parti communiste du Brésil (PCdoB) mènent campagne pour un homme dont la candidature devrait selon toute vraisemblance être invalidée le 17 septembre par le Tribunal supérieur électoral (TSE). Dans ce cas, Fernando Haddad deviendra candidat de facto et Manuela d’Ávila (PCdoB) sa vice-présidente. « C’est une situation anormale et jamais vue. Elle est le résultat d’un coup d’État dans lequel prédominent l’arbitraire et l’injustice », commente un haut responsable du PCdoB sous couvert d’anonymat. Fernando Haddad reconnaît d’ailleurs la difficulté de sa mission. « Il existe un réel désarroi. Lula étant prisonnier, cela décourage une partie considérable de la population. » Selon plusieurs études, seule la moitié des électeurs de Lula se reporterait à l’heure actuelle sur son vice-président si le TSE invalidait la candidature de l’ancien président.

La semaine dernière, le PT diffusait une première vidéo de campagne tournée avant l’incarcération de Lula, qui a désormais seulement le droit de s’exprimer par écrit. Dans ce message, il critique l’austérité et l’abandon des programmes sociaux : « Nous devons changer de cap. Nous avons déjà prouvé qu’il est possible de rendre le Brésil meilleur », écrit-il. Alors qu’il est le seul des treize candidats à ne pouvoir participer aux débats télévisés, ses concurrents ont demandé à retirer le pupitre qui symbolisait sa présence dans la compétition. En conséquence, le PT a dû mener un débat parallèle retransmis sur Internet. La lutte a également été portée sur le terrain juridique afin que le temps de parole de l’ex-chef de l’État soit respecté. Aujourd’hui, alors que débute la campagne officielle, le PT et le PCdoB tentent d’obtenir le droit de diffuser leurs spots de campagne et de recueillir des interviews au même titre que l’ensembledes concurrents. « La candidature de Lula est contestée non parce qu’il a commis un crime, mais parce qu’il incarne le seul leader à gauche en capacité de gagner les élections et de faire revenir le Brésil sur la voie de la démocratie, de la justice, de la souveraineté nationale et du progrès social », poursuit le cadre du PCdoB. De fait, alors que le Brésil s’enfonce dans la répression des mouvements sociaux et que les droits sont chaque jour rognés, la perspective de voir le candidat d’extrême droite, Jair Messias Bolsonaro (Parti social libéral), crédité de 18 %, l’emporter grâce à une forte abstention à gauche inquiète.

Avant son incarcération, Lula avait toutefois pris une longueur d’avance en sillonnant le pays à bord de sa caravane militante. Aujourd’hui, le PT et le PCdoB se concentrent sur le Nordeste, quand les autres partis battent plutôt campagne dans le sud du pays, réputé plus industrialisé et favorisé. C’est dans la partie septentrionale que le legs politique de Lula est le plus fort. Traditionnellement, c’est là qu’il réalise ses meilleurs scores grâce à la mise en place de politiques sociales de type Faim zéro ou Bolsa familia, qui ont permis la sortie de la pauvreté de 30 millions de Brésiliens. Depuis le coup d’État, plus de 3 millions de personnes sont retombées sous le seuil de 140 reais par mois (36 euros).

Lina Sankari
L'Humanité


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