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CETA : néolibéralisme ou démocratie ? Il faut choisir (André Chassaigne)

Perspective communiste

André Chassaigne, député PCF du Puy-de-Dôme (et je l'espère notre futur candidat), Président du groupe communiste et apparenté (Front de gauche) revient sur l'historique du CETA (traité de libre échange avec le Canada) et sur le déni démocratique qu'il représente

Le refus de la Wallonie de donner son accord à la signature du traité de libre-échange Union Européenne – Canada révèle l’importance déterminante de l’engagement collectif et la force de la volonté politique. En faisant le choix de ne pas céder aux oukases des chantres de l’ultralibéralisme, qu’ils viennent d’Ottawa ou de la commission de Bruxelles, le ministre-président de Wallonie, Monsieur Paul Magnette, fait surtout preuve d’une immense lucidité. En rappelant « avoir toujours refusé de s’inscrire dans un calendrier contraignant afin de donner suffisamment de temps à l’examen démocratique et parlementaire des textes », et que « l’établissement d’un éventuel ultimatum n’est pas compatible avec l’exercice de ce droit démocratique », il signifie simplement aux responsables des institutions européennes que les droits démocratiques des citoyens sont encore, en Belgique, supérieurs aux injonctions des magnas de la finance.

Car, parallèlement, on peut légitimement s’interroger sur le degré d’atteinte par le cancer de la finance du Président de la Commission européenne et du Président du Conseil : alors que leur logiciel libéral est en panne, ils continuent de proposer toujours plus de libre-échange, brandissant les ultimatums envers des représentants élus par les citoyens. Aux côtés de trop nombreux chefs d’Etat et de Gouvernement, ils semblent incapables de mesurer l’ampleur des conséquences politiques, économiques et sociales de leur course mortifère au libre-échange.

Le parcours du CETA est aussi le parfait révélateur des errements et des absences de notre Président de la République, de son Gouvernement et de sa majorité sur le terrain européen. Ainsi, le 17 juillet, j’interrogeais sous la forme d’une question écrite le Ministre des Affaires étrangères et du développement international en France sur le respect des principes démocratiques dans le cadre de l'examen du traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (CETA)… question restée sans réponse.

Comme je le rappelais alors, depuis 2009 et le début des négociations de la Commission européenne sur ce traité, l'absence de transparence et de prise en compte des intérêts et des attentes des peuples a constitué le fil conducteur de ces discussions.

Le contenu de ce traité est ainsi similaire aux premières propositions du traité transatlantique. CETA et TAFTA, bonnet blanc et blanc bonnet, visent l’abaissement des normes sociales, sanitaires et environnementales, et une vaste mise en concurrence de secteurs clés comme l’agriculture, la santé publique et les marchés publics, en créant aussi « un droit des affaires contre les droits humains » pour reprendre la formule de Patrick Le Hyaric. Une sorte de petit frère caché, dont les défenseurs n’avaient qu’un souhait : rester sous le radar, dans l’ombre des négociations du grand TAFTA !

Signé en 2014 par le gouvernement canadien, le Conseil et la Commission européenne, ce cheval de Troie de l’ultralibéralisme était ainsi en passe de s’affranchir de la barrière démocratique des peuples qu’exècrent tant les transnationales et les gardiens de l’ordre libéral.

Mais, le 13 mai 2016, devant les mobilisations populaires contre ces traités depuis 2 ans, les 28 États membres de l'Union européenne ont demandé qu'il ne soit définitivement ratifié qu'après un vote des parlements nationaux en plus de celui du Parlement européen. En effet, qualifié « d'accord mixte » puisque son contenu aborde la question des barrières non tarifaires aux échanges internationaux, il porte directement atteinte aux normes sociales, sanitaires et environnementales des États. Il prévoyait même la création d'un tribunal arbitral privé permettant aux multinationales de porter plainte contre les États.

Malgré cette demande, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, renouvelait publiquement le 29 juin 2016 son intention de tout faire pour se passer du débat et du vote des parlements nationaux sur cet accord. Mais le 5 juillet 2016, sous la pression citoyenne et politique, le collège des commissaires européens a dû finalement décider que ce texte ne relevait pas de la compétence exclusive des institutions européennes mais aussi des États. Il a donc renoncé à adopter ce traité commercial sans l'aval des parlements nationaux.

Mais la Commission européenne, jamais avare en propositions malhonnêtes, a imaginé et prévu une application« provisoire » de l'accord dès sa ratification par le seul Parlement européen. Un provisoire d’une durée de 3 ans sans attendre le vote des parlements nationaux ! Ainsi, pendant cette période, la clause dite d'arbitrage entre une multinationale et un État s'appliquerait « provisoirement », même en cas de rejet de l'accord par un parlement national, ce qui revient pour les États à accepter de se faire dicter leur loi par des intérêts privés. La Commission européenne souhaitait ainsi déroger aux plus élémentaires principes démocratiques alors même que le contenu de cet accord aura immédiatement de très lourdes conséquences pour de nombreux secteurs économiques et au regard du respect des normes sociales et environnementales adoptées souverainement. L’importation programmée de dizaines de milliers de tonnes de viande sans droits de douane en est un exemple flagrant.

Devant ce nouveau déni de démocratie, restait donc à savoir si la France comptait refuser toute application provisoire de cet accord sans débat et vote des parlements nationaux. Interrogé le 19 octobre dernier à l’Assemblée nationale par mon collègue Marc Dolez, député Front de Gauche, la réponse du Secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur fut la suivante : « D’abord, concernant la ratification des parlements, comme je m’y étais engagé devant vous, Sigmar Gabriel et moi avons écrit à la Commission européenne avant l’été pour obtenir la reconnaissance du caractère mixte de l’accord, afin que vous, mesdames et messieurs les parlementaires, puissiez avoir le dernier mot. Ensuite, nous nous sommes battus, hier encore, en conseil des ministres européens, à Luxembourg, sur la question de son application provisoire. Il est maintenant clairement acté au niveau européen qu’en cas d’opposition des parlements nationaux à cet accord, son application provisoire devra être remise en question, conformément aux procédures européennes. C’est la première fois que la démocratie est respectée à ce point. Enfin, l’arbitrage privé a été remplacé par une cour de justice commerciale internationale publique, ce qui est inédit. Je suis fier que cette initiative, portée par la France, ait abouti au niveau européen."

A Paris, on cherchait donc encore une porte d’accord pour un traité que les peuples rejettent. Mais cette réponse prouve tout l’intérêt d’une large mobilisation pour mettre à jour le contenu de ces textes cachés… au point de permettre de renverser le cours des choses après 7 années d’entre-soi néolibéral ! Oui, néolibéralisme ou démocratie, il faut un jour choisir.

Et quand certains tergiversent et hésitent à fermer la porte, quelle leçon que ce magistral coup de pied venu de Wallonie !
Et même si nous sommes conscients que beaucoup poussent derrière la porte, ne boudons pas notre bonheur…

Source Blog d'André Chassaigne


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