Perspective Com
Cadeaux aux patrons

Nicolas Maury

Quinze ans de cadeaux aux patrons ça coûte cher et c’est inefficace
(À la demande de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes vient de dresser un bilan de la politique d’exonération de cotisations patronales.)

Cadeaux aux patrons
Remis cet été aux députés, ce document n’a guère fait l’objet de publicité. Rien de surprenant : c’est un pilier de la poli­tique suivie depuis une quinzaine d’an­nées par les gouvernements successifs (RPR/UMP-PS) en matière d’emploi qui se trouve ici remis en question.

La tonalité du rapport en effet est : ça coûte cher, ça ne rapporte pas gros, tout en entraînant des risques d’effets colla­téraux non négligeables.

La droite a donné le top départ en 1993 avec les premiers allègements généraux de cotisations sur les bas salaires, en par­ticulier la fameuse “ ristourne Juppé ” sur les cotisations maladie. Histoire de baisser le “ coût du travail ” pour aug­menter la compétitivité… À partir de 1996, le phénomène connaîtra un nou­vel élan, cette fois au nom des 35 heures et de leurs répercussions sur le SMIC. Chemin faisant, à ces baisses de charges sur les bas salaires sont venus s’ajouter de nombreux dispositifs d’exonérations visant des publics particuliers ou bien des territoires. Total : en 2005, la Cour des comptes a recensé pas moins de 46 mesures différentes pour un coût total pour les finances publiques de 20 mil­liards d’euros, l’essentiel (16) étant consacré aux allègements sur les bas salaires.

Les magistrats dénoncent une inflation de décisions non maîtrisées qui tradui­sent une tendance au “ mitage ” de l’assiette des cotisations sociales et posent le problème de l’équité du finan­cement de la Sécurité sociale.

D’autant que le manque à gagner pour la Sécu n’est pas toujours compensé par l’Etat. Ensuite, la Cour fait remarquer que les allègements de cotisations béné­ficient surtout à des secteurs qui ne sont pas directement exposés à la compétition mondiale ni aux délocalisations, ce qui à l’origine était une des raisons des baisses de charges. Les magistrats soulignent aussi le risque de trappe à bas salaires : les allègements étant attribués jusqu’à un certain seuil de rémunérations, les entreprises sont encouragées à rester en dessous de ce seuil.
Quant à l’essentiel, à savoir l’impact de ces mesures sur l’em­ploi, l’étude note qu’il n’y a quasiment aucune évaluation sérieuse de faite sur le sujet; que l’ampleur de l’effet positif “ n’est pas assez précise ” ; qu’on observe trop d’emplois peu qualifiés occupés par des salariés formés. Les baisses de charges contribuent donc à un déclassement des travailleurs qualifiés. Au total, même si des emplois ont été créés, “ les allègements représentent un coût très élevé ”, “ leur efficacité reste incertaine ”.

Des recommandations qui n’ont pour­tant pas dissuadé de Villepin à poursui­vre allègrement sa politique de baisse des charges patronales.


Commentaires (1)
1. Mortimer le 26/10/2006 00:26
vous oubliez qu'il y avait des dirigeants du PC dans le gouvernement Jospin,quand son gouvernement a fait ces allègements d'exonération aux employeurs,et qu'ils n'ont jamais trop contredit depuis,le fait que le"trou"de la sécu était dû à l'exageration des dépenses de santé causés par les citoyens et les médecins(médicaments,soins,arrets de travail)evidemment...
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