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Comprendre l'échec des communistes en République Tchèque ?

Perspective communiste

Note : Cet article peut être mis en lien avec l'échec du Bloc patriotique en Moldavie. Au-delà des fraudes réelles commises par les libéraux-autoritaires de Maia Sandu, Il y a une similitude qui existe entre l'échec électoral de la gauche en Moldavie et en République Tchèque.

Le premier point, bien ciblé dans l'article, c'est l'incapacité de la gauche communiste à se renouveler. La gauche apparait comme déconnectée des luttes quotidiennes ou figées dans le passé, sans vision d'avenir. Le véritable enjeu n'est pas de savoir combien de personnes se souviennent du socialisme, mais comment parler aux jeunes, aux travailleurs et à toutes celles et ceux qui ont intérêt au changement.

Le second point, c'est comment développer des outils puissants capables de résister aux campagnes anticommunistes. Des millions d'euros, des milliards, sont distribués pour promouvoir des mythes anticommunistes et faire vivre une "peur rouge". Avec des moyens moindres, les Partis communistes doivent se saisir des outils qui existent et commencer à dénoncer les mythes anticommunistes, comme l'Holodomor, ou les fameux 100 millions de morts.

Le troisième point, oublié de l'article, c'est la position des communistes par rapport aux luttes dites "identitaires" (cf intersectionnalité ou "wokisme"). À l'ouest, on peut reprocher une priorisation de ce type de lutte, et à l'est, un alignement sur les agendas réactionnaires et conservateurs. Si la lutte pour les droits individuels et la reconnaissance de spécificités de genre sont importantes, elles ne sont pas à mener en dehors de la lutte des classes, ni supérieure à la lutte des classes.

Le quatrième point, c'est la question du "patriotisme". Aujourd'hui, les Partis communistes des anciens pays socialistes restent sur une image idéalisée de la patrie. D'un point de vue marxiste, une patrie, dans le cadre d'un état socialiste, est une construction sociale et politique basée sur la dictature du prolétariat, c'est-à-dire l'alliance de la classe ouvrière et paysanne décidant de faire nation, au-delà des nationalités. Aujourd'hui, cette situation n'a plus aucune réalité sociale et politique, puisque le capitalisme défini la relation infra/superstructure.

Traduction Nico Maury

John CALLOW, dans l'excellent quotidien socialiste britannique Morning Star, analyse les raisons de l'échec du Parti Communiste de Bohême et de Moravie lors des récentes élections législatives (octobre 2025), où il n'a pas atteint le seuil électoral minimal (5%) et où certains évoquent désormais un possible abandon de son engagement envers le socialisme.

La statue se dresse toujours dans le parc au sommet de la Montagne Blanche, des feuilles mortes ondulant à son pied. La statue de la femme hussite, érigée sous la Tchécoslovaquie socialiste, fut sculptée pour commémorer un mouvement paysan révolutionnaire qui balaya tout sur son passage et ne connut ni échec ni défaite sous les lances des chevaliers croisés.

Elle se voulait emblématique de l'indépendance nationale, d'une société où les biens étaient détenus collectivement, et du pouvoir et du potentiel d'un féminisme naissant, porteur d'enseignements pour le présent. Pourtant, aujourd'hui, la sculpture semble hors du temps, privée de son contexte. La plaque explicative a été arrachée, laissant une vilaine entaille sur le piédestal et un vide interprétatif.

Partout à Prague, le constat est le même. La poignée de monuments qui subsistent de l'époque socialiste (commémorant la libération de la ville en 1945, les missions cosmonautes et les ouvriers qui ont construit le métro) ont tous subi un effacement similaire. Dépouillés de leur essence historique et de leur message radical, ces vestiges tenaces du socialisme sont abandonnés à leur sort, voués à l'oubli, sous le poids des panneaux publicitaires, des showrooms ostentatoires des grandes entreprises et des cafés chics.

Certains sujets sont tabous, certains avenirs sont compromis. Les résultats des élections du mois dernier et la course effrénée qui a suivi pour former une coalition gouvernementale entre les partis de droite tchèques semblent confirmer ce sombre constat. Malgré les attentes, la gauche n'est pas parvenue à regagner le terrain perdu. Les sociaux-démocrates, qui ont longtemps dominé la scène politique tchèque après 1989, ont vu leur électorat s'effondrer, tandis que le Parti communiste (KSCM), autre composante de la coalition Stacilo ! (Ça suffit !), n'a pas réussi à franchir le seuil électoral nécessaire pour faire élire ses députés au Parlement.

Cette situation est d'autant plus amère que le Parti communiste a toujours bénéficié d'une forte présence parlementaire depuis sa fondation en 1920 et a connu un succès électoral considérable et inattendu au début du siècle. L'optimisme et l'énergie de la campagne estivale se sont dissipés, laissant place à de nouvelles critiques du socialisme comme force électorale et à des appels, relayés par d'anciens partenaires de coalition au sein de "Stacilo !", à une fusion du Parti communiste, afin qu'il abandonne son identité et sa pratique politique spécifique.

Pour les lecteurs du Morning Star, ces luttes rappelleront immédiatement la fragmentation du Parti communiste de Grande-Bretagne à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Pourtant, pour Petra Proksanova, candidate aux récentes élections à Prague, membre du comité central du KSCM et présidente de la commission du parti pour la jeunesse, les étudiants et les jeunes familles, le cynisme et l'opportunisme constituent les principaux obstacles au progrès politique.

« Pour moi », dit-elle, « la politique n'est pas qu'un métier, c'est un engagement envers ceux qui ont besoin d'être représentés.

Notre campagne contre le gouvernement de Petr Fiala a débuté dès mai 2023, avec le lancement du slogan « Fiala, Stacilo ! » (« Fiala, ça suffit ! »). Ce slogan traduisait la frustration d'une population exaspérée par la hausse des prix, les atteintes aux droits des travailleurs, le recul de l'âge de la retraite et les velléités bellicistes. Il a ensuite donné naissance au nom d'une nouvelle alliance politique pour les élections européennes et régionales, qui a accueilli des candidats de toute la gauche patriotique et antigouvernementale, y compris du KSCM.

La campagne n'a pas été facile. Il nous a fallu coordonner nos efforts entre les partis, construire un consensus autour d'un programme commun et nous défendre contre des attaques anticommunistes incessantes. Les partis de droite ont semé la peur, prétendant que notre soutien aux référendums sur l'OTAN et l'adhésion à l'UE impliquait un alignement automatique sur la Russie. Ils ont dressé un tableau cauchemardesque de nationalisations, de frontières, de barbelés, de goulags et d'exécutions. Le parti pro-européen Volt a même porté plainte contre nous pour violation présumée des lois sur les coalitions électorales – bien que nous ayons gagné en justice, l'affaire a semé le trouble dans l'opinion publique.

Même les chefs de l'opposition s'y sont mis. Andrej Babis, largement pressenti pour la victoire, a déclaré qu'il ne gouvernerait jamais avec les communistes. Tomio Okamura [député d'extrême droite et aujourd'hui président du Parlement tchèque] a averti que les votes pour "Stacilo !" seraient perdus, car nous n'atteindrions pas le seuil des 5 % requis pour entrer au Parlement. Nous avons certainement commis des erreurs pendant la campagne, mais ces attaques extérieures ont joué un rôle décisif dans notre résultat.

Nous espérions retourner au Parlement. Ce ne fut pas le cas. Mais nous avons démontré qu'une opposition forte existe, une opposition qui a eu le
courage de dire « ça suffit » au gouvernement de Fiala.

Ne pas entrer au Parlement n'est pas une raison de reculer. C'est un appel à renforcer notre engagement auprès des communautés, à travailler encore plus étroitement avec les citoyens sur leurs problèmes quotidiens et à rétablir la confiance du public envers KSCM. La vérité est que notre vie politique a besoin d'une profonde réflexion. Nous devons présenter des solutions claires et réalistes aux problèmes actuels et montrer en quoi nous nous distinguons des forces populistes comme le parti Año [« Oui »] de Babis, qui bénéficie d'un soutien croissant au sein de la classe ouvrière.

De nombreux électeurs perçoivent aujourd'hui la gauche soit comme déconnectée des luttes quotidiennes, soit comme figée dans le passé, sans vision d'avenir. C'est là le véritable enjeu. Il ne s'agit pas de savoir combien de personnes se souviennent du socialisme, mais si nous pouvons parler aux jeunes d'aujourd'hui, à ceux qui sont confrontés à la précarité de l'emploi, à l'inaccessibilité au logement et à l'anxiété climatique. » Si la gauche se réduit à un passé révolu, au lieu d'offrir un espoir pour l'avenir, c'est nous qui nous trompons, et non les électeurs.

Il est impossible de renverser le système sans rester fidèles à nos principes. Nous ne nous abaisserons pas à des compromis autodestructeurs. Notre parti, ancré dans le matérialisme dialectique et historique, mais ouvert aux idées nouvelles et aux connaissances scientifiques, lutte depuis 1989 pour les droits de celles et ceux qui sont contraints de travailler sous le capitalisme restauré. Nos revendications fondamentales demeurent inchangées : des salaires et des retraites décents, des logements abordables, l'accès universel aux soins de santé et à l'éducation, une fiscalité équitable, la paix et la fin du militarisme et des privatisations. Nous continuerons à lutter pour ces objectifs et pour le socialisme, par l'intermédiaire de nos représentants dans les collectivités locales et au Parlement européen.

Nous savons que le retour au Parlement national ne sera pas chose aisée, mais nous sommes déterminés. Nous avons déjà commencé à préparer les prochaines élections et nous renforçons notre coopération avec les syndicats, les mouvements citoyens et tous ceux qui partagent notre vision de solidarité, de justice et de paix. » Un vent froid d'ouest se lève, dispersant les feuilles autour du socle de la statue et apportant les premières neiges de l'hiver sur la Montagne Blanche. Pourtant, le monument et le mouvement perdureront jusqu'à ce qu'un nouveau printemps retisse les liens de l'histoire. Consciente des défis à venir et de tout ce qui est en jeu, Petra reste déterminée, voire provocatrice, optimiste et tournée vers l'avenir.

Nous devons finaliser la mise à jour de notre programme à long terme et intensifier notre travail de terrain. »

« En attendant, » dit-elle, « le régime actuel continue de nous prendre pour cible. Un nouvel amendement au code pénal, qui doit entrer en vigueur en janvier 2026, interdira la "promotion des mouvements communistes. »

C'est une attaque directe contre la liberté politique. Nous constatons une pression croissante, non seulement sur les individus (qui sont licenciés ou ostracisés pour leurs opinions), mais aussi sur l'existence même du Parti communiste.

« Le KSCM doit réagir avec créativité. » Nous devons défendre l’héritage des mouvements ouvriers et progressistes tout en continuant à élaborer une vision socialiste convaincante pour les générations futures. Tant que l’exploitation existera, le Parti communiste sera nécessaire. Qu’ils changent la loi. Qu’ils tentent de nous faire taire. Mais la vérité ne peut être interdite – et la vérité est la suivante : l’avenir appartient au
socialisme ! »


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