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Création officielle de la Banco del Sur

Perspective communiste

En septembre dernier, les chefs d’État de sept nations sud-américaines (Argentine, Bolivie, Brésil, Équateur, Paraguay, Uruguay et Venezuela) ont accepté d’aller de l’avant avec la création de la Banco del Sur, alternative sud-américaine aux institutions prêteuses mondiales

La présidente du Chili, Micheline Bachelet, a également montré un intérêt envers le partenariat financier, affirmant que son pays pourrait bientôt y adhérer. Cette collaboration financière marque un pas de plus vers le rapprochement et l’intégration économique de la nouvelle gauche politique de l’Amérique du Sud. Le projet, initié en 2006 par le président du Venezuela, Hugo Chávez, propose de réunir les capitaux intérieurs des nations sud-américaines pour ensuite les réinvestir dans le développement économique et social de la région.

La Banco del Sur se présente comme une alternative financière au Fonds Monétaire International (FMI), à la Banque mondiale et à la Banque interaméricaine de développement, dont les politiques sont abondamment critiquées en Amérique du Sud. Selon Nathalie Gravel, professeure au Département de géographie de l’Université Laval et spécialiste de l’Amérique latine, « en plus d’avoir poussé les pays de cette région du monde à s’endetter, les politiques néolibérales largement encouragées par ces bâilleurs de fonds en échange des prêts accordés sont, le plus souvent, défavorables pour le peuple latino-américain  ».


De ce fait, la Banco del Sur cherche à se différencier de ses homologues occidentaux par l’accent porté, dans sa constitution, sur la démocratie – chacun des membres aurait droit à une voix, contrairement au FMI, où les États-Unis et l’Europe ont une plus grande part de décision. Par ailleurs, les principes fondateurs de la création de la Banco del Sur sont l’égalité, l’équité et la justice sociale. La constitution de la Banque met également l’accent sur le capital humain et la coopération des nations sud-américaines.

Banco del Sur  : Projet d’Hugo Chávez
Les critiques de la Banco del Sur mettent toutefois en doute la réussite du projet. Piero Moltedo, directeur de l’Escuela de Negocios de l’Universidad de Vino del Mar, au Chili, affirme que « la Banco del Sur fait partie de la stratégie anti-américaine d’Hugo Chávez ». Il met également en garde les chefs d’État et rappelle qu’une banque reste une banque et qu’ « elle risque la faillite si elle se met à investir dans des projets qui ne seront pas nécessairement rentables ».

Le projet financier ne trouve également pas non plus appui dans le milieu conservateur latino-américain, qui critique vigoureusement l’influence directe du président vénézuélien. La Banco del Sur se trouve donc à l’intérieur du débat entre la nouvelle gauche sud-américaine, menée par Hugo Chávez, qui semble vouloir libérer l’Amérique du Sud de l’influence occidentale et le milieu conservateur désireux de garder comme allié les États-Unis. Pourtant, plusieurs grands projets latino-américains, tels le Plan Puebla Panama et l’Initiative pour l’Intégration Sud-américaine (IIRSA), sont associés aux États-Unis. Dans cette situation, la Banco del Sur saura-t-elle rallier les nations sud-américaines et pourra-t-elle réellement participer à leur intégration économique, ou, au contraire, favorisera-t-elle les alliés d’Hugo Chávez et amplifiera-t-elle le fossé déjà existant entre les deux camps ?

De son côté, le président de l’Équateur, Rafael Correa, qui espère pouvoir profiter des fonds de la Banco del Sur dès l’an prochain pour tenter de relever son pays de la crise économique, a manifesté, comme son homologue vénézuélien, son intention de se retirer du programme du FMI. Le projet semble donc bel et bien sur les rails, mais plusieurs questions demeurent. La Banco del Sur sera-t-elle prête pour aider financièrement les pays dans le besoin au lendemain de la crise financière ? Réussira-t-elle également à incorporer des notions de développement durable, qui, jusqu’ici, semblent manquer à l’appel ? Pourra-t-elle encourager des politiques de financement efficaces et équitables à la fois ? Ces incertitudes ne semblent pas faire trembler l’initiateur du projet, qui déjà aborde l’idée d’une étroite collaboration financière entre l’Amérique du Sud et l’Afrique. Lors du deuxième sommet Afrique-Amérique du Sud, Hugo Chávez a même proposé un nom pour cette possible association : Bancasa.


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