Perspective Com
Cuba: Fidel Castro passe la main

Nicolas Maury

Grand leader international, grand révolutionnaire communiste, Fidel Castro a décidé de se retirer de la tête de l'Etat

Fidel Castro renonce à la présidence de Cuba. C'est ce qu'il a annoncé hier dans un "message à ses compatriotes" publié à 17h30 (heure cubaine) dans l'édition électronique de Granma, organe officiel du PC cubain. Avec sa casquette, son uniforme vert olive, sa barbe et ses havanes, Fidel Castro est une icône du 20e siècle, une icône de la lutte anti-impérialiste.

Fidel, c'est l'"autre" icône du Grand soir communiste en Amérique latine, aux côtés de son camarade le "Che" Guevara. Fidel Castro, c'est le guérillero victorieux pendant la guerre froide, célèbre pour ses harangues enflammées devant les foules; une icône indéboulonnable sur laquelle dix présidents américains se sont cassé les dents. Malgré un embargo économique draconien, un débarquement raté dans la baie des Cochons en 1961 et maintes tentatives d'assassinats.


Pendant ces dix-neuf mois de convalescence, Fidel Castro a réfléchi, médité. Jusqu'à mûrir sa décision de renoncer à la présidence. "Ma première obligation après tant d'années de lutte était de préparer le peuple à mon absence, psychologiquement et politiquement, écrit-il dans son message. Le chemin sera difficile et requerra l'effort intelligent de tous." Mais Fidel Castro ne fait pour autant ses adieux: il continuera de combattre comme un "soldat des idées" avec ses réflexions. Et de terminer: "Peut-être ma voix sera-t-elle entendue."

Officiellement né dans le village de Biran, près de Mayari, dans l'est de Cuba, le 13 août 1926 - certains biographes situent sa naissance un an plus tôt - Castro est le fils d'un immigré espagnol ayant fait fortune dans la culture de la canne à sucre.

Après une scolarité catholique chez les jésuites, il étudie le droit à La Havane, où il prend part à une vie politique parfois violente. Il s'engage rapidement dans des activités clandestines visant au renversement de la dictature de droite de Fulgencio Batista.

En 1953, l'attaque de La Moncada, une caserne militaire, lui vaut d'être condamné à 30 ans de prison. Bénéficiant d'une amnistie, il est libéré dès 1955 et gagne le Mexique, où il prépare l'invasion de l'île avec d'autres exilés cubains.

En décembre 1956, Castro et 81 compagnons d'armes regagnent l'île à bord du Granma. Le débarquement tourne à la catastrophe. Seuls douze "barbudos", dont Castro, son frère et Ernesto Che Guevara, survivent. Lorsqu'ils arrivent dans les maquis de la Sierra Maestra, ils n'ont en tout et pour tout que sept fusils. Mais ils parviennent à mobiliser.

En 1958, les rebelles repassent à l'offensive - cette fois avec succès. Le 1er janvier 1959, Batista quitte précipitamment Cuba, et un gouvernement provisoire est formé, où Castro, à l'âge de 32 ans, devient chef des forces armées, puis Premier ministre.

Une fois arrivé au pouvoir, Castro entreprend de faire de Cuba une puissance non-alignée. Son projet: une révolution politique, économique et sociale. Par ses choix radicaux, Fidel Castro s'aliène Washington, qui suspend en 1961 ses relations diplomatiques avec La Havane.

Il autorise en octobre 1962 l'installation sur son sol de missiles soviétiques. La confrontation qui s'ensuit avec les Etats-Unis, alors dirigés par John F. Kennedy, conduit le monde au bord d'un conflit mondial. Heureusement Krouchtchev arrivera a faire entendre raison à Kennedy.

Dès le début, l'aversion des Américains pour ce régime si diamétralement opposé à leurs conceptions politiques, conduit Washington à comploter contre Castro, avec l'aide de la CIA. En 1961, plus d'un millier d'exilés cubains entraînés par la CIA débarquent dans la Baie des Cochons. L'opération est un échec cuisant, mais les services secrets continuent de réfléchir à des moyens - plus ou moins sérieux - de l'éliminer.

Un rapport spécial du Sénat des Etats-Unis, en 1975, révèle que les services secrets américains ont envisagé, un temps, de verser dans ses chaussures un produit chimique qui déclencherait la chute de sa barbe, ce qui aurait grandement entamé son charisme. Parmi les autres subterfuges envisagés: lui faire livrer des cigares empoisonnés, ou placer un coquillage bourré d'explosifs sur son lieu de plongée habituel. Castro affirme avoir survécu à 600 projets d'assassinats ourdis par la CIA ou les exilés cubains. "Je suis vraiment heureux d'atteindre 80 ans. Je ne m'y attendais pas, pas plus que d'avoir un voisin - la plus grande puissance mondiale - qui essaie chaque jour de me tuer", a-t-il déclaré le 21 juillet 2006 lors d'un sommet des présidents d'Amérique latine.

Alors que, un an et demi plus tard, il s'efface du premier rang, Castro bénéficie d'un soutien international renouvelé et entretient d'excellentes relations avec de nombreux dirigeants d'Amérique du Sud, notamment le président du Venezuela Hugo Chavez, comme lui très hostile à George Bush.

En envoyant près de 20.000 médecins cubains soigner les plus pauvres, d'abord au Venezuela, et jusqu'au Pakistan, en Indonésie et au Timor-Oriental, le dirigeant cubain a encore élargi le cercle de ses amis et supporters. Pour la jeunesse communiste, Castro et "le Che" sont devenus des icônes de la révolution.

"L'Histoire m'absoudra", lançait Castro lors de son procès pour l'attaque de La Moncada.


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :