EADS/ SOGERMA
Nicolas Maury
6 000 emplois menacés
tout pour l’actionnaire !
à leur guise dans l’emploi industriel en France?
La question est posée après le couperet qu’a laissé tomber le conseil d’administration d’EADS. Du haut de leurs fauteuils de cuir, ces messieurs ont décidé d’“ arrêter ” les activités bénéficiaires sans perspective de rentabilité ”, ce qui “ devrait conduire à l’arrêt des activités d’EADS Sogerma services sur le site de Mérignac ”. 6000 emplois directs et indirects sont menacés.
Chaque semestre, désormais, tombent les “ records ” boursiers en tout genre: record du cours du CAC 40, record des profits, record des dividendes versés aux actionnaires. L’annonce de ces chiffres-là croise les annonces de suppression de postes, de fermetures d’usines pour cause de délocalisatio. Le tout s’accompagne des mesures sociales chaque fois plus régressives prises par le gouvernement. Alors, la faute à la “ mondialisation ”? Autant dire la faute à pas de chance, verser quelques larmes de fausse compassion et passer à autre chose. Dans une spirale de déclin sans fin.
Avec la Sogerma à Mérignac, filiale du géant EADS, nous ne sommes pas dans le cas d’une petite PME de main d’œuvre confronté à la concurrence “ libre et non faussée ” du tiers monde. Ouvriers hautement qualifiés, techniciens et ingénieurs qui ne le sont pas moins composent l’effectif de l’entreprise.
Alors pour quelle raison EADS ferme-t-il Mérignac?
Le 8 mars dernier, le PDG du groupe annonçait les résultats 2005. “ Les meilleurs de son histoire ”. Deux milliards d’euros de profits auxquels s’ajoute un “ trésor de guerre ” d’environ 5,5 milliards d’euros. Les actionnaires sont les bénéficiaires directs de l’opération: leur rente augmentera d’environ 30%. Pour le reste, le groupe envisage de coûteuses acquisitions, en particulier dans le domaine militaire, et taille dans ce qui rapporte moins de 10% de profits annuels supplémentaires. Les salariés de la Sogerma sont censés payer l’addition d’une réorientation stratégique du groupe vers le plus rentable le plus vite pour les actionnaires.
Quant aux résultats déficitaires de l’entreprise aquitaine, dans quelle mesure n’ont-ils pas été organisés pour le devenir? Une partie étant d’ailleurs “ provisionnée ” pour financer la liquidation de l’emploi! La concentration sur le créneau étroit d’aménagement d’avions de luxe a plombé l’activité. Pourquoi avoir construit un hangar d’accueil de pièces de l’A380 d’un coût de 18 millions d’euros pour fermer le site quelques mois plus tard? La délocalisation d’une partie de la maintenance militaire au Portugal et en Afrique du Nord a délesté d’autant le site de la Sogerma. La mise en concurrence des deux sites français et allemand de la Sogerma et le choix in fine du second, déjà en surcharge, au détriment du premier, signe ce choix de rentabilité strictement financière, fût-ce au prix de questions sur ses conséquences sur la sécurité du transport aérien. Alors que du travail, il peut en exister pour les salariés des deux pays.
L’État est actionnaire d’EADS. Le ministère de la Défense est son client et pourrait choisir de faire entretenir ses avions à Mérignac dont l’Airbus militaire, rendant tout à fait “ rentable ” le site. 10% à 20% du hangar de l’A380 ont été financés avec des fonds publics. EADS et ses actionnaires ont des comptes à rendre. Les pouvoirs publics ont leur mot à dire. Les salariés ont besoin d’un large soutien et le gouvernement doit être mis en face de ses responsabilités. L’appétit sans fin des actionnaires ne peut continuer de faire loi