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Emprunt d’Etat : attention à l’anti-redistribution !

Nicolas Maury

Le Président de la République vient d’annoncer un emprunt d’Etat sans préciser toutefois ses modalités propres ni ce qu’il doit financer. En revanche, aucune réforme fiscale n’a été annoncée, si ce n’est la mise en place d’une « taxe carbone »

Imposition écologique ou transfert de charge sur les ménages ?

Le Président de la République a déclaré vouloir baisser l’impôt sur le travail et la production, ce qui revient à vouloir augmenter l’impôt sur la consommation. Or, la quasi-totalité des ménages consomment… avec les revenus du travail ! Imposer la consommation revient en effet la plupart du temps à imposer le travail, mais par une imposition indirecte beaucoup moins juste. Par ailleurs, les contours et les effets de la taxe carbone restent à préciser. S’agit-il d’une véritable écotaxe, auquel cas elle ne doit surtout pas se substituer à aucun autre impôt puisque son rendement est destiné à baisser ou d’un transfert de charges sur les ménages pour compenser une baisse de l’imposition dite du travail et de la production ?

Emprunt d’Etat : vers une redistribution à l’envers ?

En effet, l’emprunt d’Etat annoncé risque bel et bien de ressembler à une opération de redistribution à l’envers. Les personnes qui pourront prêter à l’Etat sont également celles qui ont déjà bénéficié de mesures fiscales conséquentes au cours de ces dernières années : développement des niches fiscales (que le plafonnement global instauré fin 2008 limite à peine), baisses successives de l’impôt sur le revenu depuis 2000, baisse de l’imposition du patrimoine (sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus values, les droits de succession et de donation et l’impôt de solidarité sur la fortune), création du « bouclier fiscal » …

Ces contribuables ont vu leur imposition globale diminuer. Avec l’emprunt et le versement d’intérêts qu’il emporte, ils pourraient devenir désormais des créanciers nets de l’Etat dans un véritable mouvement de redistribution à l’envers : rémunérer les rentiers pour imposer les classes moyennes et modestes, tel est le risque réel que comporte cet emprunt d’Etat.

Dans un tel contexte de crise qui pointe la nécessité d’une meilleure redistribution des richesses, on ne peut qu’être frappé par une telle résistance au changement du Président de la République qui se refuse encore et toujours à repenser le système fiscal afin de rendre plus juste la « répartition de la contribution commune en raison des facultés des contribuables » (article 13 de la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen). Ceci passerait par une refonte de l’imposition des revenus (élargissement de l’assiette et plus grande progressivité par la création d’une ou plusieurs tranches supplémentaires) et de celle du patrimoine (avec la suppression du bouclier fiscal notamment).


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