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Grande distribution : la vie en miettes pour moins que le SMIC

Nicolas Maury

C’est fou ce que tous ces groupes, qu’ils s’appellent Auchan, Carrefour, Pinault-Printemps-Redoute ou autres, offrent d’opportunités, permettent l’épanouisse­ment des talents ! Pas un qui ne fasse sur son site internet témoigner un chef de rayon, une opératrice de caisse qui raconte comment, là, il ou elle a rencon­tré, en somme, la vraie vie…

Grande distribution : la vie en miettes pour moins que le SMIC
“ Etre étudiant et s’assumer financièrement ”, affirme un de ces groupes qui offrent de huit ou vingt heures hebdo. De quoi se payer au choix un lit de camp ou une demi chambre. Tous mènent une action déterminée et sans faille pour le déve­loppement durable, tous luttent contre la vie chère, font du mécénat, animent des fondations…

S’ils ouvrent le dimanche, c’est unique­ment pour répondre aux attentes des consommateurs. S’ils emploient à temps partiel tant de salariés, et d’abord des femmes (37 % en moyenne, 70 % dans le hard discount), c’est au nom de la souplesse que cela leur apporte dans leur vie de famille. S’ils ne les payent pas davantage, ce doit être au nom de la lutte contre la vie chère ou contre l’inflation.

Pourtant, rien ne va plus. Et la récente grève dans ce secteur, à l’appel des trois syndicats, malgré les pressions de tous ordres et flicage redoublé, a été, de l’avis général, massive et réussie. Elle concer­nait 600 000 employés dans 26 000 points de vente, 5 600 supermarchés et 1 400 hypers. Depuis la mi-novembre, les pompes à carte bleue tournent à plein régime. Horaires allongés, ouverture le diman­che. Les fêtes puis les soldes aussitôt. Dans tel très grand magasin parisien, les salariés apprennent deux jours avant, à peine, qu’ils travailleront le dimanche qui vient. Le ministre du Travail assure que si le travail du dimanche était géné­ralisé, les salariés auraient un droit au refus. Quelle blague !

Travailler plus, toujours plus, ça c’est clair. Gagner plus, c’est non… L’annua­lisation du temps de travail autorise à des surcharges de travail à certaines pério­des, compensées par une moindre acti­vité à d’autres. La souplesse des horaires autorise à atomiser la vie des salariés avec des journées coupées en deux. Des heures passées hors de chez soi sans que l’on puisse se reposer, sans rien faire d’autre qu’attendre la reprise dans une autre tranche horaire. C’est la vie en miettes pour moins que le SMIC. Déjà, en décembre, en divers points du pays, les salariés de plusieurs grandes surfaces avaient commencé à bouger, dans les Carrefour, les Conforama, dans plusieurs grands centres commerciaux comme à Aubagne ou chez Lidl où des actions com­munes avaient rassemblé des sala­riés français et allemands.

Travailler plus. Dans la grande distribu­tion, le slogan fétiche du gouvernement et du président apparaît plus encore qu’ailleurs pour ce qu’il est vraiment : un miroir aux alouettes et une fin de non-recevoir opposée à toute augmenta­tion des salaires. “ Libérer le travail ”, “ libérer les dimanches ”, des expres­sions qui sont autant de manipulations du sens des mots, systématisées dans le rapport de la commission Attali. Les mots réels sont : “ exploitation ”, “ sur­exploitation ”, “ régression sociale ”. Que serait une société qui ne connaîtrait plus jamais d’arrêt, de trêve, de respira­tion ? La dérégulation massive que les grands groupes tentent de mettre en place dans la distribution, c’est la sou­mission de tous à la marchandise et à la roue folle du profit.

Le succès de la grève de l’autre jour est un événement majeur .


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