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Grippe A : Un gouvernement "à la merci des laboratoires"

Nicolas Maury

Dans un rapport sénatorial consacré à la gestion de la pandémie de grippe A-H1N1 rendu public jeudi, les parlementaires décrivent un gouvernement "empêtré" dans des "contrats déséquilibrés et rigides". Les pouvoirs publics étaient à la "merci des laboratoires", tonne le rapport

Un gouvernement "à la merci des laboratoires", "empêtré" dans des "contrats déséquilibrés et rigides", qui ne lui ont pas laissé "beaucoup de choix". Les conclusions du rapport du Sénat sur la gestion de la grippe A-H1N1 par la France sont sans appel. Cette étude, publiée jeudi, est la troisième de la sorte sur la "première pandémie du 21e siècle" après celle, notamment, de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. Mise en place à la demande du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche le 10 février 2010, elle souligne le flirt constant du gouvernement avec l'incompétence et le conflit d'intérêt.

Après avoir épluché l'ensemble des contrats et procédé à 48 auditions, dont celle de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, les sénateurs estiment que les pouvoirs publics s'étaient préparés à une pandémie cent fois plus grave que celle qui a faiblement touché la France cet hiver.

i la stratégie n'a jamais été remise en cause, c'est à cause des contrats signés avec les fournisseurs de vaccin. Ces derniers "se caractérisent par leur remarquable déséquilibre et par la légalité douteuse de certaines de leurs clauses": absence de clauses révision, transfert à l'Etat de la responsabilité des laboratoires du fait des produits défectueux, confidentialité (levée uniquement à la demande des médias), aucune garantie pour l'acquéreur sur l'efficacité des produits et leur sécurité…

Les contrats, signés en mai et en juin 2009, soit plusieurs mois avant le début de l'épidémie dans l'Hexagone, étaient alors "justifiés", expliquent les sénateurs. Mais le manque de latitude qu'ils offraient a figé la stratégie: "le gouvernement français n'a pas eu beaucoup de choix", car il était "enfermé dans une situation dont il n'a pu sortir que par la résiliation des contrats". "Il n'est pas admissible que des autorités chargées d'assurer une mission de service public d'une importance vitale soient à la merci des fournisseurs de vaccins", ajoutent les sénateurs, qui fustigent l'"insuffisante transparence sur les liens d'intérêt de la majorité des experts avec l'industrie pharmaceutique". Heureusement, la France a "payé moins cher que les autres" la résiliation des contrats.

En plus de ces conclusions déjà très dures, les seuls sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen se fendent d'un "commentaire critique" en annexe du rapport. Ils y accusent le gouvernement de n'avoir "pas su prendre les bonnes décisions au bon moment" et de n'avoir pas fait les "révisions nécessaires". "Les scénarios les plus pessimistes ont été privilégiés", ajoutent-ils, décrivant un "déni de réalité".

Au-delà de cette "surestimation constante du risque par le gouvernement", de cette "dramatisation infondée de sa communication", de la "stratégie vaccinale surdimensionnée", il y a eu "gaspillage des fonds publics". "Pourquoi certains gouvernements ont-ils cédé au chantage de l'industrie pharmaceutique alors que d'autres ont tenu bon? (…) Quel crédit accorder désormais au Gouvernement?", s'interrogent-ils, laissant en suspens leur réponse.


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