Perspective Com
Guerre à l’école publique

Nicolas Maury

L’école publique est en danger. Elle est très clairement dans le collima­teur du gouvernement pour les cinq années à venir. C’est même l’un des grands enjeux du quinquennat

Guerre à l’école publique
L’adoption au pas de charge en juillet d’une loi de mise en concurrence des universités avait donné le ton. Pour le gouvernement, tout l’édifice éducatif est visé. La récente conférence de presse du ministre Darcos sur la rentrée de la maternelle, du primaire et du secondaire confirme cette offensive. En justifiant sans broncher une saignée exception­nelle de 11 200 postes dans l’éducation nationale pour cette rentrée, essentielle­ment dans le secondaire, en déclarant qu’en la matière il y avait “ encore de la marge ”, sortant de son chapeau un sur­effectif potentiel de 32 000 postes, en se livrant à un long exposé en faveur de “ la suppression totale de la carte sco­laire à l’horizon 2010 ”, se félicitant de l’avoir entamée dès cette année…, le ministre a annoncé la couleur.

Pour masquer sa déclaration de guerre, Darcos a sorti, à la mode Sarkozy, son gadget “ ouverture ”, avec la création d’un comité de redéfinition du métier d’enseignant piloté par Rocard ! Comme le pouvoir le souhaitait, la nouvelle a fait diversion, les médias n’ont parlé que de ça. Il est vrai qu’à ce rythme, il y aura bientôt plus de personnalités socialistes dans les cabinets gouvernementaux qu’à l’université d’été du PS...

Reste qu’entre la nomination de Rocard et la suppression de 11 000 postes ou celle de la carte scolaire, qu’est-ce qui est le plus important ? Pour les ensei­gnants, les familles, les élèves ?
Parlons donc de l’essentiel : le gouver­nement prétend répondre à la crise du système scolaire en diminuant les moyens éducatifs, en palliant ce repli public par une montée en charge du privé, en instaurant progressivement la concurrence entre établissements et équipes éducatives, en restaurant les valeurs du mérite, en organisant le retour à une pédagogie normative à l’ancienne. Cette orientation ne permettra aucun recul de l’échec scolaire, elle permettra seulement de justifier l’échec en faisant porter sa responsabilité aux familles et aux enseignants. Présentée comme volontariste, cette politique est en réalité une politique de démission de toute ambition de réussite massive.

Le récent rapport du haut conseil à l’éducation pointe le trop haut niveau d’échec qui persiste dans le système éducatif. Publié à la veille de la rentrée, sa présentation sert opportunément à jeter le doute sur les performances de l’école publique. Mais surtout, en focali­sant le constat sur des taux d’échec très globaux, il occulte l’essentiel : l’extrême inégalité face à la réussite scolaire. L’école reproduit beaucoup trop les iné­galités de la société. C’est le problème essentiel. Ce n’est donc pas en calquant les modèles éducatifs sur le fonctionne­ment concurrentiel d’une société à l’ori­gine de toutes les fractures sociales et culturelles que l’on avancera.

Pour lutter contre l’échec, c’est-à-dire contre les inégalités d’accès au savoir, à la langue, à la lecture, à la culture, l’école publique doit plus que jamais s’appuyer sur les valeurs d’égalité, l’ambition culturelle, la visée de l’épa­nouissement humain qui font tant défaut à la société libérale.

Si la droite sarkozyste a décidé de s’atta­quer aussi rapidement et aussi violem­ment au système éducatif, c’est que l’école est l’enjeu d’un débat de société fondamental : société de jungle et de précarité dont n’émergent que les privi­légiés et quelques “ méritants ” ; ou société de droits et de progrès partagés ?

Face aux discours diviseurs du gouver­nement, ne laissons surtout pas les ensei­gnants attachés à ces valeurs seuls au front .


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