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Il y a 90 ans : la naissance de l'Internationale communiste

Nicolas Maury

Du 2 au 6 mars 1919, le congrès de fondation de la Troisième internationale se tint à Moscou. C'était l'aboutissement de l'appel lancé par les bolchéviks dès janvier 1918

Pour les bolchéviks, comme pour tous les marxistes de l'époque et même plus largement pour tous les courants qui se posaient le problème de renverser le capitalisme, anarchistes ou autres, le caractère international de la lutte pour l'émancipation des travailleurs était une idée qui allait de soi.

Dans l'esprit des bolchéviks, la révolution d'Octobre n'était donc qu'un premier pas : la révolution venait de commencer en Russie, « le maillon le plus faible de l'impérialisme » comme la définissait Lénine, mais elle ne s'achèverait qu'avec la défaite de la bourgeoisie à l'échelle de la planète.

Pour les révolutionnaires russes, ce premier succès ne se concevait donc que dans le cadre de la lutte internationale de la classe ouvrière contre la classe capitaliste.

Dans cette perspective, la Russie révolutionnaire représentait un point d'appui. Les bolchéviks étaient convaincus que l'État ouvrier ne pourrait tenir que si d'autres révolutions victorieuses venaient à la rescousse, en particulier dans des pays développés comme l'Allemagne et la France. Il était donc impératif de se donner les moyens d'étendre la révolution et de construire l'instrument nécessaire pour coordonner et diriger la lutte de classe à l'échelle internationale, tâche à laquelle s'attelèrent les dirigeants de l'État ouvrier russe en s'appuyant sur l'immense espoir soulevé par la victoire de la révolution prolétarienne d'octobre 1917.

La révolution russe avait déclenché dans toute l'Europe, et au-delà, une immense vague d'enthousiasme, ouvrant une nouvelle perspective, redonnant l'espoir, remobilisant tous les militants ouvriers, de toutes tendances, qui se fixaient pour objectif le renversement du capitalisme. Et l'appel lancé à la création d'une nouvelle Internationale ne resta pas sans écho.

Malgré tous les obstacles mis en place par les gouvernements des grandes puissances pour empêcher les militants de rejoindre Moscou afin de participer à ce congrès de fondation de l'Internationale communiste, le congrès rassembla des dizaines de délégués venant des quatre coins du monde. Parmi ceux qui rallièrent cette Internationale, il y eut certes des anciens dirigeants de la Deuxième Internationale, ces sociaux-démocrates qui n'avaient pas résisté à la vague chauvine au moment de la déclaration de guerre de 1914 et qui avaient rallié l'Union sacrée. Mais Lénine et les dirigeants russes misaient sur l'autorité morale et politique du Parti bolchévique, qui venait de démontrer sa capacité à mener le prolétariat jusqu'à la prise du pouvoir, pour imposer à la nouvelle Internationale, à ses partis, aux anciens militants comme aux jeunes générations, une politique communiste révolutionnaire sans faille.

Cette nécessité d'étendre la révolution pour assurer la survie de la Russie ouvrière était vitale, et elle se fondait sur une réalité. À la suite de la prise du pouvoir en Russie, une montée révolutionnaire se manifesta dans toute l'Europe, qui aurait pu submerger et détruire la bourgeoisie. Ce fut le cas en Allemagne par exemple, mais aussi, à des degrés divers, dans d'autres pays : l'Italie, la Hongrie, etc. Et même si elle ne parvint pas à la victoire, elle saisit de terreur les possédants et les gouvernements devant la perspective de tout perdre, et freina l'intervention des armées des grandes puissances coalisées pour écraser le jeune pouvoir ouvrier russe.

La Russie soviétique ne fut pas écrasée, mais elle sortit de la guerre et de la guerre civile à bout de souffle, comme « un homme mort » disait Lénine. Dans aucun autre pays la révolution ouvrière ne réussit à triompher. Le jeune État ouvrier resta isolé.


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