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L’histoire méconnue des enfants de déportés accueillis par des juifs communistes

Perspective communiste

C’est un dessin d’enfant comme on pourrait en voir aujourd’hui: une jolie maison surmontée d’une cheminée qui fume, et des enfants qui jouent dans l’herbe. En haut de la page figure un petit texte à l’écriture soigné : «Je ne veut plus quon nous traite de sale youpine et quon fasse plus la guerre pasque on n’ait tros malheureux […] aulieu de se disputé on devrait se donné la main pour faire une grande ronde». Le dessin date de mai 1949

Son auteur est une petite fille, Rachel. Comme des milliers d’autres enfants juifs, elle a été accueillie après la Libération dans l’un des foyers, patronages et colonies fondés par des juifs communistes, à travers l’Union des Juifs pour la résistance et l’entraide (UJRE), une organisation liée au Parti communiste français (PCF). Les dessins et les lettres de ces enfants, réalisés entre 1945 et 1951, ont été récemment retrouvés dans les archives du PCF, permettant d’éclairer cette histoire méconnue. Ils font l’objet d’un livre publié ce jeudi, Grandir après la Shoah (Les Editions de l’Atelier) et sont exposés parallèlement à Paris*.

Roland Topor et Boris Cyrulnik y ont été accueillis

Pour les communistes, recueillir ces enfants, cachés et traqués pendant l’Occupation et souvent orphelins, était un moyen de poursuivre la lutte, en leur redonnant toute leur place dans la société d'après-guerre. Les moniteurs qui les encadraient, parfois rescapés des camps, étaient pour beaucoup issus de la Résistance, et soucieux de transmettre une culture que les nazis avaient voulu faire disparaître. Cette préoccupation se retrouve dans certains dessins exposés, qui évoquent l’histoire du judaïsme et la culture yiddish.

L’histoire méconnue des enfants de déportés accueillis par des juifs communistes
D’autres dessins expriment une grande sérénité: un paysage bucolique, des dunes, des jeux tranquilles dans le jardin. «C’est la paix intérieure et politique, qui s’inscrit dans le contexte de Mouvement mondial des partisans de la paix, mené par les communistes», analyse Isabelle Lassignardie, docteure en histoire de l’art et coauteure du livre.

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Larissa, aujourd’hui âgée de 79 ans, garde un souvenir ému de ses années passées dans un foyer lorsqu’elle était enfant. «Je me suis rendu compte bien plus tard que les souvenirs cauchemardesques de la disparition de nos parents et nos propres péripéties étaient pour nous un facteur de cohésion, raconte-t-elle. Nous en parlions à voix basse dans les dortoirs (...), et il n’était pas rare que nous pleurions tous».

Des dessins témoignent de ce traumatisme de la guerre et de la Shoah, notamment ceux de l'artiste Roland Topor, accueilli dans une colonie à côté de Boulogne-sur-Mer avec Boris Cyrulnik, aujourd'hui devenu un célèbre psychiatre. L’un d’eux, réalisé en 1951, représente un train sur fond noir, légendé par l’adolescent lui-même: «Nous partons, finies les vacances». «On ne peut pas s’empêcher de penser aux trains qui ont emmené les juifs vers les camps, avance Frédérick Genevée, responsable des archives du PCF. Peut-être qu’on interprète a posteriori? En tout cas ces productions ont plusieurs significations». A l'image de cet autre dessin - réalisé par un groupe d'enfants - qui représente une plaque commémorative sur laquelle sont inscrits sept noms juifs et cette phrase : «Honorez leur mémoire, ils ont reçu plus de coups de polochon que vous».

*Du 2 au 27 mars à l’espace Niemeyer à Paris, puis à Montreuil

http://www.20minutes.fr/societe/1553947-20150305-histoire-meconnue-enfants-deportes-accueillis-juifs-communistes


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