Perspective Com
Le Honduras sous une chape de plomb

Nicolas Maury

L’armée a tiré sur des partisans du président Zelaya, faisant au moins une victime. L’intransigeance du régime putschiste de Micheletti alimente le risque d’un conflit meurtrier

Les putschistes du Honduras, à l’origine du coup d’État, le 28 juin, contre le président Manuel Zelaya ont tourné leurs armes contre la foule. Dimanche soir, l’armée a ouvert le feu sur une manifestation pacifique, décidée à accueillir le retour du chef de l’État légitime qui s’est vu interdire le sol de son pays comme un paria.

Selon les images retransmises par la chaîne câblée latino américaine Telesur, les sympathisants du président ont été pris dans une souricière, les militaires ayant laissé pénétrer les manifestants dans l’aéroport avant de tirer. Plusieurs sources faisaient état d’un mort et de onze blessés tandis que Blogs du Honduras avançait quant à lui le nombre de deux adolescents tués.

L’escalade de violence – Telesur a montré la présence de snippers sur des toits lors de cortèges pro-Zelaya – pourrait vite dégénérer en conflit meurtrier (voir notre édition d’hier). Un risque réel dans une région où les armes circulent à profusion mais surtout face à l’acharnement d’autorités qui ont pris le pouvoir par la force.

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a dénoncé le recours à la violence et demandé hier le rétablissement de « l’ordre constitutionnel », sous l’égide de l’Organisation des États américains (OEA). Depuis le Salvador où son homologue, Mauricio Funes, lui a offert l’hospitalité, Manuel Zelaya, en présence de ses pairs argentin, équatorien ainsi que des autorités de l’OEA, s’est adressé aux « soldats » et aux « policiers de la patrie ». « Je vous supplie (…) de ne plus réprimer le peuple hondurien », leur a-t-il dit, tout en appelant le peuple à la résistance pacifique.

MUSIQUE ET PROPAGANDE À Tegucigalpa, le Front national contre le coup d’État, composé de syndicats, d’organisations sociales et de défense des droits de l’homme, organisait, hier, un nouveau rassemblement pour le respect du droit constitutionnel. Une chape de plomb médiatique cherche à couvrir le bruit des balles. Comme des godillots, le quotidien la Prensa imputait, sans honte, la mort d’un jeune homme à « l’insistance de Mel », le surnom de Zelaya, tandis qu’El Heraldo reprenait le refrain du péril rouge contre l’Alliance bolivarienne pour les Amériques, Alba, composée, entre autres, de Cuba, de la Bolivie, de l’Équateur et du Venezuela. En revanche, pour avoir émis des déclarations du président Zelaya, Radio Globo n’était autorisée, dimanche, qu’à diffuser de la musique et des spots de propagande. Hier encore, le portail du Heraldo titrait sur les prétendues dispositions au dialogue des autorités illégales. Un écran de fumée pour faire diversion.

En expulsant le président démocratiquement élu, les autoproclamés de Tegucigalpa n’ont pas obtenu gain de cause. Aux condamnations de la communauté internationale ont suivi les sanctions financières comme le gel des prêts de la Banque interaméricaine de développement (BID), et du Fonds monétaire international (FMI). Et le pouvoir illégal, en dépit d’annonces tonitruantes concernant l’élaboration d’un budget national, va être confronté dans les jours qui viennent à de multiples crises en raison de la pénurie de combustible. Le pétrole vénézuélien, qui était livré à des tarifs préférentiels, grâce aux accords régionaux de coopération au sein de l’Alba et de Petrocaribe, permettant ainsi au Honduras de financer ses projets sociaux, ne sera désormais plus fourni, en signe de protestation.

Face à l’isolement, le président « intérimaire », Roberto Micheletti, surnommé « Pinocheletti » en référence au dictateur chilien, compte sur de solides appuis financiers et des relais politiques qui ne le sont pas moins : l’oligarchie terrienne et industrielle, l’armée, les médias, et l’Église. Et il ne trompe personne que ses réseaux vont bien au-delà du cadre strictement national. Sinon, comment pourrait-il s’accrocher de la sorte au pouvoir ? Cathy Ceïbe Solidarité. Manifestation le 8 juillet, à partir de 18 heures, place de la République, métro République


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