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Le PCF aile gauche de la social-démocratie ? Ça vous choque ? Pas Pierre Laurent !

Perspective communiste

Il n’y a pas si longtemps, quand on nous traitait, nous communistes, de socio-démocrates, ce n’était pas loin de sonner comme une insulte. Même les éléments les plus « droitiers » du Parti, même ceux qui sont passés directement au PS, refusaient le compliment avec véhémence. Nous-mêmes, nous ne manquerions pas de réagir vivement mais cela ne nous arrive jamais. A la radio l’autre matin, le 4 juillet 2011 sur France Inter, Pierre Laurent est interviewé par les journalistes de la « Matinale » de la chaîne. Au bout d’une dizaine de minutes, l’éditorialiste, vieux spécialiste du communisme et des pays de l’est, Bernard Guetta pose une question. Il n’en revient pas :

Bernard Guetta :

« Vous ne prônez plus ou pas la sortie de l’euro, plus ou pas la sortie de l’Union européenne.

Vous ne rejetez plus, en tout cas pas entièrement, l’économie de marché au profit de l’économie dirigée. Finalement qu’elle est aujourd’hui la différence entre le Parti communiste et une aile gauche de la social-démocratie ? »

La question provocatrice est loin de faire bondir, même réagir, Pierre Laurent. Au contraire, il va dans le sens du journaliste :

« Mais nous n’avons jamais été des antieuropéens. En tout cas, il y a bien longtemps que nous ne le sommes plus. »

Et de continuer à bien assurer que la Parti a changé, a faire son mea culpa sur l’Europe, à se revendiquer défenseur de « l’idée européenne », à entonner cette pédagogie de l’acceptation de l’UE du capital qui est celle du « Parti de la gauche européenne » que préside justement Pierre Laurent.

Pierre Laurent ajoute quand même sur « nous », les communistes :

« Ce qui nous distingue, c’est une détermination, quand même farouche, qui reste notre identité, ou ce pourquoi nous existons, à penser qu’il va falloir passer à autre chose que le système capitaliste. Le système capitaliste ne répond pas aux défis du 21ème siècle, ni au plan social, ni au plan du développement planétaire. »

Resté sur sa faim, Bernard Guetta tend une perche à Pierre Laurent :

« autre chose de quelle genre ? ».

Pierre Laurent précise :

« Il faut que la solidarité devienne le système d’organisation de la société, à la place de la concurrence. … Les valeurs d’égalité et de solidarité doivent prendre la place de la compétition, du mérite, de la concurrence ».

Bayrou ou Borloo y reconnaîtraient les leurs…

Interloqué Bernard Guetta lance :

« Bref, vous êtes un social-démocrate de gauche ? ».


Il en faudrait plus pour sortir Pierre Laurent de sa placidité. Gêné qu’on le classe dans les « antieuropéens », il n’est pas troublé d’être taxé de « social démocrate ».

Pierre Laurent répond donc :

« Oui, mais ( !!!!), les socio-démocrates, ils se sont un peu trop accommodés du marché. … Il y avait des socialistes qui étaient sur les mêmes valeurs que nous et beaucoup s’en sont éloignés pour se convertir dans les 25 dernières années au marché capitaliste... Ceux qui ont maintenu un certain nombre de valeurs comme nous sont peut-être le pôle d’avenir et de stabilité de la gauche. »

Pierre Laurent assume ses choix politiques dans la lignée de Marie-George buffet et de Robert Hue. Le PCF, transformé en Front de gauche, a vocation à reprendre la flamme de la social-démocratie abandonnée par la plupart des dirigeants du PS.

C’est exactement ce que Gysi et Lafontaine ont théorisé également pour leur parti « Linke » en Allemagne.

Que reste-t-il du PCF dans tout cela ? Le nom, l’appareil et ses élus locaux, hérités du temps où nous avions des positions révolutionnaires, une certaine force militante qui est appelée par Pierre Laurent à coller les affiches de Mélenchon.

Les conceptions de Pierre Laurent correspondent tellement à ce que nous vivons dans le PCF : à tout prix « métamorphoser » le PCF et le fondre dans une « social-démocratie de gauche », en préservant, pour préserver les places.

Le contresens est total quand Pierre Laurent prétend peser sur la « gauche ». La question n’est pas d’ailleurs pour lui, dans la même interview, si elle doit se coaliser mais dans quelles conditions elle va se regrouper derrière le PS.

La social-démocratie française n’a conservé, ou retrouvé un langage vaguement anticapitaliste – Mitterrand ayant atteint les sommets de l’hypocrisie au congrès d’Epinay de 1971 – que parce qu’il y avait un PCF puissant sur des bases révolutionnaires.

Elle peut continuer presque en roue libre avec une telle capitulation communiste derrière Mélenchon !

Une vague « gauche de la gauche », une « aile gauche de la social-démocratie » ne fera que canaliser pour la social-démocratie, partie prenante de la gestion européenne du capitalisme.

Le mérite véritable de Pierre Laurent est bien de dire ce qu’il pense même à la radio. Son tort, c’est de tout faire pour continuer à l’imposer dans le PCF !

Camarades, posons nous chacun la question ? Voulons-nous être des sociaux-démocrates de gauche ?

Pour nous, c’est non !

Même un Bernard Guetta, professionnel de l’anticommunisme, n’y retrouve plus ses petits !

http://vivelepcf.over-blog.fr/


Commentaires (1)
1. Brath-z le 08/08/2011 16:03
Et bien voilà qui confirme mon diagnostic : il existe, au PCF, une importante branche historique, qui tient même la direction, dont l'orientation économique et sociale est bien moins radical que le reste du Front de Gauche. Je l'avais déjà précisé dans un commentaire à ton "éditorial post-traumatique", mais je vais encore une fois le préciser : nombreux au PCF (et André Chassaigne en fait partie) considèrent que la gauche est faite d'un continuum depuis le social-libéralisme jusqu'au communisme révolutionnaire, qu'en somme, entre socialistes et communistes, il n'y a pas de différence de natures mais une différence de degrés. Ceci permet à des responsables du PCF de premier plan (ici, Pierre Laurent) de considérer le PCF comme "aile gauche de la sociale-démocratie". On pourrait voir aussi la sociale-démocratie comme "aile droite du communisme".
Cet état d'esprit n'est certainement pas celui de la majorité du Front de Gauche (minorités communistes - orthodoxe comme refondatrice -, PG, GU, alliés divers), qui considère plutôt qu'il y a nette distinction entre la gauche sociale-démocrate et la gauche non capitaliste. Une distinction irréductible qui n'empêche pas de s'entendre si nécessaire mais empêche toute alliance structurelle.

Et là, rendons à César ce qui est à César : ce diagnostic d'une distinction irréductible entre la gauche de compromis avec le capitalisme et la gauche sociale conséquente a été notamment (mais bien sûr pas uniquement) théorisé par Jean-Luc Mélenchon durant les années 1990. Jusqu'en 2005, il estimait que cette ligne de fracture se situait au sein du PS. Entre 2005 et 2008, il a finalement réalisé que le PS tout entier, à l'exception d'une "branche" marginale, se situait de fait dans la sociale-démocratie. Ayant toujours refusé (et c'est à porter à son crédit) le qualificatif de "social-démocrate", il a donc logiquement rompu avec ce parti, même si je pense qu'il aurait dû le faire dès 2005.

En tous cas cela confirme le fait que le Front de Gauche doit pour le moment en rester au stade du rassemblement tactique et surtout programmatique. Les diagnostics sont trop divergents en son sein pour insuffler une ligne idéologique, ou alors il va falloir épurer, et la gauche du PS se retrouvera à nouveau réduite en morceaux.
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