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Le Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN

Nicolas Maury

Le Salvador, plus petit Etat d'Amérique centrale, a viré à gauche après 20 ans de domination de la droite ultralibérale pro-américaine incarnée par l'ARENA (Alliance républicaine nationaliste)

Mauricio Funes, candidat de l'ancienne guérilla d'extrême gauche du FMLN (Front Farabundo Marti pour la libération nationale), a remporté l'élection présidentielle du 15 mars avec plus de 51% des suffrages. Son unique adversaire, le candidat de l'ARENA, l'ex-directeur de la police nationale Rodrigo Avila, a reconnu sa défaite.

Ce revirement historique est la dernière vague de la marée de gauche qui déferle depuis dix ans sur l'Amérique latine. Désormais, parmi les pays latino-américains, seuls le Mexique et la Colombie ne sont pas dominés par une gauche radicale ou modérée. (Même si on les range parfois dans le camp conservateur, les présidents du Pérou, Alan Garcia, et du Costa Rica, Oscar Arias, n'en demeurent pas moins des personnalités de l'Internationale socialiste).

Plus de 4,2 millions des 6,8 millions de Salvadoriens étaient convoqués au urnes. La participation au scrutin a été proche de 60%. Après dépouillement de 90,68% des bulletins de vote, le Tribunal suprême électoral du Salvador attribuait 51,27% des voix à Mauricio Funes contre 48,73% à Rodrigo Avila.

Dans un communiqué diffusé par le ministère des Relations extérieures du Venezuela, le président Hugo Chavez applaudissait aussitôt une "victoire qui consolide le courant historique levé dans toute l'Amérique latine et les Caraïbes en cette première décennie du 21e siècle". Félicitant Mauricio Funes, le chef de l'Etat vénézuélien affirme que "l'union de nos peuples est l'unique chemin pour surmonter la crise venue du coeur du capitalisme du Nord".

Hugo Chavez croit que "la conscience majoritaire du peuple salvadorien a pulvérisé les campagnes d'infamie de la droite internationale". Au cours de la campagne électorale, l'ARENA, appuyée implicitement de Washington par des congressistes républicains américains, prétendait que le FMLN "vendrait la patrie" en rejoignant le camp de la gauche radicale au pouvoir au Venezuela, à Cuba, au Nicaragua, en Equateur et en Bolivie.

cette campagne était crédibilisée par l'appui économique vénézuélien aux mairies salvadoriennes contrôlées par le FMLN, par la présence régulière et publique de dirigeants de l'ex-guérilla salvadorienne aux côtés de Hugo Chavez lors de manifestations à Caracas, par l'inclusion explicite du Salvador dans la "grande patrie socialiste" souvent invoquée par le président Chavez dans ses discours, ainsi que par les liens discrets mais avérés du FMLN avec la guérilla marxiste colombienne des FARC, dont Hugo Chavez réclamait en janvier 2008 la reconnaissance internationale.

Formé en 1980 par cinq mouvements de guérilla, le Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN, gauche) s'est transformé en parti politique après les accords de paix signés en 1992 pour mettre fin à douze ans de guerre civile au Salvador. Dès les élections législatives de 1993, le FMLN s'est converti en principale force d'opposition face à l'Alliance républicaine nationaliste (Arena, droite), qui a gouverné le pays ces vingt dernières années. Lors de l'élection présidentielle de 2004, le candidat du FMLN, Schafick Handal, dirigeant historique du Parti communiste, avait été largement distancé par le candidat de droite, Antonio Saca. Aux législatives de janvier 2009, le FMLN est devenu le premier parti du pays.

Le FMLN tire son nom du dirigeant communiste Agustin Farabundo Marti, l'organisateur d'une insurrection paysanne qui avait été réprimée dans le sang en 1932. Farabundo Marti avait été fusillé par la Garde nationale durant la répression qui avait fait plus de 20 000 morts. Malgré l'échec de "l'offensive finale" qu'il avait lancée en janvier 1981, le FMLN avait réussi à constituer une armée rebelle comptant des milliers de combattants retranchés dans les montagnes. Le FMLN disposait d'hôpitaux de campagne, d'ateliers de fabrication d'armes et de Radio Venceremos. Dans une déclaration conjointe d'août 1981, la France et le Mexique avaient reconnu le FMLN comme "une force politique légitime et représentative du peuple salvadorien".

Le Salvador est devenu un important théâtre d'opérations de la guerre froide durant les années 1980. Les Etats-Unis ont dépensé 6 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros) pour soutenir le gouvernement salvadorien et son armée, pourtant accusée de multiples massacres et violations des droits humains. Au total, 75 000 personnes ont été tuées durant la guerre civile. Selon la "commission de la vérité" créée par les Nations unies après les accords de paix signés au Mexique, 85 % des assassinats, dont ceux de six jésuites et de quatre religieuses américaines, ont été commis par l'armée et les escadrons de la mort. Quelque 5 % des crimes étaient imputables à la guérilla. Les responsabilités n'ont pu être établies dans 10 % des cas.


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