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Le pouvoir veut en finir avec la durée légale du travail

Nicolas Maury

En appelant salariés et retraités à descendre massivement dans la rue le 17 juin prochain, CGT, CFDT, FSU et Solidaires tirent un signal d’alarme à la hauteur des menaces qui pèsent sur les droits et conditions de travail de millions de salariés. Le 19 décembre dernier, Sarkozy promettait de respecter les syndicats et leur pouvoir de négociation

Le pouvoir veut en finir avec la durée légale du travail
En décidant de déposer un projet de loi sur le temps de travail, le gouvernement dynamite et l’accord intervenu sur la représentativité syndicale à peine signé et tout un pan du Code du travail déjà nettoyé à la sauce libérale.

Ce texte, élaboré sous la houlette du ministre du Travail, démontre à quel point la traduction dans la réalité du « travailler plus pour gagner plus » promis aux Français ne retient décidément que la première partie du slogan, déjà largement et lourdement vécue par des millions de salariés. Et dont beaucoup le payent de leur vie ou de leur santé sacrifiée. Les 35 heures ont permis à la fois des créations d’emplois massives et de maintenir le pays aux premiers rangs de la productivité horaire en Europe.

Il s’agit pour cette majorité de droite et tous ceux qui sont acquis à la fatalité d’une économie sous tutelle financière de ne surtout pas toucher aux profits record engrangés par ce même travail et encore plus d’encourager de nouvelles hausses du taux de profits des mêmes actionnaires rois. De ce point de vue, l’hypothèque de 2002 n’est toujours pas levée à gauche.

Mais voici venu le temps de l’extension tous azimuts de l’aggravation de la charge de travail par individu avec comme objectif absolu l’abaissement réclamé par le MEDEF du « coût du travail » - entendez sa rémunération. En remettant en cause le droit à une retraite à 60 ans payée dignement, tenant compte de l’élévation de la qualification, donc de la durée des études ou de la pénibilité, le gouvernement crée les conditions d’une concurrence accrue entre générations. En avançant d’un an l’ouverture du marché du travail, salué encore une fois par le MEDEF, aux salariés d’Europe de l’Est, il porte le fer de la concurrence sur la politique d’immigration.

Et avec ce projet de loi, le gouvernement et l’UMP entendent avancer de manière décisive dans un des objectifs communs à l’organisation de Laurence Parisot et à son « ami Nicolas » : faire sauter le « verrou » de la durée légale du travail pour rendre encore plus dépendant chaque salarié de son employeur. La patronne des patrons semble oublier ces jours-ci le modèle qu’elle et son organisation vantait, le 26 février dernier, dans les salons il est vrai plus feutrés du Parlement européen qui lui étaient offerts pour une convention. S’il y a une « stratégie gagnante » en Europe au chapitre marché du travail, c’est la « Grande Bretagne » de Tony Blair et Gordon Brown, disait-on : « charges peu élevées, flexibilité du marché du travail et absence de pression excessive de l’emploi ».

Avec quelques petits jours de recul, la prétendue polémique entre le secrétaire général de l’UMP, le chef de l’État et son ministre du Travail apparaît pour ce qu’elle est : une opération de brouillage de plus, masquant la réalité des projets aussitôt sortis du chapeau, permettant d’occuper tout le terrain médiatique et du débat politique.

A l’approche du 17 juin, elle peut faire long feu. Les salariés, les jeunes, les retraités de ce pays auraient tout à y gagner. Que FO choisisse d’ignorer l’attaque ou que la LCR passe en quelques jours de la dénonciation du « piège tendu » à la « claque » pour fustiger, en des accents dignes d’il y a quarante ans, la CGT et la CFDT n’est pas un facteur d’unité, pourtant nécessaire du monde du travail face à la surenchère néolibérale et à la sauvagerie sociale qu’elle risque d’entraîner. Mais les petites manœuvres n’ont guère empêché les grandes mobilisations.


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