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Le retour des communistes en République tchèque (Le Monde)

Perspective communiste

[Note personnelle] C'est un article malsain comme sait si bien le faire Le Monde lorsqu'il s'agit de parler d'un Parti communiste. On a l'impression que le journaliste vient de débarquer en République Tchèque et qu'il découvre un "pays de sauvages" tiraillé entre les populistes anti-UE et les communistes anti-UE. Cependant cet article peu apporter quelques actualités et explications

Analyse. Le Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSCM) est en mesure, pour la première fois depuis la transition, de soutenir un gouvernement, analyse le correspondant du « Monde » Blaise Gauquelin

Les Tchèques devraient se presser devant les portes du Musée national, le 28 octobre, en vue de sa réouverture après rénovation. Car pour la première fois, un original des accords de Munich va y être exposé au public praguois. Les 29 et 30 septembre, le pays a aussi célébré le 80e anniversaire de la conférence qui s’est tenue dans la ville bavaroise. Réunissant les représentants de l’Italie fasciste, de l’Allemagne nazie, de la France et de la Grande-Bretagne, elle marqua l’abandon de la Tchécoslovaquie par les démocraties occidentales et permit l’annexion du territoire des Sudètes par Hitler.

L’humiliation a eu des conséquences énormes. La mémoire est restée à vif et les historiens tchèques débattent encore des défaillances, notamment dans l’intégration des minorités, ayant amené Berlin à envoyer des troupes. Le ressentiment anti-occidental était exploité à la libération par le Parti communiste tchécoslovaque (PCT). Depuis, la République tchèque a conservé un parti communiste, héritier direct du régime d’avant 1989.

Baptisé Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSCM), il est désormais en mesure, pour la première fois depuis la transition, de soutenir un gouvernement démocratique. « Il ne faut pas oublier que, contrairement à la Pologne, à la Hongrie ou à la Roumanie, le parti tchécoslovaque avait une assise dans la société industrialisée, des relais syndicaux et intellectuels entre les deux guerres, rappelle l’historien Jacques Rupnik, qui a publié une Histoire du Parti communiste tchécoslovaque. Or les accords de Munich ont été perçus comme une trahison discréditant l’option libérale et occidentale. Après la libération par l’Armée rouge, le PCT est arrivé en tête des suffrages. Il a réalisé un score de 40 % des voix dans les pays tchèques » (moins en Slovaquie).

A la chute du rideau de fer, le PCT tentera de faire oublier qu’il « préside le syndic de faillite ayant gouverné la Tchécoslovaquie pendant quarante ans » et reste à ce jour le seul parti communiste non transformé ayant survécu à la transition, puis à l’adhésion à l’Union européenne, datant, pour la République tchèque et la Slovaquie – séparées le 1er janvier 1993 –, de 2004. Ses scores, depuis, pourraient relever de la simple anecdote. Mais il est récemment sorti de son insignifiance. Le 12 juillet, le KSCM a apporté son soutien au gouvernement minoritaire de coalition avec les sociaux-démocrates du premier ministre Andrej Babis, un milliardaire populiste, arrivé en tête aux élections législatives des 20 et 21 octobre 2017.

Capacité de chantage

Pour Vojtech Filip, son président, l’intérêt de ce mariage de la carpe et du lapin est évident. C’est la première fois qu’il compte. Cela fait presque trente ans qu’il est là et personne ne lui adressait la parole. Sans participer au gouvernement, il va obtenir quelques postes dans les administrations et les entreprises publiques.

A l’usage, il compte sans doute aussi obtenir une capacité de chantage. M. Babis le sait. Et d’ailleurs, le choix des communistes n’avait pas sa préférence. Il aurait souhaité une coalition avec la droite, nettement plus fréquentable. L’idée qu’il fait sortir le Parti communiste de son isolement lui est reprochée. Mais il brandit la menace d’élections anticipées, très risquées pour toutes les formations sauf la sienne, qui, dans les sondages, reste stable.

Après avoir réalisé son plus mauvais score depuis la chute de l’URSS, le KSCM se retrouve donc dans une position inespérée, ce qui permet à Vojtech Filip d’user d’une liberté de parole inattendue. L’histoire, selon lui, n’est « jamais noire ou blanche ». Interrogé par Le Monde dans son bureau du Parlement à Prague, il s’autorise une nostalgie soudaine pour les « golden sixties », décennie au cours de laquelle « les scientifiques et les artistes tchécoslovaques ont acquis une renommée mondiale ».

Il est moins disert sur la répression dont furent victimes ces derniers, lors du printemps de Prague en 1968, rappelant simplement les excuses présentées par son parti à la population tchécoslovaque, en décembre 1989. Il refuse de dénoncer la situation au Venezuela. Même chose pour la Corée du Nord, où il s’est rendu une fois. Il se borne à évoquer deux réformes essentielles à ses yeux : ses partisans ne font plus la confusion entre la propriété de l’Etat et celle de la société. Ils se reconnaissent dans le pluralisme institutionnel et ne soutiennent plus l’inscription dans la Constitution du rôle central du Parti communiste…

Misant sur des ressorts protestataires et nationalistes, M. Filip préfère attaquer « la politique idiote de la Commission européenne » sur les migrations et vient au secours du Hongrois Viktor Orban, à qui l’on adresse « des reproches très injustes, alors qu’il essaye simplement de protéger la frontière commune de Schengen ». L’Allemagne voisine, principale partenaire économique et politique de la République tchèque, n’est pas épargnée, elle non plus. « On pourrait demander à ses habitants si cela ne les dérange pas d’avoir des troupes américaines stationnées sur leur territoire depuis 1945 », glisse-t-il. « Le général de Gaulle n’aurait jamais admis cela. L’Europe se porterait mieux sans l’Otan, qu’il faut dissoudre. »

Et alors que Prague joue les intermédiaires en Syrie, où les diplomates tchèques ont réussi à maintenir une représentation, M. Filip se montre sévère envers la France et la Grande-Bretagne, « intervenues en Syrie sans accord du Conseil de sécurité ». Reprochant avant 1989, sans doute à juste titre, la lâcheté de ces puissances face aux appétits du Reich il y a quatre-vingts ans, les communistes tchèques ne craignent pas la contradiction lorsqu’ils défendent aujourd’hui la souveraineté du « bourreau de Damas ».

Le Monde


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