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Législatives au Japon : 4 700 289 de voix pour le Parti Communiste Japonais

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Le Parti Libéral-Démocrate, parti conservateur de droite, a remporté hier la majorité des voix lors d'élections législatives. Le scrutin a été marqué par une abstention record. Les démocrates de centre-gauche, le parti sortant, sont sanctionnés pour leur politique économique et leur gestion de Fukushima - Article de Nico Maury et Olivier Tarteaut

Le verdict des élections de ce dimanche au Japon est sans appel. Le Parti démocrate japonais (PDJ), qui avait pris le pouvoir en 2009, chute de 308 sièges à 57. L'alternance, qui devait revigorer la démocratie japonaise anémiée par la trop longue mainmise des conservateurs du Parti libéral démocrate (PLD), a cruellement déçu. Le désenchantement des électeurs s'est traduit par la plus faible participation de l'après-guerre (59,3 %). Et le PLD revient au pouvoir avec 294 élus.

Les deux grands partis ont surenchéri de nationalisme, mais ont évité de se prononcer clairement. Sur le TPP, chacun a promis d'ouvrir des négociations, mais sans rien concéder qui nuise à qui que ce soit au Japon. Sur le nucléaire, le PLD de retour au pouvoir entend réfléchir.

Le mouvement antinucléaire entre en politique avec le Parti de l'Avenir (9 sièges). Mais il a été submergé par des ralliés de circonstance, fuyant le PDJ en perdition. Avec 54 sièges, le Parti de la Restauration a fait bien mieux. Prônant le maintien du nucléaire et des réformes économiques douloureuses, il entend incarner un Japon résolu à retrouver sa puissance. Mais la figure de proue de la Restauration est le gouverneur de Tokyo, Ishihara Shintarô, héraut des ultranationalistes, spécialisé dans la négation des crimes de guerre japonais, les propos xénophobes et les provocations antichinoises.

Cinq thèmes ont dominé le débat

1) L'avenir du nucléaire, dont 75 % des Japonais ne veulent plus.
2) Le doublement de la TVA, pour financer la protection sociale d'une population qui vieillit massivement et dont 16 % vivent désormais sous le seuil de pauvreté.
3) L'adhésion du pays au TPP, vaste espace de « partenariat économique » qui se met en place des deux côtés du Pacifique : en y adhérant, le Japon s'exposerait à un choc de concurrence salutaire... ou mortel.
4) La politique économique, qui oscille depuis vingt ans entre réformes structurelles et relance par la dépense publique.
5) La montée des tensions avec la Chine, autour des îlots Senkaku, qui font flamber les passions nationalistes dans les deux pays.

Législatives au Japon : 4 700 289 de voix pour le Parti Communiste Japonais
La résistance du Parti Communiste malgré un contexte défavorable

Le Parti Communiste Japonais (日本共産党, Nihon kyōsantō) recueille 4.700.289 voix (7,88%) lors des législatives par circonscriptions à la chambre des représentants. Ce score représente une réussite importante pour le PCJ car il y a une progression de 3,66 points par rapport à 2009 (2.978.354 voix). Cependant le PCJ ne parvient pas a gagner des élus sur ces circonscriptions.

Le PCJ, dans un contexte de droitisation de la politique et de poussée du nationalisme dans le pays, parvient a conserver 8 de ses 9 élus sur le scrutin proportionnel. Il marque cependant le pas en recueillant 3.689.159 voix (-0,9 points / 4.943.886 voix / 7,03%) et 6,13%.

Les circonscriptions se jouent au premier tour seulement, et qu'il n'y a quasiment aucune ou le PCJ en mesure de l'emporter (sauf une ou deux vers Osaka ou Kyoto, mais dans ces circonscriptions le PLD et les nationalistes avaient présenté des listes communes). Si le PCJ progresse largement sur la "première élection" il régresse sur la deuxième ou il perd 0,9 points, ce qui explique sa perte d'un siège dans son bastion du Kansai. C'est d'ailleurs très inhabituel que ses résultats au proportionnel soient inférieurs à ceux par circonscription. D'habitude les électeurs votent démocrate par circonscription (pour bloquer le PLD vu qu'il n'y a un qu'un tour) et communiste à la proportionnelle. Bien que n'étant pas allié du PDJ, le PCJ avait par exemple présenté peu de candidats par circonscription en 2009 afin de favoriser la victoire du PDJ et l'alternance. Le désenchantement des électeurs vis à vis du PDJ joue surement car le PCJ a présenté des candidats partout cette fois, d'ou l'augmentation du score.

Le Parti Communiste Japonais, malgré les massives vagues d'adhésion qu'il a connu, ne parvient pas a faire fructifier électoralement cette donne. Le PCJ est resté bien implanté aux échelons politiques locaux et régionaux mais son influence est plus faible au niveau national.

Les 8 députés élus du PCJ
Les 8 députés élus du PCJ
Le PCJ, un parti pacifiste, plaçant les "réformes démocratiques" et la réponse quotidienne aux aspirations des travailleurs avant la "révolution socialiste"

Le Parti communiste japonais est l'un des plus grands partis communistes d'opposition au monde. Il compte environ 400 000 membres répartis dans 25 000 sections. Depuis septembre 2007, le Parti enregistre une moyenne de 1 000 nouveaux adhérents, souvent jeunes. En majorité des moins de 25 ans, des jeunes condamnés à la précarité ou des étudiants.

Contrairement aux autres partis communistes d'Europe ou d'ailleurs, il n'a pas connu de crise interne à la suite de la chute de l'Union soviétique, et n'a pas non plus songé à changer son nom ou ses objectifs. Le Parti Communiste Japonais demande l'abolition du capitalisme et l'établissement d'une société basée sur le socialisme, la démocratie et la paix, en opposition au militarisme. Il veut arriver à ses buts en travaillant à l'intérieur du cadre fixé par la démocratie parlementaire.

Bien qu'ayant été d'inspiration léniniste, le parti ne soutient plus la révolution socialiste : il adhère en effet à l'idée d'une révolution démocratique depuis 1958, et a renoncé à la notion de dictature du prolétariat en 1976. Le parti communiste est donc anti-capitaliste et pacifiste. Il n'envisage plus l'action armée - depuis les années 1980 il n'existe plus de contact avec des organisations du type de l'Armée rouge japonaise - et milite pour un respect total de l'esprit de la Constitution de 1947. Il est le seul à inscrire dans son programme l'abrogation du traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon, et s'oppose farouchement à l'acquisition d'armes nucléaires par le Japon et à la révision de l'article 9 de la Constitution. Également seul parti politique japonais à s'être opposé en son temps à l'impérialisme japonais et à la participation du pays à la Seconde Guerre mondiale, il milite pour que le gouvernement fasse des excuses officielles pour les exactions commises par l'armée impériale durant le conflit.

Depuis 2004, par ailleurs, la rhétorique s'est adoucie. Les appels à la "révolution socialiste" ont cédé la place aux simples demandes de "réformes démocratiques". Le PC japonais se veut responsable. Il refuse les subventions publiques et rejette les offres d'alliance avec les grands partis. Ses dirigeants sont de tous les combats pour la défense des précaires. Selon un membre du parti s'exprimant en mai 2009 : « Bien sûr, notre objectif final est une société socialiste, communiste au Japon, dépassant le capitalisme. Mais avant cela, nous avons une approche graduelle. La première étape est de résoudre les problèmes du travail et du niveau de vie selon la demande des gens ».

Opposé à toute forme de nationalisme, il rejette tant le drapeau que l'hymne officiel du pays, et s'il ne s'oppose plus désormais au maintien sur le trône de l'empereur, il insiste pour qu'il soit limité à un simple rôle symbolique, ce qui est largement le cas aujourd'hui.


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