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Les communistes qui ont fait l'Histoire

Nicolas Maury

Ambroise Croizat, "Ministre des travailleurs" et créateur de la sécurité sociale: "Jamais nous ne tolérerons que soit rogné un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès."

Les communistes qui ont fait l'Histoire
Ambroise Croizat naît un 28 janvier 1901. Entre l'éclat des fours et la lumière des coulées, son père, Antoine, est manouvre. Douze heures par jour à enfourner des bidons de carbure pour huit sous de l'heure. À peine le prix du pain. En cette aurore de siècle, les accidents du travail sont quotidiens, pas de Sécu, pas de mutuelle, pas de retraite: c'est le niveau zéro de la protection sociale.

À treize ans, il est ajusteur, et derrière l'établi résonnent les mots du père : " Ne plie pas petit. Marche dignement. Le siècle s'ouvre pour toi. " Le chemin va s'ouvrir par une manifestation contre la boucherie des hommes. Ambroise adhère à la CGT puis à la SFIO. À dix-sept ans, il est sur tous les terrains de lutte.

Il anime les grandes grèves de la métallurgie lyonnaise. Il entre au PCF en 1920. " On le voyait partout, dit un témoin d'époque, devant les usines, au cour d'une assemblée paysanne ou d'une cellule de quartier. Il était là dans son élément, proche des gens, proche du peuple d'où il venait. "

Antimilitarisme, anticolonialisme, les deux mots tissent les chemins du jeune militant, entre une soupe populaire et les barreaux d'une prison de passage. En 1927 il est secrétaire à la fédération des métaux CGTU. Il anime les grèves de Marseille et de Lorraine, les comités de chômeurs de Lille ou de Bordeaux. " S'unir, plus que jamais s'unir, disait-il, pour donner à la France d'autres espoirs. " Ces mots, il va les laisser aux abords des usines, au cour des luttes où " l'infatigable unitaire " comme l'appelait François Billoux, ouvre avec d'autres l'ère du Front populaire.

En 1936, Ambroise est élu député de Paris. À la tête de la fédération des métaux CGT réunifiée, et derrière les bancs de l'Assemblée, il impose la première loi sur les conventions collectives et donne avec Benoît Frachon aux accords Matignon la couleur des congés payés et des quarante heures. Mais la route s'ennuage.

Arrêté le 7 octobre 1939, avec d'autres députés communistes, il est incarcéré à la prison de la Santé. Fers aux pieds, il traverse quatorze prisons françaises avant de connaître les procès truqués, la déchéance de ses droits civiques et les horreurs du bagne à Alger. Trois ans d'antichambre de Cayenne. Libéré en février 1943, il est nommé par la CGT clandestine à la commission consultative du gouvernement provisoire d'Alger.

En 1945 il entre au ministère du Travail. "Le ministre des travailleurs" de 1945 à 1947, laisse à l'agenda du siècle ses plus belles conquêtes : la généralisation des retraites, un système de prestations familiales unique au monde, les comités d'entreprises, la médecine du travail, le statut des mineurs, celui des électriciens et gaziers (cosigné avec Marcel Paul), les classifications de salaires, la caisse d'intempérie du bâtiment, la loi sur les heures supplémentaires, etc.

Une oeuvre de titan pour une vie passée au service des autres. En 1950, alors que la maladie ronge, ses derniers mots à l'Assemblée nationale sont encore pour la Sécurité sociale : "Jamais nous ne tolérerons que soit rogné un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès."

Ambroise Croizat est mort à Paris le 10 février 1951. Ils étaient un million pour l'accompagner au Père-Lachaise. Le peuple de France, " celui qu'il avait aimé et à qui il avait donné le goût de la dignité ", écrivait Jean-Pierre Chabrol dans l'Humanité du jour.


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