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Les fortunés en salivent déjà

Bruno CADEZ

Dès juillet, les riches bronzeront avec le sourire. Tour d’horizon des cadeaux qui leur sont promis par Sarkozy/Fillon

Les fortunés en salivent déjà
Le bouclier fiscal : 400 millions d’euros en moins pour les caisses de l’État

Créé par le gouvernement Villepin, il consiste à plafonner la somme de trois impôts (impôt sur le revenu, impôt sur la fortune et impôts locaux) à 60 % du revenu imposable. « Seuls 93.000 foyers sont concernés » rappelle la CGT, en faisant remarquer que 400 millions d’euros vont du coup manquer au budget de l’État (et donc aux hôpitaux, aux écoles...). Ceci alors que 18 millions de Français payent l’impôt sur le revenu. Cela rapportera 18.000 euros en moyenne aux plus fortunés. La CGT des impôts avait, ce printemps, cité le cas d’une retraitée fortunée à qui le fisc avait retourné un chèque de 7,7 millions de trop perçu ! Le bouclier sera abaissé à 50 % à partir du 1er janvier 2008.

La suppression de droits de succession : les 3/4 des Français ne sont pas concernés

« Il nous apparaît moral que chaque famille, au seuil de sa vie, puisse transmettre le fruit de ses efforts sans être lourdement taxée » a encore affirmé cette semaine Nicolas Sarkozy. Le président, sur ce coup, nous joue encore la comédie. Dans un but évident de propagande, il laisse entendre que tous les foyers, et notamment les plus modestes, sont concernés par cette mesure. C’est faux. Aujourd’hui, dans la plupart des cas, les successions ne sont pas taxées, en raison de la faiblesse du patrimoine.
Seules 25 % des successions sont imposées. 90 % des transmissions de patrimoine entre époux et 80 % de celles entre parents et enfants et enfants et parents ne font pas l’objet de taxes. Dans la moitié des cas, les actifs transmis ne dépassent pas 55.000 euros. Seuls 10 % dépassent les 220.000 euros (ce qui obligerait le smicard à épargner la moitié de son salaire toute sa vie pour atteindre un tel patrimoine).
En fait de protéger une vie de labeur, il s’agit bien, de la part de Sarkozy, d’aider les héritiers de la bourgeoise française à échapper à la solidarité nationale. Car en attendant, sa mesure priverait chaque année les ressources du pays d’environ 5 milliards d’euros.

La défiscalisation des heures supplémentaires : tout bénéfice pour les patrons

Une fois encore, côté patron, c’est tout bénéfice. De nouvelles exonérations sont programmées pour alimenter la pompe à profits. Dans le même temps, cette mesure va empêcher les augmentations de salaires et jouer contre l’emploi. Les patrons préféreront augmenter les heures supplémentaires plutôt que d’embaucher, alors que des millions de personnes sont au chômage.
Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault indiquait d’ailleurs dernièrement qu’il redoutait que cela ne se traduise par le retour au chômage des intérimaires. Dans un rapport débattu cette semaine au Conseil d’analyse économique, trois économistes, qui sont loin d’être des antilibéraux, Patrick Arthus, Pierre Cahuc et André Sylberger, redoutent que cette mesure pousse « un employeur et son salarié à se mettre d’accord pour abaisser (pour ne pas augmenter) le taux de salaire des heures normales » et « déclarer fictivement un grand nombre d’heures supplémentaires afin de bénéficier des avantages fiscaux ».

L’Impôt sur la fortune réduit à peau de chagrin voire à rien du tout

Le gouvernement rendra possible « dans la limite de 50.000 euros, la conversion de la cotisation ISF en investissement au capital des PME, des fondations et même des universités lorsque celles-ci auront un statut autonome » a annoncé le ministre du Budget et des Comptes publics, Eric Woerth. Alors que les riches peuvent déjà déduire les sommes investies dans des œuvres d’art, des bois et forêts ou des participations dans des entreprises qu’ils dirigent, « l’impôt confiscatoire » dénoncé à droite et par les milieux d’affaires va là encore se réduire comme peau de chagrin, voire être supprimé dans certain cas selon des économistes.

La déduction des intérêts d’emprunt immobilier : la démagogie contre le droit au logement pour tous

La presse en fait des choux gras : il sera possible pour les personnes accédant à la propriété et ayant emprunté à cette fin de déduire 20 % des intérêt de leur emprunt, durant 5, 7 ou dix ans. Nicolas Sarkozy a affirmé cette semaine que tous les crédits en cours seraient concernés. Les personnes non imposables recevraient un crédit d’impôt sous forme de chèque. « L’objectif est que tous les foyers puissent en bénéficier » explique-t-on au ministère.
Le candidat Sarkozy avait, durant la campagne, mis l’accent sur « le rêve de propriété » des plus modestes. Quand le droit au logement est à ce point mis en cause comme aujourd’hui, qui pourrait contester cette aspiration à la sécurité d’un toit ?

Le problème, c’est qu’aujourd’hui, les plus modestes, et nombre de salariés, n’ont pas accès aux prêts leur permettant de devenir propriétaire. L’envolée des prix immobiliers, favorisée par les politiques de ces dernières années, étant un obstacle insurmontable pour grand nombre de Français. Cette mesure n’aura donc pour effet que d’acter une situation à bien des égards inégalitaires. « Cette mesure est proportionnellement plus intéressante pour les revenus jusqu’à 3,5 à 4 fois le SMIC », selon Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université de Paris X Nanterre. Parler, les larmes aux yeux, du « rêve de propriété » des plus modestes vise à justifier l’absence de politique du logement social garantissant un toit pour tous.



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