Perspective Com
Les références idéologiques de Sarkozy sentent mauvais

JACQUES RICHAUD

L'idée que "le travail libère l'individu" revient avec régularité dans les discours de Nicolas Sarkozy depuis 10 ans. Pour ceux qui ont la mémoire courte, il faut rappeler que l'inscription à l'entrée du camp de concentration nazi d'Auschwitz et Dachau était précisément "Arbeit macht frei" ("le travail rend libre").

Les références idéologiques de Sarkozy sentent mauvais
Le slogan sarkozien n ’est en rien innocent. Nul ne peut imaginer que lui-même et ses conseillers en communication seraient ignorants de l’utilisation historique de cette phrase « LE TRAVAIL REND LIBRE » …(ARBEIT MACHT FREI) au lieu et au temps le plus sombre de l’histoire humaine du vingtième siècle.

Dans la phraséologie nazie des années trente ce slogan « Le travail rend libre » a été construit pour contrer le message du socialisme et de tous les humanistes qui théorisaient sur la nécessité de « libérer l’homme » de « l’aliénation du travail contraint ». Deux lectures d’un même mot correspondant à deux idéologies contraires ; l’une pour laquelle la primauté de l’activité humaine est d’atteindre à la réalisation de son émancipation, c’est le programme de toute la pensée socialiste ; l’autre occultant cette finalité d’émancipation pour privilégier la production sans refuser l’idée de la contrainte exercée sur les hommes, ce fut le projet du capital autant que du totalitarisme nazi.

Il sera objecté bien sur que le programme UMP ne prévoit pas de transformer le pays en camp de travail ou d’extermination... Mais il faut observer que cette idée est présente dans le langage sarkozien depuis dix ans et que les mots ont une vie mentale au-delà du mot lui-même. Les mots portent des "images" subliminales qui peuvent rester inconscientes, les mots contribuent à un "métalangage" qui participe au formatage de la pensée. Dans le cas qui nous préoccupe ce métalangage porte plusieurs évocations :

-L’image refoulée du slogan hitlérien peut susciter, même sans que la cause remonte à un niveau de conscience, la crainte d’un ordre autoritaire et le slogan agit comme une injonction à accepter l’évidence proférée : « le travail c’est la liberté »…Si non… !

-Cette acceptation induit le non dit que « sans le travail » l’homme serait sous-classifié, présumé non libre et peut-être ne pouvant prétendre aux même droits ? Cette affirmation première liant travail et liberté peut être utilisée demain pour discriminer les droits en fonction du statut d’actif ou de chômeur…

-Cette affirmation, comme dans son utilisation depuis les années trente occulte la dimension aliénante du travail et tente de délégitimer tout discours d’inspiration humaniste ou socialiste qui « poserait autrement » la question du travail.

Le slogan sarkozien n’est donc pas destiné à glorifier les travailleurs, mais à leur faire admettre à la fois l’ordre capitaliste et l’ordre autoritaire.

Qu’aucun des candidats adverses se réclamant du camp de la défense des travailleurs, n’ait « décrypté » ce slogan en dit long sur la décomposition de la pensée de la gauche, incapable même de percevoir l’outrance d’un propos si lourdement connoté historiquement.


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :