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Loi Travail et prud'hommes: le cadeau discret du gouvernement aux entreprises

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Les petites entreprises auront la liberté de mettre de côté, dès l'embauche d'un salarié, les fonds nécessaires à un procès hypothétique aux "prud'hommes", prévoit la future loi Travail. Une provision à déduire du résultat imposable

Le plafonnement des indemnités à payer par l'employeur condamné pour licenciement abusif a disparu du projet de loi Travail, mais un lot de consolation a été prévu: l'article 29 bis. Il autorise les petites entreprises (moins de dix salariés) soumises à un régime réel d'imposition à provisionner des fonds sur un compte courant dédié, en vue d'un potentiel procès aux prud'hommes, ces sommes pouvant être déduites de leur résultat imposable.

Il est déjà possible, aujourd'hui, de déduire des provisions pour risque prud'homal... mais seulement pour risque avéré, autrement dit de procès connu, à venir ou en cours. Bientôt, elles pourront donc se constituer un matelas non imposable, dès l'embauche du salarié si elles le souhaitent, à condition que ce dernier ait été recruté après l'entrée en vigueur de la loi Travail, en CDI qui plus est.

"La déduction (sera) plafonnée, par exercice de douze mois, à la fois au montant mensuel des rémunérations (...) et au montant du bénéfice de l'exercice. Elle ne (pourra) être opérée qu'une fois par salarié", précise le texte voté par 49.3.

Attention aux intérêts de retard


Pour l'entreprise, la manoeuvre nécessite en premier lieu d'avoir un peu de trésorerie, ce qui n'est pas toujours le cas.

Ensuite, l'intérêt peut vite être limité, financièrement, comme l'explique l'avocat Laurent Parras : "Certes, l'argent provisionné peut être placé sur un compte rémunéré. Mais les taux de rémunération ne sont jamais mirobolants et sont à mettre en regard avec les intérêts de retard (0,40% par mois, soit 4,8% par an) à payer en cas d'utilisation des sommes à des fins finalement autres que le paiement d'indemnités prud'hommes."

Le code général des impôts (article 1727) impose en effet ces fameux intérêts de retard pour les créances de nature fiscale dont le versement a été différé, et l'article 29 bis précise bien que cette règle s'appliquera.

Utile ou pas utile?

Joël Grangé, du cabinet Flichy Grangé Avocats, se montre critique : "En prenant une telle mesure, le législateur acte en quelque sorte qu'il est difficile de mettre fin à un contrat de travail dans des conditions légales, mais, plutôt que de réformer les règles pour permettre aux entreprises de licencier 'proprement', il offre de nouvelles facilités pour provisionner sur le risque.... Voyez la perversité du raisonnement !", ironise-t-il.

Le gouvernement, en tout cas, a surtout présenté l'article 29 bis comme une façon, pour les salariés, d'être prémunis contre une insolvabilité de leur entreprise. Reste que lorsque l'entreprise est en redressement ou liquidation judiciaire, il y a déjà le mécanisme de l'AGS (l'assurance des garanties de salaire), pour jouer ce rôle protecteur. Et, comme l'assure Laurent Parras, "le fait d'entrer en procédure collective n'est pas rare, pour une TPE condamnée aux prud'hommes".

http://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/loi-travail-et-prud-hommes-le-cadeau-discret-du-gouvernement-aux-entreprises_1793370.html


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