Perspective Com
Matin de gueule de bois dans les quartiers nord

Perspective communiste

Au lendemain de l’élection d’un maire FN dans le 7e secteur de Marseille qui compte 150.000 habitants, nombre d’électeurs 
de ce quartier de la cité phocéenne sont partagés entre indifférence, inquiétudes et volonté de résister

La boutade pour mieux affronter le désespoir. Depuis dimanche soir, c’est à cette thérapie presque collective que se livrent une partie des habitants du 7e secteur de Marseille (150.000 habitants), dont le futur Maire se nomme Stéphane Ravier, leader du FN, élu avec 35,34 % des voix devant le maire socialiste sortant (32,52 %) et le candidat UMP (32,15 %).

À l’arrêt de bus Saint-Joseph, un jeune qui attend le 31 plaisante : 
« Il va falloir un passeport pour aller de l’autre côté ? » De ce côté-ci du trottoir, nous sommes dans le 8e secteur, qui a réélu Samia Ghali. De l’autre côté, commence le 7e secteur. À deux pas de la mairie de ces 13e et 14e arrondissements – une magnifique bastide du XVIIIe siècle –, l’activité est pourtant normale en ce lundi matin. « C’est la journée, dites-moi », rigole un commerçant, « France 3 vient de passer ». Il ajoute : « Les clients n’en parlent pas. Vous savez, globalement, ils s’en foutent de la politique. » 
Le taux d’abstention s’est établi à 50 % au premier tour et à 43 % au second. La participation a augmenté dans les bureaux des quartiers populaires mais de manière insuffisante pour permettre à Garo Hovsépian, soixante-seize ans, successeur de Sylvie Andrieux, condamnée en première instance pour détournement de fonds publics, de sauvegarder ce bastion de gauche. Le nombre d’électeurs a également augmenté entre les deux tours dans les zones pavillonnaires, véritables nids à vote UMP et FN.

Dans les cités proches du noyau villageois de Saint-Joseph, la crainte le dispute à l’incrédulité. « Je vais me teindre en blonde, mais ça ne suffira pas », sourit « Fati », une mère de famille dont la fille cadette lui a demandé : « Ça veut dire qu’ils vont virer les Arabes ? » « Un Maire de secteur n’a pas beaucoup de pouvoir, relativise Karim, un jeune chômeur. Qu’est-ce que vous voulez qu’il fasse, Ravier ? Remplacer le hip-hop par de la musique provençale au centre d’activités ? Et après ? » « Et quand tu vas te marier, tu vas le faire devant Ravier ? », lui rétorque du tac au tac « Fati » qui, avec cet argument, marque manifestement un point. Dimanche soir, des camions de CRS s’étaient postés près de quelques cités, comme s’il fallait prévenir un risque d’embrasement en cas de victoire du candidat d’extrême droite.

Parmi les électeurs de gauche, le débat a parfois pris une consonance presque existentielle. « Quand j’ai vu les résultats, dimanche, j’ai dit à mon mari : on déménage, on reste pas ici », raconte Audrey. Il m’a dit : “On reste, on résiste. ”» Il a raison. Alors, on reste et on résiste mais on a la nausée, quand même. »

Conséquences en chaÎne

Le recul de la gauche et la victoire de la droite risquent fort d’avoir de multiples conséquences. La première, c’est que la future métropole d’Aix-Marseille Provence sera probablement demain dirigée part la droite. Autre conséquence prévisible, les sénatoriales de septembre. Jean-Claude Gaudin gagnerait un siège, de même que Guérini, et la gauche n’aurait plus que deux sièges.

Christophe Deroubaix (L'Humanité, le 1er avril 2014)


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :