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Mayotte : Les graves responsabilités de la France dans la crise

Perspective communiste

Depuis le 20 février dernier, Mayotte est la cible d’importantes manifestations. Elles dénoncent notamment l’insécurité et sont menées par une intersyndicale. Le mouvement demande l’application du droit commun, car bien que dans la République, Mayotte ait le statut de département, l’égalité sociale ne s’applique pas

Depuis le 20 février, Mayotte est secouée par un grand mouvement social. Parmi les actions menées, les barrages routiers paralysent l’île. Hier, c’étaient les routes allant au port de Longoni qui étaient bloquées, ce qui empêche tout ravitaillement.

Les maires sont solidaires du mouvement. Ils envisagaient de ne pas organiser l’élection législative partielle du 18 mars, avant de se raviser à la veille de l’arrivée ce jour de la ministre. Ce revirement n’est pas partagé par le mouvement social.

Début de la crise : 1975


Face à cette crise, la réponse du gouvernement est l’envoi de gendarmes supplémentaires pour renforcer la sécurité aux abords des écoles. La ministre des Outre-mer a également annoncé sa visite aujourd’hui. Mais elle n’est semble-t-il pas la bienvenue, les manifestants estiment que si Paris envoie un émissaire, il devra être d’un niveau permettant d’engager des décisions de fond : un Premier ministre au minimum, voire le président de la République.

Cette crise est en effet une conséquence d’une décision prise au plus haut niveau par Paris : le refus de respecter le résultat du référendum d’autodétermination du territoire d’outre-mer des Comores. En 1974, la population vote à 90 % pour l’indépendance. Mais Paris a choisi d’exclure Mayotte de ce résultat au prétexte que dans cette partie de la circonscription électorale, le nombre de voix pour l’indépendance était inférieur à celui pour le statu quo. L’année suivante, en 1975, elle décide de maintenir son administration sur cette île. Mayotte comptait alors 50.000 habitants. Elle en a aujourd’hui officiellement plus de 250.000 sans compter un grand nombre de clandestins venus des îles voisines. Une situation causée notamment par les multiples coup d’État impliquant d’anciens officiers de l’armée française dans le jeune État des Comores. Ceci a considérablement retardé le développement des îles où le résultat du référendum de 1974 a été respecté.

En 2011 déjà...

Depuis 1975, la France a renforcé l’emprise de son administration à Mayotte en enclenchant le processus d’intégration. Cela se traduit par d’importants transferts publics et la promesse d’être un jour les égaux des Français en droit. Mais dans les faits, si Mayotte est inscrite dans la Constitution et si son statut est celui d’un département français, les Mahorais n’ont pas les droits qui en découlent. Ils sont traités en inférieurs, et n’ont pas les mêmes prestations sociales qu’à La Réunion.

Cette décision est dénoncée depuis de nombreuses années. C’est ce qu’avait notamment fait dès 2011 Elie Hoarau, alors député de la circonscription outre-mer au Parlement européen. Il avait également affirmé sa solidarité avec les Mahorais victimes de la répression qui avait lieu à cette époque, quand un gouvernement pensait régler le problème à coups de grenades lacrymogènes, de matraques et de balles en caoutchouc. Un jeune Mahorais avait d’ailleurs été mutilé et perdu un œil.

Depuis ces 6 dernières années, Paris n’a pas mis en œuvre les changements nécessaires pour apaiser la situation. En conséquence, la réponse la plus symbolique était sans doute le refus d’organiser les élections de dimanche. Les maires ont finalement décidé de céder alors qu’aucune campagne électorale ne peut se tenir. Il faut donc s’attendre à un record d’abstention. Ceci soulignera que pour les Mahorais qu’il est plus utile de manifester pour faire avancer la lutte plutôt que d’avoir un député de plus.

Mathieu Maréchal
Témoignages, journal du Parti communiste réunionnais


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