Perspective Com
Notes personnelles sur la situation en Grèce (Travailleur Catalan)

Nicolas Maury

Dimitri Paraskevaidis, jeune communiste de la Loire, étudiant à l’Université de Thessalonique en Grèce, nous a envoyé ses notes personnelles sur la situation grecque. Nous en publions ici des extraits

Le contexte politique grec

Avant toute explication, il est important de retenir une chose, à mon sens, primordiale, dans l’analyse de la situation. Les mesures engagées par le gouvernement semblent avoir été programmées bien avant l’intervention du FMI en Grèce, dans l’attente simplement d’un prétexte pour les enclencher. Le simple déroulement des faits donne toutes les raisons de penser qu’un plan avait été préparé et établi depuis plusieurs années, depuis le traité de Lisbonne, voire depuis Maastricht. Les élections anticipées d’octobre dernier apparaissent ainsi comme une simple étape d’un processus pré-établi. Le changement de gouvernement fut dans les faits une passation de pouvoir, du parti Nea-Democratia aux sociaux-démocrates du PASOK. Tout donne à penser que la classe bourgeoise dirigeante a organisé la prise de pouvoir du PASOK dans un seul et unique but: faire croire au peuple que les mesures prises sont «sociales», du fait qu’elles sont mises en place par un gouvernement «de gauche».

La Grèce est un des seuls pays d’Europe qui a réussi à limiter la casse de ses acquis sociaux lors des dernières décennies. Ces effets d’annonces, qui terrifient le peuple grec, sont une aubaine pour la bourgeoisie, qui s’en sert à présent pour manipuler le peuple grec et lui faire accepter les pires réformes.

Comment la politique d’austérité nuît directement aux travailleurs


Le système des salaires en Grèce est très différent du système français. Environ un tiers du salaire d’un travailleur se compose de primes: primes de Noël, de Pâques, de déplacements, de travail de nuit, treizième ou quatorzième mois, et toutes sortes de petites primes parfois assez insignifiantes. Aujourd’hui, ces primes sont supprimées, et ce depuis plusieurs mois déjà. Une infirmière touchant 900 euros par mois, par exemple, ne touche désormais plus que 680 euros. Un architecte fonctionnaire, touchant 18.000 euros sur l’année, perd 6.000 euros de primes, soit environ trois mois de salaire.

La situation est catastrophique dans les organismes culturels et associatifs. Les subventions arrivent au compte-goutte: pour les établissements les plus instables financièrement, aucune aide ne parvient depuis janvier, et aucun salarié n’a été payé depuis. Les recours prud’homaux sont vains, vu le nombre de dossiers en attente de traitement.

Le secteur privé subit également. Les entreprises voient leurs cahiers de commandes se vider, ce qui engendre retards de paiements ou non paiements des salariés, chômage partiel ou licenciements, coupures des primes et compléments de salaires.

Il faut ajouter à ce climat la hausse de la TVA, qui passe désormais à 23% sur le tabac, l’alcool et l’essence (1,82 euro le litre de sans plomb le vendredi 14 mai 2010, par exemple), le rallongement de la durée des cotisations retraites, la casse du service de Sécurité sociale, les licenciements qui commencent à se multiplier et la démolitions du code du travail.

Pour se donner une idée de la gravité de la situation, il convient de préciser que le coût de la vie en Grèce, depuis le passage à l’euro, avoisine désormais celui de la France. Les factures et loyers demeurent de plus en plus souvent impayés, les prêts bancaires ne sont plus forcément remboursés.

Le scepticisme des jeunes pour l’avenir est terrible. Beaucoup espèrent pouvoir partir travailler à l’étranger, sans grandes illusions cependant.

Pour la solidarité des peuples

Chaque jour, le mouvement se renforce. Beaucoup de camarades perdent leur emploi au simple motif qu’ils participent aux mouvements de grèves (dans cette situation de panique, le respect du code du travail est apparemment un terme oublié).

La crainte que nous pouvons avoir est que les peuples d’Europe croient en la propagande capitaliste et que les travailleurs s’accusent entre eux. J’ai ainsi pu assister à certaines discussions préoccupantes, où une mère de famille par exemple accusait l’institutrice de son enfant d’avoir un salaire beaucoup trop élevé, et de participer ainsi à la dette de l’Etat. Pire encore: un jeune employé affirmant que la crise est due au «vol» des emplois par les immigrés, qui acceptent de travailler pour des salaires moitié moindre dans un pays où le travail au noir est plus que courant.

Depuis plusieurs mois déjà, les grèves s’organisent et le mouvement prend de l’ampleur chaque jour. Cette année universitaire passée en Grèce me permet d’affirmer que la force révolutionnaire de résistance la plus à même de mener le peuple grec au combat est le KKE, force politique puissante et très organisée qui a toujours eu -contrairement au Synaspismos signataire de Maastrish- une politique claire, jamais influencée par la social-démocratie (sur le site du KKE, bonne traduction en français).

Sachez également que le peuple grec est très sensible à nos manifestations de soutien en France: il est indispensable de montrer notre solidarité et notre compassion face à l’injustice qu’il subit.

La résistance grecque se doit être victorieuse, si elle veut donner l’espoir aux peuples d’Europe.


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