Perspective Com
Nouvelle bavure sanglante de l'OTAN en Afghanistan

Nicolas Maury

Quelque 90 personnes, pour la plupart des civils, ont été pulvérisées dans l’explosion de camions citernes visés par un bombardement de l’alliance. Un soldat français, le trentième, tué dans l’est du pays

« Les assaillants ont été combattus avec succès. Cinquante-six insurgés ont été tués. Il n’y a eu aucune victime civile. Les forces allemandes n’ont pas eu de perte », affirmait sur un ton triomphal un communiqué de la Bundeswehr, l’armée allemande. En fait d’insurgés - il y en avait une quinzaine selon des témoignages concordants de rescapés -, la plupart des victimes (90 morts) sont des civils, à moins de les considérer comme des sympatisants de la cause talibane.

Les faits : la veille, jeudi, deux camions-citernes d’essence destinés au ravitaillement de l’ISAF (force internationale d’assistance à la sécurité) sont capturés par un groupe de talibans sur la route de Kunduz (nord du pays) où sont déployés 800 soldats de la Bundeswehr. Vendredi matin, l’un des camions s’enlise dans le lit d’une rivière.

Des talibans juchés sur le camion font savoir aux habitants du village situé près de la rivière qu’ils peuvent venir se servir. « Les villageois se sont rués vers la citerne avec tous les bidons et bouteilles qu’ils pouvaient emporter » a expliqué Mohamed Daoud un rescapé du carnage. D’autres ont même acheminé leur tracteur pour faire le plein. Deux cents à trois cents villageois étaient amassés autour de la citerne au moment de la frappe. « Il y avait des mains, des jambes et d’autres restes humains éparpillés partout » a ajouté M.Daoud. Ainsi que des corps calcinés.


La Bundeswehr n’en démord pas. « Dans l’état actuel de nos connaissances, aucune personne n’a été tuée qui n’ait pas été impliquée dans le détournement dans la nuit de jeudi à vendredi de deux camions-citerne », a soutenu sans rire le porte-parole du ministère allemand de la Défense, le capitaine Christian Dienst. Qualifiant de « spéculations » et de « propagande » les informations faisant état de civils tués. Concernant le commandant allemand qui a ordonné la frappe, il a expliqué être « convaincu qu’il a respecté les règles d’engagement » de l’OTAN, selon lesquelles il ne pouvait y avoir de frappe aérienne si la présence de civils sur place était établie. Le problème est que l’OTAN n’en est pas à sa première « bavure » : au cours des deux dernières années, des centaines de civils ont été tués par des frappes aériennes de l’OTAN.

Ce nouveau carnage a mis dans l’embarras certaines capitales occidentales dont l’engagement en Afghanistan est contesté par leurs opinions publiques. C’est le cas de Londres. Inquiet des conséquences de ce nouveau bombardement, le chef de la diplomatie britannique, David Miliband a exigé qu’une enquête soit menée rapidement. Lui emboîtant le pas, le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmusssen a promis une telle enquête. Côté afghan, le président-candidat, Hamid Karzaï, a estimé que « viser des civils de quelque manière que ce soit est inacceptable ».

Côté forces françaises, son porte-parole, Christophe Prazuck, a annoncé hier la mort d’un soldat du 3e régiment d’infanterie de marine survenu au nord de Kaboul, et quatre blessés dans un état grave. La mort de ce militaire porte à 30 le nombre de soldats français tués en Afghanistan. « Un engin explosif a explosé sous un camion blindé français, un VAB, touchant tous les occupants de ce véhicule », a-t-il expliqué. Nicolas Sarkozy a « condamné avec force cette violence aveugle et a exprimé la détermination de la France à continuer d’œuvrer au rétablissement de la paix et au développement en Afghanistan », indique le communiqué de l’Élysée. Reste à savoir si cela va suffire à convaincre une opinion française déjà majoritairement hostile à l’intervention française en Afghanistan : selon un sondage IFOP pour le Figaro, 64 % de Français y sont opposés.

Hassane Zerrouky - l'Humanité


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