Perspective Com
POUVOIR D’ACHAT

Nicolas Maury

la prime pour l’emploi (PPE) contre les salaires

POUVOIR D’ACHAT
Si d’aucuns en doutaient, l’agitation gouvernementale sur le sujet devrait les convaincre : la faiblesse du pouvoir d’achat est bien une préoccupation majeure en cette rentrée.
L’équipe Villepin multiplie ces jours-ci les annonces de mesures “ nouvelles ”… quitte à recycler des décisions prises il y a un an. Ainsi du chèque transport (30 euros mensuels, loin de compenser l’envolée des prix à la pompe) déjà promis par le même Villepin en septembre 2005.

Ainsi de la prime pour l’emploi (PPE) qui, claironne le pouvoir, “ sera revalorisée l’an prochain ”. D’un montant de 714 euros pour un salarié célibataire avec un salaire proche du SMIC, ce chiffre sera “ encore revu à la hausse et devrait s’établir à 809 euros l’an prochain ” se vante le ministre du Travail. “ Encore ”? En réalité, cette hausse figure dans le budget 2006 voté il y a un an, qui prévoyait de majorer de 50% en deux ans le montant maximal de la PPE.

On laisse entendre aujourd’hui que le gouvernement n’exclurait pas un coup de pouce supplémentaire en utilisant le surplus de recettes fiscales engendré par la croissance du PIB. En mettant en scène, soit dit en passant, de fausses querelles entre ministres plus ou moins portés sur le social… En vérité, le pouvoir cherche désespérément à se donner une image de justice sociale. Mais la PPE n’est guère le meilleur exemple.

Près de neuf millions de foyers modestes touchent cette prime dite “ pour l’emploi ”. Mis en place par le gouvernement Jospin en 2001, sous l’impulsion de Laurent Fabius, alors locataire de Bercy, repris et amplifié par la droite depuis 2002, ce dispositif consiste en un crédit d’impôt accordé aux salariés rémunérés jusqu’à 1,4 SMIC. La PPE est censée encourager la reprise ou le maintien dans l’activité des actifs à faibles revenus, en compensant la diminution de ressources souvent subie lors du retour en emploi, du fait notamment de la perte d’aides sociales. Fortement inspirée de l’impôt négatif en pratique aux USA, cette mesure fait partie de l’arsenal libéral pour baisser le “ coût du travail ”. Comme les exonérations de cotisations sociales, elle part du principe que ce coût serait trop élevé.

Avec la PPE, il s’agit donc de pousser les salariés à accepter des emplois mal payés, souvent précaires, moyennant une petite compensation versée par l’État. Trois milliards d’euros de fonds publics y sont consacrés cette année. Le pouvoir d’achat n’en tire au bout du compte guère avantage : le journal La Tribune vient de rappeler que l’actuel regain des ménages ne repose pas sur leur pouvoir d’achat mais sur leur épargne.

Par contre, avec la PPE, le gouvernement cautionne et encourage la politique de bas salaires (la moitié des rémunérations stagnent au-dessous de 1,6 SMIC) du patronat ainsi déresponsabilisé. À l’opposé de ses discours sur la “ valeur travail ”, il contribue à le dévaloriser.

Les miettes que Villepin s’apprête à distribuer sous forme de PPE, chèque transport ou allocation d’installation pour des étudiants laissent bel et bien entière aux yeux des syndicats la question d’un relèvement sensible des salaires, dans le privé comme dans la fonction publique où le pouvoir d’achat a baissé de 6 à 7% depuis 2000


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :