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Prix du lait : comment sortir de l’impasse ?

Nicolas Maury

Les paies du mois d’avril sont tombées : elles affichent une baisse sans précédent de 30 % du prix du lait. Le maintien des quotas laitiers et un réel pilotage de la production apparaissent plus que jamais nécessaires

Voilà. La crise tant redoutée par les éleveurs laitiers depuis plusieurs mois est là. Sur les feuilles de paie du mois d’avril, qui arrivaient dans les fermes le 15 mai, le prix du lait est en chute libre : entre 90 et 100 euros de moins (pour 1 000 litres de lait) par rapport à l’année dernière. Un recul de 30 %, sans précédent, qui aboutit à un prix moyen payé aux éleveurs de l’ordre de 21 centimes par litre. C’est bien loin des coûts de production, qui tournent autour de 30 centimes. « Et encore, ce chiffre ne comprend pas la main-d’œuvre... », précise Yves Leperlier, éleveur dans l’Orne et responsable de la commission lait à la Confédération paysanne. Les réactions ne se sont pas fait attendre. Avant tout mot d’ordre, plusieurs laiteries ont déjà été bloquées en fin de semaine dernière : Danone en Seine-Maritime, Lactalis dans l’Aveyron, Gillot dans l’Orne, Elle-et-Vire et Lactalis dans le Calvados... Le point d’orgue de la mobilisation devait être atteint mardi 19 mai, date à laquelle la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait, affiliée à la FNSEA) appelait à une journée d’action devant les préfectures. Pour le syndicat majoritaire, le gouvernement doit de nouveau autoriser l’interprofession à formuler des recommandations sur le prix du lait.

LA FNSEA FACE À SES CONTRADICTIONS

« Les transformateurs profitent très clairement de la situation », estime encore la FNPL. Pour le syndicalisme majoritaire, ces attaques ont le mérite d’éluder leur propre responsabilité dans cette crise. Les responsables de la FNPL - qui ont cédé en décembre sur une première baisse du prix du lait - s’avouent aujourd’hui surpris que les industriels en aient profité ! Placés devant leurs contradictions, les voilà désormais condamnés à pousser des cris d’orfraie : « Incompréhensible, inadmissible, insupportable », titrait le dernier communiqué de la FNPL, publié le 13 mai.
« ACTIONNER LES BONS LEVIERS »

« Incompréhensible » ? Pas tant que ça. Les raisons de la crise sont aujourd’hui bien connues : un recul de la consommation des produits laitiers sur fond de récession, tandis que la Commission européenne augmente les quotas laitiers. « Il ne faut pas oublier que le problème dépend avant tout des orientations politiques prises par Bruxelles », rappelle Yves Leperlier. D’après lui, l’Europe produit aujourd’hui 10 % de lait en trop. Depuis des mois, la Confédération paysanne et le Modef réclament le maintien des quotas laitiers, alors que Bruxelles a programmé leur disparition pour 2015. Ensuite, il s’agit « d’actionner les bons leviers », d’après Yves Leperlier, autrement dit de « faire évoluer les quotas selon le niveau de consommation ». Du simple bon sens, mais pourtant l’exact opposé de ce qui fait aujourd’hui office de politique laitière européenne. Le retour à une véritable régulation des marchés commence à faire son bonhomme de chemin. D’après Yves Leperlier, « la moitié des éleveurs qui ont participé au blocage de la laiterie Gillot dans l’Orne (organisé par la Confédération paysanne, NDLR) n’étaient pas de la Conf’. Ils étaient de la FDSEA, des JA ou sans étiquette. Même les industriels sont d’accord avec nos propositions, ils n’ont pas intérêt à ce que les éleveurs produisent trop de lait. » L’étape suivante ? Interpeller les politiques, alors que l’échéance du scrutin européen se rapproche à grands pas.


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