Profits contre retraites
Nicolas Maury
Entre “ retraites dorées ” et régimes spéciaux (genre cheminots), où se cachent les vrais privilégiés?
L’affaire Daniel Bernard, ancien PDG de Carrefour, et de ses 38 millions d’euros de “ retraite chapeau ” (soit 1000 fois le salaire des caissières du groupe, ou 2500 années de Smic) n’est qu’un symbole. Car la pratique est courante.
Chez Air Liquide par exemple, leader mondial des gaz industriels, on a coutume de se montrer généreux avec ses anciens dirigeants. Edouard de Royère, à la tête du groupe jusqu’en 1995, endosse chaque année un chèque de 1,6 million d’euros. Alain Joly, son successeur, reçoit des étrennes de 1 million d’euros. Benoît Potier, actuel PDG, a alors demandé son reste. Il a négocié un chèque de trois ans de salaire lors de son départ. Soit la modique somme de 6 millions d’euros. Au cas où les fonds viendraient à manquer pour les vieux jours, cet argent ne fait que compléter le régime des salariés ordinaires auquel ces dirigeants ont cotisé...
En moyenne, la pension versée aux anciens ténors du CAC 40 représente entre 40% et 65% de leur dernière rémunération. Sans cela, ces gens très bien payés, entre 1 et 3 millions d’euros par an, ne toucheraient que 15% à 30% de leur dernier salaire à la retraite. Le parachute doré a été conçu pour compenser cette perte d’argent (!). Surtout, il fidèlise les dirigeants. Que dire de la retraite chapeau d’Antoine Zacharias, PDG de Vinci? Celle ci lui permettra de conserver un revenu de 2,1 millions d’euros par an, soit 50% de son salaire. Plus 13 millions d’euros, trois ans de salaire, versés au début de l’année: le roi des parkings aura de quoi couler des jours heureux.
Les indemnités de départ s’échelonnent dans ces grands groupes entre six mois et quatre ans de leur dernière rémunération. Si José-Luis Duran, chez Carrefour, est remercié, il gagne 24 mois de salaire. S’il est remplacé par un nouvel actionnaire, l’indemnité passe à trente mois.
Reste que si tous ces grands patrons cotisent pour la protection sociale, ce n’est pas le cas des actionnaires, grands bénéficiaires de l’excellente rentabilité des groupes du CAC 40. L’année dernière, ils se sont partagé un gâteau de 24 milliards d’euros.